Phase intermédiaire suivante : Le retrait du sujet, une phase maniaque

A la phase intermédiaire suivante de cette évolution psychique du sujet, le double étayant (J. Guillaumin, 1996) qui a permis au sujet de sortir de la dépression joue un grand rôle. Dans la situation normale, le double et le cadre devraient permettre au sujet de se détacher de l’objet, mais ici ce n’est pas le cas. Le sujet va entrer dans une phase maniaque où il pense intensément que tout est possible. Que ce passe-t-il à ce moment là pour que le processus bifurque ? L’objet a-t-il "lâché" le sujet (s’est-il éloigné)? Le holding et le handling du double-étayant ont-t-ils ainsi cessé de soutenir le sujet ? Le cadre a-t-il été suffisamment stable et malléable? Le sujet est-il en cause directe dans cet échec de l’évolution psychique ?

C’est le sujet qui va s’écarter de l’objet et non l’inverse. Le sujet va s’éloigner physiquement et psychiquement de l’objet. Il ne fait plus ressentir à ce dernier qu’il a besoin de lui comme auparavant. Dans l’hypothèse où, le double étayant fait toujours preuve à ce stade d’un holding et d’un handling adéquates, et où le cadre proposé est suffisamment stable et malléable, c’est le sujet qui va rejeter ce soutien, ce cadre et donc l’ensemble de cet étayage.

Pour quelles raisons l’évolution psychique conduit-elle à ce retrait de la part du sujet ? On pourrait penser que fort de s’être sorti de cette phase d’effondrement psychique à l’aide d’un objet revalorisant, le sujet va continuer sur sa lancée et atteindre la phase tant recherchée de l’indifférenciation sujet-objet, pour pouvoir enfin s’affranchir de l’objet et devenir ainsi un sujet à part entière. Mais, pour le sujet l’évolution normale, celle que tout sujet devrait expérimenter, signifie de façon primordiale autre chose. Le détachement psychique normal n’est possible que parce le sujet a une représentation interne stable de l’objet. Et donc il peut physiquement s’éloigner de l’objet car il le porte constamment en lui, en représentation. Dans le cas des sujets en échec scolaire électif, l’objet n’a pu être constitué en représentation interne, ni dans le passé ni au présent. Ainsi, le sujet qui s’éloigne de l’évolution normale a la conviction inconsciente qu’il n’a pas, cette fois encore, pu constituer la représentation de l’objet. Il va alors être dans l’obligation de garder l’image de la mère au devant de la scène de la vie psychique comme un prototype d’objet maternel interne. S’il part vers cette aire intermédiaire plus complexe cela signifie pour lui la perte effective de l’objet. Le sujet n’a pas acquis de représentation stable, fixe et interne de l’objet maternel, qu’il aurait dû constituer à ce stade intermédiaire par le passé. C’est le défaut en symbolisation qui enclenche tout le processus. Comme nous l’avons vu, il y a une véritable quête représentative. Mais, la représentation ne se fera pas cette fois encore, comme par le passé et comme à chaque processus spiralé. Le sujet ne peut aller de l’avant car il peut perdre réellement l’objet, chose qu’il ne veut surtout pas risquer. Il est alors contraint de rompre ce lien privilégié avec le double, garant de l’autonomie subjective.

La répétition n’est donc pas totalement compulsive ici. Le sujet prend une part active dans ce qui se déroule. Alors, qu’il est poussé par un élément extérieur à sortir de sa réserve dépressive, donc poussé par l’objet, mais aussi parce qu’il en a la volonté, à ce stade il préfère sans en avoir toutefois une pleine conscience se retirer. Nous verrons en effet, qu’il aura à l’étape suivante l’illusion d’être capable de tout. Il y a donc ici un paradoxe : le sujet se retire de la relation qu’il entretenait avec l’objet mais/et pense encore que tout est possible sans lui. Alors qu’il a en fait, encore besoin de lui pour accéder à une réelle autonomie subjective. Il lui manque une grande étape en compagnie du double étayant. Par la suite nous verrons que la compulsion de répétition joue complètement son rôle en ramenant le sujet à son étape initiale.

De l’étape de l’illusion va ainsi résulter une joie intense pour le sujet. Le sujet entre dans une phase maniaque. Au lieu de s’estomper l’illusion va aller en s’amplifiant. Nous avons vu que la phase normale suivante voudrait que le sujet sorte de cette étape intermédiaire, transitionnelle et qu’il devienne le sujet indépendant de l’objet, mais un phénomène tout autre va se produire. Le processus progrédient bifurque vers un autre état, qui est celui de la prestance totale.