Etablissement E 1. Population concernée : filles. 18 dossiers consultés.

Les conduites des filles sont décrites et commentées selon le même ordonnancement thématique que celui des garçons. Toutefois, leur importance relative est très sensiblement différente. Au premier plan, se placent les conduites manipulatrices : ainsi, cette jeune fille « a des conduites malsaines », cette autre est « manipulatrice », cette autre encore « use de son charme et de séduction pour parvenir à ses fins ». Les conduites de prestance et de domination viennent ensuite : « arrogante », « insultante », « use et abuse d’un vocabulaire ordurier et vulgaire », ou bien encore, et là le terme est, dans les écrits, d’un usage spécifiquement féminin, « scandalise par ses comportements ». Les provocations et les menaces apparaissent dans une proportion sensiblement équivalente et dans des termes semblables à ceux qui sont retenus à propos des garçons. En revanche, les conduites pathologiques sont très différentes. Si nous trouvons aussi l’évocation de la « toute puissance » ou de « l’agitation », un ensemble d’une tout autre nature est énoncé : « anorexie », « comportemen t s morbides et dépressifs inquiétants », ou bien encore « flirte avec le danger, le désespoir et la mort ». D’autrepart, la composante agressive de ces différentes conduites se caractérise par son côté excessif, maximaliste, voire paroxystique. Si de nombreux écrits rapportent des conduites « agressives », si l’on peut lire souvent que « X cherche le conflit », il n’est pas exceptionnel de lire que « l’agressivité permanente d’X, insécurise le groupe », mais aussi, plus rarement il est vrai, qu’elle le « panique » et encore que « par son agressivité démesurée, elle fait régner sur le groupe un véritable climat de terreur ».

Les conduites positives constituent, plus encore que dans les écrits relatifs aux garçons, la portion congrue. Peu présentes, leur contenu est particulièrement pauvre et concerne presque exclusivement des conduites en direction des adultes. On constate que « cette jeune cherche un contact privilégié avec les adultes », que cette autre jeune fille « est en forte demande affective vis-à-vis des adultes », ou bien « qu’elle cherche à obtenir la confiance des adultes ».

Ainsi les conduites des jeunes filles considérées comme violentes se présentent comme sensiblement différentes de celles des jeunes gens. Si l’on y trouve pour l’essentiel les mêmes caractéristiques, les lignes de forces, les représentations dominantes s’organisent selon une autre logique. Les conduites manipulatrices, secondaires s’agissant des garçons, sont au premier plan lorsqu’il s’agit des filles. Les conduites agressives des filles sont présentées avec un aspect souvent paroxystique. Contrairement aux garçons, à propos desquels les conduites agressives retenues sont le plus souvent dirigées vers les adultes, celles des filles le sont en direction de leurs pairs. Tout se passe comme si les garçons cherchaient à se « débarrasser » de leurs éducateurs et les filles de leurs pairs ! Enfin les conduites suicidaires autodestructrices semble se rencontrer plus spécialement chez les filles.

L’évocation de la personnalité est succincte. Certes il est fait allusion à l’emprise des affects et, en particulier, de l’angoisse et de la souffrance, au sentiment de mal-être mais ces thèmes n’ont pas le même développement, la même prégnance que dans les écrits concernant les garçons. Plus surprenante encore nous paraît être l’absence de l’intolérance à la frustration ou la recherche du plaisir immédiat. Il n’en est jamais fait état. En revanche, des qualificatifs non usités à propos des garçons apparaissent. Ce sont en particulier ceux « d’hystérique », de « jalouse », de « dévoreuse ». Au chapitre des qualités, quelques éléments isolés et ténus. Nous apprenons ainsi que celle-ci est « intelligente », cette autre « pleine de vie », celle-là « cherche à se cultiver » et c’est tout.