3.2.3. Le clivage du moi dans le modèle spiralé

Comme nous l’avons vu chez plusieurs cas le fonctionnement des sujets en échec scolaire électif est caractérisé par un clivage du moi. Voyons comment ce clivage régit le fonctionnement psychique spiralé des sujets.

Ce processus spiralé repose sur un important clivage, dominé par la contrainte de répétition. Deux attitudes nous ont paru révélatrices de l’état psychique dans lequel était le sujet à un moment ou à un autre de son fonctionnement psychique. Ces comportements dépendent du clivage du moi ou, du retour perceptif hallucinatoire (ou agi) d’expériences traumatiques non symbolisées : le retour du clivé (R. Roussillon, 1995).

Nous opposons, dépression et prestance. Nous développerons ces deux états par la suite dans la logique de notre exposé sur le modèle. Le clivage va permettre au sujet de sortir de son 1erétat celui d’une forme de dépression. C’est en effet à ce niveau qu’il entre progressivement dans la partie la plus importante du clivage à savoir le déni. Après la phase dépressive nous avons une phase où s’estompe la reconnaissance et s’installe le déni. Le clivage va permettre au sujet de dénier ses difficultés et ainsi de dépasser ce 1er stade. Le sujet oublie momentanément qu’il a des difficultés. Il pense à ce niveau que tout est possible et entre alors dans une forme d’illusion par renforcement progressif du clivage. Cela se passe conjointement à une réassurance psychique favorisée par le double étayant (J. Guillaumin, 1996). Le déni va aller en s’amplifiant pour finalement se réduire et aboutir à une reconnaissance des difficultés.

Parvenu au stade de la prestance psychique le clivage est à son apogée. Le sujet présente alors ici un faux-self (D.W. Winnicott, 1960) révélateur du clivage. Ce stade est primordial car fort de sa réassurance psychique le sujet se croit capable de tout. L’impact de la réalité, à savoir les limites de ses capacités, vont ensuite l’obliger à reconnaître ses difficultés et ses échecs. Nous avons vu que selon S. Freud le clivage est constitué de ce va-et-vient entre le déni et la reconnaissance. C’est à ce niveau du processus, à prestance, que l’on voit le sujet passer du déni à la reconnaissance de ses difficultés. On a ici une phase floue où le déni est progressivement remplacé par la reconnaissance. Le clivage se réduit alors de manière progressive alors que parallèlement le sujet reconnaît de plus en plus ses difficultés. Il y a ici évanescence des limites entre la partie clivée et la partie non clivée du moi. Le sujet n’a plus les moyens de gérer le clivage. Il est dépourvu de la possibilité de maintenir l’illusion, du fait de l’impact du réel. C’est ainsi qu’il chute dans une nouvelle phase, à savoir celle de la honte. La reconnaissance lui fait vivre un sentiment de dévalorisation de plus en plus important. Arrivé au stade de la dépression la reconnaissance est totale. C’est très certainement cette dernière qui le conduira à la dépression. Puis la réassurance psychique favorisé par le monde extérieur, va le conduire à dénier à nouveau ses difficultés et lui permettre de sortir de cet état. Un nouveau tour va alors s’engager.

Comme nous l’avons vu précédemment, le clivage qui se réactualise en permanence dans ce processus n’est autre que celui issu du traumatisme primaire. Afin de pouvoir survivre au traumatisme, le sujet a dû « se tronquer dedans » dira Jérémy, se « couper » de sa subjectivité (R. Roussillon, 1995). En son temps, seule cette scission lui a permis de ne pas sentir le traumatisme et ainsi de survivre. La situation traumatique se répète cependant au présent. Il y a eu « conservation intra-psychique des traces ainsi revivifiées » (R. Roussillon, 1995, p. 1357)

‘« Tout processus d’apprentissage normal met à l’épreuve l’équilibre de l’organisation narcissique. […]Les erreurs commises permettent des réflexions et peuvent être source de progrès, mais pour que cette expérience soit bénéfique, l’enfant doit avoir une confiance suffisante en lui-même pour tolérer une situation passagère d’échec sans angoisse excessive. » (M. Despinoy, 2004, p.87)’

La reconnaissance de ses difficultés par le sujet en échec scolaire électif va réactualiser la blessure narcissique du passé dans le présent au niveau post-prestance, que nous avons nommé dans notre modèle chute de l’illusion. C’est ce qui va conduire à cette honte immense, autre étape essentielle dans ce fonctionnement. « Je ne suis pas capable ! », « Je ne vaux rien ! », « Je ne suis rien !» puisque l’objet m’a traité ainsi, tels sont les affects, verbalisés en permanence qui, à ce stade, assaillent le sujet. Parvenu au seuil le plus bas de la reconnaissance, face cachée du clivage, la psyché anéantie n’a qu’une seule issue. Comme par le passé le moyen de survivre va être de se cliver. Le sujet « ne se sent plus là où il est, il se décentre de lui-même, se décale de son expérience subjective » (R. Roussillon, 1999 b, p. 20) Le sujet sort ainsi de sa phase dépressive, synonyme à moyen terme de mort psychique. Le clivage, témoignant de l’échec de la représentation (R. Roussillon, 1995, p. 1357), se répète alors sans cesse, sans jamais trouver le moyen de se résorber.