4ème étape : La honte

Cette "honte d’être" (R. Roussillon, 1999 b) éprouvée par le sujet est le premier signal de l’entrée prochaine dans la dépression. Dans

‘« La honte d’être […] Le sujet n’est plus seulement en risque de perdre la face, il n’a jamais réellement trouvé sa face. » (A.Ferrant, 2000, p. 12) ’

Le sujet témoigne d’une défaillance primaire dans sa relation avec l’objet. Ce qui a été renvoyé par l’objet n’était pas de nature à le revaloriser. Il manquait à l’objet primaire cette capacité à s’émerveiller devant son bébé ( R. Roussillon, 1999 c).

‘« La honte […] contient toujours la trace d’un certain type d’échange et surtout d’une relative faillite ou défaillance de la fonction réfléchissante de l’environnement. » (A. Ciccone & A.Ferrant, 2004, p.178) ’

La honte, totale à ce stade « témoigne de l’échec du moi au regard de son projet narcissique. » (A. Ciccone et A. Ferrant, 2004, p.177) En effet, le sujet réalisant la limite de ses capacités, c’est une véritable dévalorisation narcissique qui s’installe progressivement. Il a alors un vécu d’infériorité qu’il va d’abord camoufler par des actes agressifs et même parfois violents. La honte étant pour lui la reconnaissance totale de son infériorité, il a peur de la montrer et donc il la masque. Cet état correspond à une phase intermédiaire avant le retour à un état d’effondrement psychique. Ici le sujet se bat encore contre sa situation. Il réalise qu’il a de graves difficultés d’apprentissage mais il essaie encore tant bien que mal de les dissimuler. Toutefois, il sera bientôt submergé et ne pourra faire face. La honte de ne pas pouvoir exécuter une tâche, alors qu’il aimerait tant réussir, est source d’une grande souffrance psychique pour le sujet. Il fait tout ce qu’il peut pour qu’elle ne l’envahisse pas, alors qu’elle est pourtant si présente. Tout est fait ici dans ces comportements agressifs et même violents pour contrôler la honte, pour la maîtriser, pour éviter qu’elle ne transparaisse au dehors. Mais « ce surgissement violent de la honte » (A. Ferrant, 2001) va bientôt le submerger et il ne pourra faire face. La honte, déniée pendant un temps, permettra au sujet, au niveau de l’état de honte totale, d’admettre progressivement ses difficultés. Au stade suivant, à savoir celui de la dépression, la reconnaissance est complète. Le sujet ne peut alors plus résister à ce sentiment qui l’écrase. C’est à ce moment que la honte devient plus visible engendrant l’état dépressif de l’étape suivante. Le sujet se replie sur lui-même et ne voit plus aucun intérêt à travailler, à dialoguer avec les autres ou même à jouer. Il est narcissiquement atteint. Il l’exprime alors : « Je suis nul ! », « J’arriverai jamais ! » , « Je suis fou ! », etc. La honte ayant pris le dessus sur lui, la souffrance psychique est majeure. Elle a envahi le sujet et il ne la contrôle plus. Il a alors une image très dévalorisée de lui-même.