3.2. PRINCIPAUX CONCEPTS SOUS-TENDANT LE MODELE SPIRALÉ

Nous allons exposer ici les principaux concepts sous-tendant le modèle spiralé spécifique aux sujets touchés par le syndrome d’échec scolaire électif.

3.2.1. La compulsion de répétition et son lien avec la représentation

Le modèle spécifique au fonctionnement psychique des sujets en échec scolaire électif est spiralé. C’est-à-dire qu’il a la particularité d’être composé de circonvolutions processuelles incessantes. Il a en outre, la spécificité fondamentale d’être sous-tendu par la compulsion de répétition (S. Freud, 1920). En effet, une contrainte s’exerçant sur le psychisme conduit le sujet en échec scolaire électif à répéter malgré lui des attitudes qui pour le sujet lui-même sont vécus comme étranges. S. Freud précise :

‘« Dans l’inconscient psychique […] on parvient à discerner la domination d’une compulsion de répétition émanant des motions pulsionnelles, qui dépend sans doute de la nature la plus intime des pulsions elles-mêmes, qui est assez forte pour se placer au-delà du principe de plaisir, qui confère à certains aspects de la vie psychique un caractère démoniaque, qui se manifeste encore très nettement dans les tendances du petit enfant […]. Sera ressenti comme étrangement inquiétant ce qui peut rappeler cette compulsion intérieure de répétition. » (S. Freud, 1919, p. 242)’

Il s’agit donc d’une énergie pulsionnelle qui sera moteur pour ce fonctionnement. Le sujet ne peut5 se défendre contre cette force afin de se retirer activement de ce processus. Ainsi, à des moments non contrôlés par lui, des affects vont remonter à la surface de la psyché et entraîner des comportements particuliers.

Que se passe-t-il exactement ? Ces circonvolutions psychiques récurrentes témoignent d’un non-symbolisé qui se répète. Des évènements traumatiques n’ont en effet pas trouvé de sens dans la psyché du sujet à un moment de son histoire et ils se réactualisent alors sans cesse dans le présent. Pour René Roussillon (1995) la compulsion de répétition va ramener à la surface du psychisme des évènements qui ne comportent pas de satisfaction pulsionnelle. Nous pensons pour notre part qu’il va y avoir pour les sujets en échec scolaire électif une première satisfaction, le sujet accédant temporairement à un semblant de différenciation sujet-objet qu’il recherchait, mais cette satisfaction sera vite balayée par l’impact du réel et par le retour dans la psyché de l’ancienne situation traumatique. Il va y avoir alors au niveau de la dépression (phase que nous expliciterons par la suite) une réactivation positive de ce que René Roussillon appelle des « traces mnésiques perceptives »(1995) ce qui va permettre au sujet de s’affranchir provisoirement de l’objet. Puis, au niveau prestance (phase que nous expliciterons par la suite) il va y avoir une « réactivation négative des traces mnésiques perceptives » (R. Roussillon, 1995), où le sujet va réaliser son échec de la différenciation.

La compulsion de répétition va permettre une quête représentative de la psyché. Il y a en effet pour le sujet des éléments dans sa psyché qui n’ont pas de sens.

‘« Dans une telle situation le comportement […] se répète pour tenter de maîtriser l’expérience traumatisante rétroactivement. » (G. Szwec, 1995, p. 1632) ’

R. Roussillon (1995) explique que cette quête de la psyché a pour but que des éléments incompréhensibles, « illisibles » le deviennent enfin et entrent ainsi dans la chaîne représentative. Les « traces mnésiques représentatives» se différencient des « traces mnésiques perceptives ». Ces dernières sont en carence de représentations. La psyché est donc véritablement en quête de représentations. C’est seulement si ces dernières se font que le sujet pourra s’affranchir de la contrainte de répétition. Sans celles-ci la condamnation à un processus spiralé incessant est inéluctable.

Mais la symbolisation comporte un risque important pour le sujet. Symboliser c’est faire entrer au-dedans ce qui est au-dehors et donc porter au-dedans un objet qui peut ne plus apparaître au dehors. Ainsi, à moins d’avoir la certitude d’une réussite prochaine de la symbolisation le sujet ne peut courir le risque de symboliser l’objet, car il risque de le perdre au-dehors mais aussi au-dedans. Symboliser revient donc pour le sujet à perdre concrètement ce qu’il symbolise, cela revient donc à perdre l’objet. Ainsi le sujet risque non seulement de perdre concrètement l’objet mais aussi de ne pas en avoir une représentation. Il y a ici un paradoxe : le sujet oscille alors entre un besoin de symbolisation et une crainte à symboliser, se transformant en refus de symboliser.