Activité des tribunaux pour enfants en 2003.

Infostat Justice, Bulletin d’information statistique n° 76 www.justice.gouv.fr

En 2003, 184 425 mineurs ont fait l’objet d’une saisine des juridictions de mineurs, 57% comme mineurs en danger et 43 % comme délinquants. Les filles représentent 45% des nouveaux mineurs en danger et seulement 8% des mineurs délinquants. Si 55% des mineurs délinquants ont plus de 15 ans, 60% des mineurs en danger ont moins de 13 ans.

En matière civile, les juges des enfants ont été saisis pour plus de 105 400 mineurs en danger, soit une baisse de 2% depuis 2001 ce qui pourrait être le signe d’une volonté de déjudiciariser la protection des mineurs. Les juges des enfants ont pris 58 000 mesures d’instruction et près de 250 000 mesures de protection (action éducative en milieu ouvert ou placement). Ainsi, au 31 décembre 2003, près de 199 400 mineurs étaient suivis par les juges des enfants.

En matière pénale 79 000 mineurs ont été poursuivis devant le juge des enfants, essentiellement par des procédures rapides, et près de 25 000 mesures avant jugement ont été prononcées (dont plus de 20 000 mesures éducatives et d’investigation). Finalement, 64 000 condamnations sanctionnant des mineurs ont porté 42 000mesures éducatives et 32 000 peines.

En 2003, 184 425 mineurs ont fait l’objet d’une saisine des juridictions de mineurs, 57% sont des mineurs en danger et 43%des jeunes délinquants. Si en assistance éducative les filles représentent 45% des nouveaux mineurs signalés aux juges des enfants, seulement 8% des mineurs délinquants poursuivis par le parquet sont de sexe féminin. Cette différence se retrouve quel que soit l’âge : la très forte sur-représentation des garçons chez les délinquants et le presque équilibre des deux sexes en assistance éducative existent dans toutes les tranches d’âge.

Si 55% des mineurs délinquants ont plus de 15 ans, à peine 5% ont moins de 13 ans, tranche d’âge dans laquelle figurent 60% des mineurs en danger. En effet, les jeunes sont très rarement poursuivis avant l’âge de 10 ans (le mineur doit être capable de discernement) alors que la situation de danger d’un mineur peut apparaître dès sa naissance.

En matière civile, les juges des enfants ont été saisis en 2003 de près de 69 000 affaires concernant plus de 105 400 mineurs en danger, soit une baisse de 2 % des mineurs signalés depuis 2001 Cette diminution pourrait être le signe d’une volonté de déjudiciariser la protection des mineurs en danger. Les signalements qui émanent pour plus de la moitié de l’Aide sociale à l’enfance, l’Éducation Nationale, la police/gendarmerie ou le milieu médical sont adressés soit au parquet soit directement au juge des enfants. À partir de ces signalements, le parquet a saisi le juge des enfants de la situation de 66 858 mineurs (63% des saisines). Par ailleurs, 10 000 saisines directes (9%) émanent des parents eux-mêmes alors que les demandes de protection faites par le mineur concerné sont dix fois moins nombreuses. Enfin, la saisine d’office1 ne représente plus que 9% des saisines, en baisse sur les trois dernières années alors que le nombre de requêtes du parquet est stable depuis 2001

Lorsqu’il reçoit la requête, le juge des enfants instruit le dossier pour apprécier la nécessité d’une protection judiciaire. Il recueille au travers de mesures d’instruction (investigation et orientation éducative, expertise ...) toutes informations sur la situation du jeune et son environnement familial, scolaire et social. Ce sont ainsi plus de 21 000 enquêtes sociales, près de 28 000 investigations et orientations éducatives (IOE) et 9 000 expertises qui ont été ordonnées en 2003 pour apprécier l’existence du danger signalé et évaluer les décisions adéquates à prendre. Ces 58 000 mesures représentent une légère hausse par rapport à 2001 (+1).

À l’issue de ces mesures d’investigation ou des mesures provisoires, le magistrat statue sur la protection à assurer en assistance éducative. Si la protection n’est pas nécessaire ou ne

relève pas de sa compétence, le juge des enfants prononce une décision de “ non lieu à assistance éducative ” ou d’incompétence (environ 23 000 décisions en 2003). Ces deux types de mesures sont de moins en moins prononcées (- 6 % sur les trois dernières années).

En 2003, près de 243 000 mesures d’assistance éducative ont été prononcées, en hausse de 3% par rapport à 2001 : 116 225 placements et 126 730 mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO).

Parmi toutes ces mesures, 98 647 sont nouvelles (41%) et 144 308 renouvelées( 59%).

L’AEMO est privilégiée par la loi qui préconise le maintien du mineur dans son milieu familial : cette mesure représente 52 % de l’ensemble des mesures de protection prononcées dans l’année. Elle est prise plus souvent comme mesure initiale (60 %) qu’au moment du renouvellement de mesures (47%). Le placement, qui ne représente que 40 % des mesures initiales, apparaît davantage dans les mesures renouvelées (53 % des mesures éducatives renouvelées).

Pour aménager et organiser ces mesures de protection, 25 428 autres décisions ont été rendues, telles que les attributions ou modifications de droits de visite et d’hébergement, les autorisations d’intervention chirurgicale, les décisions relatives aux allocations familiales ou à certaines obligations particulières. Au total, près de 199 400 mineurs étaient suivis par les juges des enfants au 31 décembre 2003, dont 13 % sont pris en charge avec au moins deux mesures d’investigation ou d’assistance éducative. Les mineurs suivis avec au moins trois mesures sont de plus en plus nombreux (+43 %) - tableau 2 -. Bien que le nombre de mineurs en danger, objets d’une saisine du juge des enfants, ait diminué entre 2001 et 2003 (-2,5%), le nombre de mineurs suivis a légèrement augmenté sur la même période (+0,6%). Cette évolution contrastée semble indiquer un allongement de la durée de la prise en charge des mineurs, observation corroborée par une hausse de 6% des mesures d’assistance éducative renouvelées (le nombre de mesures nouvelles diminuant de 1,5%). Le suivi du mineur s’arrête à l’échéance de la mesure, soit qu’il arrive à majorité soit qu’il n’y ait plus lieu d’intervenir : près de 66 800 mineurs sont dans cette situation en 2003.

Parfois, le magistrat prononce la main levée de la mesure, mettant ainsi un terme au suivi de plus de 11 000 mineurs.

Outre la protection des mineurs en danger, le juge des enfants joue également un rôle clé dans le traitement des affaires de mineurs délinquants faisant l’objet de poursuite par le parquet. Ainsi, en matière pénale en 2003, les parquets ont traité environ 165 550 affaires mettant en cause au moins un mineur. Sur ces affaires, 85% ont été déclarées poursuivables, les 15% restant ayant été classées sans suite pour charges insuffisantes, absence d’infraction ou tout autre motif juridique. Parmi les 140 500 affaires poursuivables, 27 700 affaires ont été classées pour inopportunité des poursuites (soit 20 %) principalement pour préjudice ou trouble peu important causé par l’infraction. 55 000 affaires (39 %) ont donné lieu à une procédure alternative réussie, principalement le rappel à la loi qui représente 70% des troisièmes voies, suivi par la réparation. Enfin, 57 800 affaires (41%) ont donné lieu à poursuite devant le juge des enfants (55 500 affaires) ou le juge d’instruction (2 300 affaires) .

Le taux de réponse pénale s’établit donc à 80 % (rapport des affaires poursuivies et des procédures alternatives réussies sur le nombre total d’affaires poursuivables), en hausse de trois points par rapport à 2001. En comparant le nombre d’affaires transmises par les parquets au nombre total de mineurs délinquants dont ont été saisis les juges des enfants en matière pénale (79 000 en 2003), on peut estimer que chaque affaire a concerné en moyenne 1,4 mineur.

Certaines procédures engagées par le parquet permettent de présenter le mineur devant le juge des enfants dans des délais très courts. Ainsi 8 775 mineurs ont été “déférés” immédiatement à l’issue de leur garde à vue et 859 mineurs ont fait l’objet d’une procédure à délai rapproché, que ce soit une requête avec réquisitions de jugement à délai rapproché (dans un délai inférieur à trois mois) ou une saisine directe du tribunal pour jugement à délai rapproché. Cette saisine directe, introduite par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002, s’applique à des mineurs déjà connus, pour lesquels les mesures d’investigation sur la personnalité ont déjà été menées. Une autre procédure rapide est la remise au mineur d’une convocation par l’officier de police judiciaire (COPJ) soit pour jugement (7 278 mineurs), soit pour mise en examen( 29031mineurs).

À l’inverse, pour 29 128 mineurs la saisine du juge des enfants a eu lieu par requête simple qui laisse à la juridiction de mineurs toute liberté pour fixer la date de convocation du jeune. Enfin, 3 929 mineurs ont été renvoyés devant la juridiction de jugement par le juge d’instruction à l’issue d’une information judiciaire. Depuis plusieurs années, la tendance est à l’accroissement des procédures rapides qui permettent d’apporter une réponse judiciaire dans des délais raccourcis leur part est passée de 52 % des mineurs poursuivis en 2001 à 58% en 2003, grâce au développement des COPJ qui ont augmenté de cinq points entre ces deux années. En revanche la part des mineurs objets d’une requête simple a diminué de 43%à37 %. Au cours de la phase d’instruction, les juges des enfants ont ordonné en 2003 près de 6 800 mesures d’investigation : 31 % d’enquêtes sociales, 42 % d’expertises et 27 % d’investigations et orientations éducatives. Ils ont prononcé également près de 13 700 mesures éducatives avant jugement : 51%de liberté surveillée préjudicielle, 26 % de réparation et 23 % de placement. Enfin, ont été ordonnées 4 300 mesures provisoires répressives avec une nette prépondérance du contrôle judiciaire sur la détention provisoire. Ces mesures obéissent à des règles particulières, notamment la saisine du juge des libertés et de la détention pour obtenir le placement du jeune en détention provisoire.

À l’issue de cette phase d’instruction, le mineur est renvoyé pour être jugé soit en chambre du conseil (Cabinet du juge des enfants) soit devant le tribunal pour enfants lorsque la gravité des faits l’exige. En 2003, 32 554 mineurs ont ainsi été jugés par le tribunal pour enfants, formation collégiale composée d’un magistrat et de deux assesseurs non professionnels2 , tandis que 39 835 jeunes délinquants ont été jugés en Cabinet, par le juge des enfants seul. Au cours de ces audiences, 64 037 condamnations ont été prononcées et 5 121 mineurs relaxés.

En cas de déclaration de culpabilité du mineur, le magistrat ou le tribunal peut ordonner diverses mesures de type éducatif ou répressif. Les peines, au nombre de 31 920, se répartissent en 2 590 peines de travail d’intérêt général, 6 226 amendes et 23 104 peines d’emprisonnement avec ou sans sursis. Parmi ces dernières 7 043 peines d’emprisonnement comportent une partie ferme, dont 1 525 s’accompagnent d’une partie avec sursis et mise à l’épreuve. Par ailleurs 9 965 peines d’emprisonnement avec sursis simple ont été prononcées, 5 118 assorties d’une mise à l’épreuve et 978 avec obligation d’accomplir un travail d’intérêt général.

Ces mêmes juridictions ont prononcé 42 000 mesures éducatives, essentiellement des admonestations (59 %) et des remises à parents (16 %) assorties ou non de liberté surveillée. L’arsenal des mesures éducatives comprend également certaines mesures existant déjà à titre présentenciel : réparation, liberté surveillée et placement représentent 18 % des mesures éducatives prononcées en 2003. Depuis 2003, des “sanctions éducatives” peuvent être prononcées. Elles sont actuellement peu nombreuses (331) et répondent à des cas très précis ; elles consistent principalement en des réparations (205) et de façon encore très marginale en des interdictions de fréquenter la victime, les complices ou les co-auteurs, de paraître sur les lieux de l’infraction ou en des confiscations. La juridiction peut également accompagner la déclaration de culpabilité d’un ajournement du prononcé de la peine laissant au jeune le temps de parfaire sa réinsertion avant de choisir la mesure la plus appropriée à sa situation. Les affaires criminelles concernant des mineurs de moins de 16 ans sont jugées par le tribunal pour enfants : 447 mineurs ont ainsi été jugés pour crime par les tribunaux pour enfants en 2003, soit moins de 1 % de l’ensemble des mineurs jugés par ces juridictions spécialisées. Passés les délais d’appel, le jugement doit faire l’objet d’une exécution : le juge des enfants intervient alors en tant que juge de l’application des peines dans le suivi des mesures éducatives et des peines en milieu ouvert (c’est-à-dire hors emprisonnement). Au 31 décembre 2003, près de 11 800 mineurs faisaient l’objet d’un suivi de mesure, dont plus de la moitié dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve.

Le partage des activités civiles et pénales des juridictions de mineurs a peu changé entre 2001 et 2003 avec une nette prépondérance de l’assistance éducative. En terme de mineurs nouveaux, la part du civil s’établit de façon constante à 57%, avec une très légère baisse de 0,2 points entre 2002 et 2003, la baisse (entamée bien avant 2001) du nombre des saisines ayant été plus forte que le fléchissement du nombre de mineurs délinquants, apparu pour la première fois en 2003. En terme de mesures prononcées, l’activité civile est encore plus prédominante, représentant environ 74 % de l’ensemble des mesures prononcées par jugement ou ordonnance, en hausse d’un point par rapport à 2002. Cependant cette distinction civil-pénal est très relative car il n’y a pas d’étanchéité parfaite entre les deux grandes fonctions du juge des enfants : ainsi il aura souvent à juger un mineur délinquant dont il assure simultanément le suivi éducatif dans le cadre d’un dossier d’assistance éducative, ce qui altère la mesure de la répartition exclusive des mineurs dans l’un ou l’autre domaine.