2.4.1. Disparition des grandes figures.

La plus marquante concerne la disparition des grandes figures qui personnalisaient des conceptions originales. C’est en vain que nous chercherions aujourd’hui, dans le paysage éducatif, l’équivalent d’un Deligny ou d’un Makarenko. Tout aussi improbable serait la passion qu’en son temps, souleva la parution de « Libres enfants de Summerhill » ! Cette disparition s’est faite en deux temps. D’abord les figures d’éducateurs s’effacent. Bien que souvent venus d’autres horizons, Korczak était médecin pédiatre, Deligny et Aichhorn enseignants, tous se revendiquaient comme éducateurs et pratiquaient l’éducation au quotidien. Les circonvolutions de l’histoire politique du siècle ont réduit à néant la conviction d’un changement prochain du monde dont l’éducation était le moteur. Cette espérance, nous l’avons vu, était au cœur de leur engagement, de leur réflexion et de leur action. Son amenuisement a modifié la perception même des buts de l’éducation. A l’éducation pour changer le monde succède l’éducation pour s’intégrer au monde. Dès lors les troubles, les difficultés de l’enfant sont observés et décryptés à l’aune de sa « réalité psychique » et de son histoire singulière. Aux grandes figures d’éducateurs, se substituent des grandes figures de médecins. Dans ce contexte, les difficultés d’adaptation de l’individu ne reflètent plus le dérèglement du monde, elles trouvent leur origine dans son histoire personnelle et leur dénouement dans l’action psychothérapique. L’éducation se trouve tout entière soumise à l’ordre thérapeutique, l’éducateur en devenant l’agent. Dès lors, il n’existe pratiquement plus de littérature d’éducateur sur l’éducation. Hormis nous l’avons dit, des témoignages ou des « coup de gueule », c’est une littérature d’inspiration psychanalytique, psychiatrique, ou pédiatrique qui prend en charge la réflexion sur l’éducation.