3ème étape : La prestance

Nous avons remarqué que tous les sujets avaient à un moment ou un autre une attitude de prestance. Ils déniaient alors toutes difficultés avec une réelle conviction d’avoir parfaitement réussi ce qu’on leur demandait et même d’être les meilleurs. Presque tous les sujets seront persuadés d’avoir ainsi, réussi tous les items du W.I.S.C.. Mélissa exhibera cette prestance dans son entretien, lorsqu’elle accèdera à la seconde étape. Elle manifestera alors son succès en représentant et en verbalisant des mouvements de danse et de gymnastique. La prestance est évidente chez Jérémy presque tout au long des entretiens, et flagrante dans les expressions : « Il est invincible » et « je suis le maître du monde ! » Nous verrons cela encore avec la coupure très probablement intentionnelle d’Amin, le mettant dans la position de centre d’intérêt. Il éprouve le besoin de se mettre au cœur des évènements afin de se faire remarquer.

Auréolé d’une importante prestance le sujet a atteint la partie la plus "concentrée" du clivage, à savoir le déni total. Dans la psyché la joie intense d’être sortie d’un état dépressif mêlée à l’illusion de vivre sans l’aide de l’autre et donc plus particulièrement de l’objet, aboutissent à ce vécu de grandiosité narcissique illusoire basé sur un clivage où le sujet dénie ses échecs. S’établit alors véritablement ici un faux-self (D.W.Winnicott, 1960). Il semble au sujet que tout est possible, qu’il est le meilleur, qu’il est le héros. Mais en réalité précise D.W. Winnicott :

‘« Le développement d’un faux self est l’une des organisations de défense les plus réussies, destiné à protéger le noyau du vrai self. » (1954, p. 265) ’

L’état de prestance va permettre au sujet d’aborder différemment les apprentissages. Il se sent, pour un temps, plus capable et plus fort intellectuellement. L’investissement scolaire sera alors plus important. Cette sorte d’autosuggestion va lui permettre d’obtenir de meilleurs résultats ou tout du moins de s’investir de façon plus importante et donc plus efficace. De plus, temporairement, les résultats seront réellement meilleurs du fait d’une capacité de symbolisation minime certes, mais réelle, car les processus secondaires sont ici plus actifs que les processus primaires.

Prenons la définition que donne le Petit Robert (1996) du terme prestance :

‘« Du latin "supériorité". Aspect imposant d’une personne ; physique, maintien et contenance imposants. Avoir de la prestance : avoir de l’allure. »’

Les termes "maintien" et "contenance" donnent un résumé complet de la sensation du sujet lorsqu’il est à cette étape. Il se sent maintenu et contenu. Ce qui nous rapproche des concepts de D.W. Winnicott (1960) : holding et handling. Le bébé soutenu et maintenu par la mère a le sentiment d’être réel et d’être le même individu. Ceci est essentiel pour sa psyché. Rapprochons cet état de celui de l’illusion de toute puissance que connaît le bébé lorsque l’adaptation de la mère à ses besoins est maximale. Il correspond à un état de bien-être où le bébé, soutenu et contenu par l’objet primaire, a l’illusion que tout ce qui est bon vient de lui. Ainsi lorsque ces sujets présentent une attitude de prestance ils sont dans cet état là, ou plutôt dans cette aire là. Ils sont dans l’aire de l’illusion (D.W. Winnicott, 1952), qui comme nous l’avons vu, leur a précocement manqué. La plupart des sujets ont témoigné de cette transition échouée en son temps. C’est Mélissa qui exposera le plus clairement qu’elle a besoin d’atteindre cette aire transitionnelle. Lorsque les sujets sortent du premier état qui est celui rappelons-le, de la dépression, c’est pour entrer dans cette aire intermédiaire (ibid.). Toutefois, pour les sujets en échec scolaire électif, à l’inverse de tout sujet ayant expérimenté adéquatement ces transitions, ce n’est nullement pour accéder par la suite, à une aire de réalité.