4. L’aspect thérapeutique

La nécessité de réfléchir au fonctionnement psychique de ces cas est directement liée à une recherche des possibilités de remédiation de telles difficultés. Car comme nous l’avons mentionné, les différents intervenants dans les institutions spécialisées, ressentent encore un vide théorique concernant ce syndrome. Des psychologues ont avoué leur impuissance à appréhender cet échec scolaire repéré de plus en plus fréquemment au cours de leur activité professionnelle. Ils ont en outre confié avoir peu d’assises théoriques pour penser ce syndrome et donc pour aider les enfants et les adolescents qui en étaient atteints.

Notre grille d’observation est une base permettant de dégager une population susceptible de présenter ce syndrome. Elle pourrait être utile aux praticiens, dans la mesure où cet inventaire permet d’identifier et ainsi d’aborder au mieux ce type de sujets. Cette grille est selon nous, un outil nécessaire au premier repérage de tels sujets. Cependant, comme nous l’avons vu son application comporte certaines limites.

L’utilisation particulière que nous avons faite ensuite du W.I.S.C. est importante à la clarification de plusieurs points concernant aussi bien l’aspect cognitif que clinique de cet échec scolaire.

Enfin, le modèle que nous avons constitué est une structure théorique de recherche nécessaire selon nous, pour les travaux à venir sur ce sujet, mais aussi pour permettre d’aider concrètement les cliniciens qui sont directement au contact de tels sujets.

Il est possible selon Mises de favoriser une « mise en valeur des potentialités latentes » (R. Mises, 2003, p.33) du sujet ayant des dysharmonies dans le développement des fonctions cognitives et instrumentales car,

‘« en dépit de la gravité des faits […] il convient de ne pas méconnaître, chez ces enfants, l’existence de virtualités indéniables, si grevées soient-elles initialement par les clivages, les forces de déliaisons, les précarités des investissements et par la pesée des facteurs actuels, en rapport avec les paramètres sociaux familiaux ou avec l’inadéquation des mesures pédagogiques ou éducatives.» (R.Mises, 2003, p.33) ’

Que faire alors pour sortir ces sujets de l’impasse dans laquelle ils se trouvent ? Comment éviter qu’ils ne rejouent perpétuellement des comportements en doubles-faces ? Nous avons le sentiment au terme de cette phase de recherche que les sujets pris dans ces problématiques se débattent seuls pour se sortir de cette impasse. Et comme le dit si bien J. Guillaumin : « Une élaboration interne ne saurait se faire toute seule, sans le concours du monde extérieur. » (1996, p. 168) L’institution en général et les différents intervenants en particulier, ont ici un grand rôle à jouer.

Dans le cas de Céline par exemple, on doit l’aider à comprendre quels sont les repères générationnels et sexuels qui lui manquent pour qu’elle puisse se positionner face à l’autre. Elle pourra ainsi sans doute se positionner et "exister" indépendamment de l’objet. Tant qu’elle restera prise dans cette problématique complexe toute son énergie y sera consacrée. Ainsi, elle ne pourra jamais investir adéquatement les apprentissages scolaires, ceux-ci nécessitant de pouvoir se détacher un temps et une place dans la psyché.

Si Laëtitia tourne dans une spirale, impasse dont il ne semble pas possible de sortir, ce n’est pas dans le but de résoudre ses difficultés mais seulement dans celui de les camoufler. La répétition est chez elle totalement compulsive. Il est donc nécessaire qu’elle puisse s’investir dans ce processus qui s’impose à elle. Elle aurait besoin de quelqu’un, d’une énergie extérieure qui lui permette de sortir de ce cercle vicieux afin de pouvoir enfin essayer de construire ce qui manque à la psyché, c’est-à-dire avant tout des représentations et principalement celle de l’objet maternel, dont nous avons vu quelle importante place il prend pour l’organisation psychique du sujet. Cependant, pour cela il est nécessaire de lui faire "réaliser" ce qu’elle essaie continuellement d’accomplir en vain, à savoir camoufler ses défaillances. Il est essentiel de lui "montrer" que tout le système qu’elle s’est érigée est d’une certaine manière inutile et extrêmement fatigant. Mais bien sûr il y a un risque. Car il est très probable que cette modalité est la seule qui lui permette de rester psychiquement en vie. Sans ce système parfaitement rôdé on ne sait pas comment Laëtitia pourrait se maintenir psychiquement présente. Il faut donc être en mesure de lui fournir un autre système sur lequel elle pourra s’étayer et avec lequel elle pourra continuer à avancer, afin que dans l’avenir il permette de résoudre au moins une partie de ses difficultés. Ce système doit utiliser le mode de fonctionnement de Laëtitia, s’appuyer sur lui au début. Cependant, il doit pouvoir, à certaines étapes, être réaménager afin qu’il devienne générateur de représentations psychiques pour elle et pas seulement servir à camoufler les vides et les manques de sa psyché.

Si Alicia encore, paraît être à l’aise, elle cache une profonde souffrance. Comme plusieurs sujets, le clivage est un des piliers du système qu’elle a constitué. Ceci lui permet de dénier ses difficultés. Cependant la reconnaissance ressurgit et la honte devient alors difficile à supporter. L’angoisse augmente et Alicia chute alors dans une forme de dépression. Cette phase signifie en outre un risque de mort psychique. Sans l’image de la mère qu’elle maintient au devant de la vie psychique Alicia demeurerait dans sa phase dépressive. Tout ceci va générer des apprentissages scolaires totalement déséquilibrés en fonction de l’étape où elle sera. Alicia a des manques dans sa psyché, du non-représenté remontant à une période très précoce de sa vie. Ainsi jusqu’à ce jour ses défaillances s’actualisent dans le présent sans qu’elle ne trouve de solution. Celles-ci appartenant sans doute au passé.

Pour Éric encore, il y a certainement dans ces étapes des moments clefs où il est plus psychiquement abordable et de façon plus constructive qu’à d’autres. Il faudrait essayer de repérer ces stades et voir de quelles manières les intervenants peuvent permettre au sujet de se dégager de ses impasses.

Au stade de nos recherches nous ne pouvons dire avec certitude quelle est l’étape la plus appropriée pour une intervention extérieure susceptible de faire sortir le sujet de cette spirale infernale. Il s’agit de le faire émerger de sa souffrance psychique avant qu’elle ne l’envahisse complètement et ne finisse par le tuer psychiquement. Dans notre modèle l’objet intervient au niveau post-dépression et est "rejeté" par le sujet au niveau pré-prestance. Nous pourrions imaginer l’intervenant, connaissant parfaitement les étapes clefs du système subi par le sujet, étayer ce dernier au niveau post-prestance, afin de lui éviter d’entamer un processus régrédient qui le conduirait à ce vécu de dévalorisation narcissique et à une grande angoisse synonyme de mort psychique.