1.3. La violence des jeunes en institution : de quoi, de qui parle-t-on ?

1.3.1. Repères quantitatifs.

Pour obtenir les documents indispensables à notre recherche, nous nous sommes adressé à sept établissements ou ensembles d’établissements, tous situés en Haute-Savoie. Ceux-ci, de dimension sensiblement différente sont tous agréés par le service de l’Aide Sociale à l’Enfance et, pour deux d’entre eux, ont un agrément auprès de la Protection Judiciaire de la Jeunesse 40 . Deux d’entre eux reçoivent une dizaine d’adolescents, trois autres en accueillent une soixantaine, les deux derniers, constitués de sites dont l’implantation est disséminée sur tout le territoire du département, en accueillent respectivement cent et cent vingt.

Nous n’avons pu retenir que trois établissements pour notre étude. Deux d’entre eux, les plus petits, d’ouverture récente, n’étaient pas en mesure de nous fournir de documents. Pour un autre, de dimension moyenne, les mouvements des personnels éducatifs ne permettaient pas d’obtenir de renseignements fiables sur la période qui intéressait notre travail. Pour un autre, de dimension moyenne lui aussi, les rapports de synthèse étaient systématiquement rédigés par le psychologue de l’établissement. Dans un souci de cohérence des matériaux de recherche, nous avons choisi de ne pas retenir les documents qui en émanaient.

Notre étude porte donc sur trois établissements ayant au total une capacité d’accueil de 280 enfants et adolescents. Ils ont tous plus de trente années d’existence. Ils sont de dimensions différentes, ils sont situés en zone urbaine ou rurale, et reçoivent des populations dont la répartition en âge n’est pas exactement identique. Les tableaux ci-dessous présentent leurscaractéristiques.

Capacité d’accueil, âge des populations reçues.
Etablissement E 1. Etablissement E 2. Etablissement E 3.
120 places. Mixte. 100 places. Mixte. 60 places. Mixte.
12-18 ans. 3-18 ans. 6-18 ans.

Ces trois établissements nous ont communiqué 104 dossiers totalisant 298 rapports de synthèse. Ils se répartissent de la façon suivante :

Dossiers et rapports de synthèse analysés
  Total dossiers : 104
Total rapports : 298
 
Etablissement E 1 :
62 dossiers 198 rapports
Etablissement E 2 :
22 dossiers 48 rapports
Etablissement E 3 :
20 dossiers 52 rapports
Admissions réalisées
pendant la période de référence N C
Admissions réalisées
pendant la période de
référence 168.
Admissions réalisées
pendant la période de référence 159.

Ces dossiers concernent les enfants et les adolescents admis dans ces établissements depuis 1990. On peut lire ci-dessous l’ordre chronologique des admissions :

Année d’admission dans l’établissement (sans différenciation des établissements)
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
3 13 8 7 12 14 11 12 14 5 3 2

Ils concernent des filles et des garçons. Leur répartition est la suivante :

Répartition selon le genre
  Total Féminin : 23
Total Masculin : 81
 
Etablissement n°1 :
Féminin : 18 Masculin : 44
Etablissement n°2 :
Féminin : 0 Masculin : 22
Etablissement n°3 :
Féminin : 5 Masculin : 15

Ils concernent des enfants et des adolescents d’âge varié.

Age au moment de l’admission dans l’établissement
Etablissement n°1 Etablissement n°2 Etablissement n°3
Le plus jeune : 13 ans.
Le plus âgé : 18 ans.
Age moyen : 15,3 ans.
Le plus jeune : 5 ans.
Le plus âgé : 16 ans.
Age moyen : 11,2 ans.
Le plus jeune : 10 ans.
Le plus âgé : 16 ans.
Age moyen : 12,8 ans.

Commentaire relatif aux éléments quantitatifs.

Nous constatons en premier lieu que le nombre de dossiers fournis par les différents établissements est significatif mais que, au regard du nombre total des enfants placés, celui des enfants repérés comme ayant manifesté de la violence reste minoritaire. Nous ne disposons malheureusement pas du nombre total des admissions réalisées pendant la période de référence au sein de l’établissement dont l’effectif est le plus important (E 1). Néanmoins, en prenant en compte les informations fournies dans les deux autres, nous remarquons qu’ils donnent des indications très proches. Un peu plus d’un enfant admis sur sept est repéré comme « violent ».

Les dossiers mis à notre disposition concernent une majorité de garçons : les trois quarts. Toutefois, cette proportion n’est pas partout identique : l’établissement qui reçoit les enfants les plus jeunes (E 2) ne fournit que des dossiers de garçons. En revanche, dans celui qui accueille les plus âgés (E 1), plus d’un tiers des dossiers concernent des filles. Y aurait-il là l’indication que la violence des filles s’exprime, ou est davantage perçue par l’entourage, à l’adolescence ?

Nous repérons aussi une augmentation de la proportion de la population perçue comme « violente », en fonction de l’âge. L’établissement E 2, recevant les plus jeunes, d’une capacité d’accueil de cent pensionnaires, fournit à notre étude vingt-deux dossiers pour la totalité de la période renseignée. L’établissement E 3 qui accueille soixante enfants à partir de six ans, en fournit vingt pour la même période. Le troisième E 1, ne reçoit que des adolescents et fournit soixante-deux dossiers, soit 60% du total. Dans l’établissement E 1 la proportion est presque trois fois supérieure à celle de l’établissement E 2. Nous avons là l’indication forte que si la violence enfantine est perçue très tôt par les éducateurs -plusieurs dossiers concernent des enfants de cinq ans-, elle reste majoritairement un phénomène adolescent.

Enfin, sur la durée, l’augmentation du nombre d’enfants et d’adolescents perçus comme porteurs de violence n’est pas avérée. Ils ne sont pas plus nombreux aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier. Ce constat interroge puisqu’il est en parfaite contradiction avec le sens commun et les études récentes! Se pourrait-il que ces mineurs « violents », dont la statistique constate l’augmentation quasi exponentielle, ne soient que peu concernés par les mesures de placement éducatif ?

Retenons, avant d’entreprendre la lecture des dossiers et l’analyse de leurs contenus, que les enfants et les adolescents qui intéressent notre recherche sont le plus souvent des garçons, en majorité des adolescents, et que leur nombre, relativement à celui des enfants et des adolescents placés, n’est pas en augmentation de manière significative dans les sites où porte notre étude. Ils représentent cependant une proportion proche de un sur sept, au regard de la totalité des mineurs placés dans les établissements éducatifs du département.

Notes
40.

Il existe en Haute-Savoie un seul établissement qui dépend directement du Ministère de la Justice. Il est agréé pour recevoir 8 mineurs. Son fonctionnement, par trop intermittent, nous a contraint à l’exclure du champ de notre recherche.