3.2.2. La circularité du temps et les processus progrédients et régrédients

Plusieurs auteurs effleurent l’évidence d’un processus circulaire. Certains l’ont même clairement exprimé, sans toutefois malheureusement développer la réflexion dans ce sens. C’est par exemple le cas de Jean Guillaumin qui reconnaît que ces interrogations introduisent ainsi par un chemin nouveau une problématique mieux posée. Il explique :

‘« Ce qu’on peut considérer comme un « processus paradoxal » peut ou même doit sans doute être traité, à titre de cas limite, comme une sorte de processus-non-processus, une espèce structurée de circularité temporelle qu’un nœud contradictoire immobiliserait, à la manière des pendules vouées au mouvement dit perpétuel, en en inversant et en réciproquant les mouvements, pour s’opposer ainsi d’une certaine façon par et dans sa processualité même, c’est-à-dire sa temporalité croisée et contradictoire, à ce qui, justement, fait l’essence et la finalité de toute processualité : à savoir de s’ordonner pour aller de l’avant vers son terme. » (J.Guillaumin, 1995, p. 158)’

Nous avons vu comment le rythme, la notion de temps rythmique est celle des premiers mois de la vie. Elle est donc celle des processus primaires. A la première partie de l’enfance, la temporalité n’est pas organisée suivant un mode chronologique. Il s’agit du temps scandé par les soins assurés par l’objet. Pour le bébé le temps c’est le retour du même, à savoir de la mère qui procure tous les éléments favorables à son bien-être et donc à la réduction des tensions qui l’animent. Le modèle spiralé est fondé sur ce temps circulaire car il y a là aussi retour du même. Il est donc avant tout régi par les lois de la temporalité primaire. Le temps des sujets en échec scolaire électif est celui des processus progrédients et régrédients ou le sujet s’éloigne et se rapproche de l’objet ou l’objet s’éloigne et se rapproche du sujet en fonction de la rythmicité de ce qui se déroule entre le sujet et l’objet. Ces processus progrédients et régrédients se déroulent dans un temps qui forme une spirale infernale où le sujet est tantôt différencié tantôt indifférencié de l’objet. Ainsi, le temps paraît linéaire au sujet, alors qu’il n’est qu’une partie de la spirale puis, il s’enroule sur lui-même. Le sujet tente de sortir de cette spirale temporelle et aspire inconsciemment à atteindre une chronologie temporelle linéaire. Mais, il est pris dans un paradoxe. Il sait que cela le conduira à la fin de ce temps circulaire, mais aussi à la fin d’un retour de l’objet.

Comme nous l’avons vu précédemment, le processus progrédient, est le processus normal de tout sujet en rapport avec un cadre suffisamment stable et malléable. Il permet au sujet de dépasser l’état d’indifférenciation caractéristique du narcissisme primaire afin d’accéder à l’aire intermédiaire. Lorsque ce processus se déroule bien le sujet accède à la différenciation psychique. Il devient sujet à part entière différencié de l’objet. Dans la vie du sujet "normal" ce processus permet d’atteindre une maturité psychique de plus en plus importante. Dans les cas de sujets en échec scolaire électif ce processus va bifurquer. Tout en gardant une certaine progression, ce processus ne suit pas un chemin linéaire. Il s’infléchit. Le sujet est toujours marqué par une certaine illusion. Il lui semble que tout est possible comme s’il avait atteint la phase de différenciation sujet-objet. Mais, c’est un faux-self (D.W. Winnicott, 1960) qui s’installe.

‘« Le recours au faux-self permet que se développe en secteur des aptitudes à la conformité, garantissant le maintien d’un lien avec le réel […], mais sur un autre plan, dans les espaces clivés, persiste une pensée animiste, prélogique, placé sous le signe de la toute-puissance infantile. » (R. Mises, 1997, p. 1356) ’

Le sujet use toujours à ce stade, de processus primaire cependant que des processus secondaires sont de plus en plus actifs. Mais, le sujet ne pourra maintenir ce faux-self longtemps du fait de l’impact de la réalité extérieure. C’est pourquoi il y aura réduction progressive du clivage allant de pair avec une inversion du processus. De progrédient, le processus devient alors régrédient. En outre, une plus grande place est donnée aux processus primaires.

La quête aurait dû permettre au sujet de trouver l’objet afin de l’intérioriser et pouvoir ainsi s’en éloigner. Décrivant des situations similaires de sujets en quête de l’objet perdu J. Guillaumin écrit :

‘« La recherche de l’objet perdu ou de l’objet introuvable […] va vers des formes de plus en plus régressives d’investissement pulsionnel. » (J. Guillaumin, 1996, p. 167) ’

Deux éléments essentiels concourent à cette régression. Il y a tout d’abord l’impact du réel qui mènera à une chute de l’illusion et ainsi à une réduction du clivage. Du déni le sujet passe à la reconnaissance. Est tout aussi important le détachement d’avec le double étayant (J. Guillaumin, 1996). Le sujet s’écarte du double étayant. Mais, il n’a cependant pas constitué une représentation interne stable de l’objet et atteint l’indifférenciation psychique.