Dossier n°4 : Rachid.

17 ans, 1 rapport de synthèse.

I - ARRIVEE DE RACHID AU FOYER:

Rachid arrive au foyer après un placement à M. et un retour en famille qui a posé problème en Août 19.. (violence envers la mère et difficultés de la maman à se situer éducativement en référence à sa problématique et à son histoire).

Madame T. adore ses enfants mais reste dans une ambiguïté permanente quant aux garçons face à la prise en charge éducative. "Assistée permanente", usant et abusant des services sociaux, elle veut se rapprocher de ses enfants tout en mettant en avant des problèmes financiers, cela pour répondre à toutes leurs exigences.

Madame T. occulte le problème éducatif et excuse les violences de Rachid qu'elle craint très certainement. Elle ne collabore pas avec l'Institution. Elle est dans un "système pathologique" et se retrouve avec Rachid au travers de la maladie. C'est une femme qui se dit usée et déprimée, proche maladroitement de ses fils, avec l'idée de les avoir autour d'elle sans pouvoir compenser affectivement et surtout matériellement.

En effet, les demandes de Rachid sont nombreuses et précises pour cacher sa grande souffrance dans le "paraître" vestimentaire. Le fond n'est pas traité. Il persiste des difficultés de communication, des problèmes de violence de Rachid et des difficultés des uns et des autres d'accepter l'absence du "père" et donc, de la loi en général.

II-COMPORTEMENT:

À son arrivée sur le groupe en Septembre, Rachid veut nous montrer une image positive de lui. II joue sur la séduction et le paraître. Il n n'accepte pas la rupture familiale, reporte les difficultés et le placement sur l'aspect financier qu'éprouve sa mère. Il ne veut pas admettre les problèmes relationnels et la violence qu'il a envers celle-ci.

Notre premier travail avec lui fut de lui trouver un établissement scolaire qui veuille bien l'accepter malgré un dossier scolaire insuffisant et problématique. Après plusieurs déboires, nous l'inscrivons en BEP Comptabilité au Lycée des "C..

Après toute une période de séduction dont Rachid use et abuse autant sur le groupe qu'auprès de ses professeurs, il se révèle petit à petit différemment avec nous.

Nous percevons Rachid avec un~discours intégriste, il essaie de mettre en place un esprit de bande~où il se révèle vite comme un::leader négatif~11 entraîne certains jeunes du groupe dans l'esprit des jeunes de banlieue.

Toute intervention des éducateurs est prise comme un acte raciste vis-à-vis de lui. On ne veut pas l'accepter tel qu'il est et personne ne le comprend. Les"'discussions sont quasiment absentes il ne supporte pas la frustration, les remarques et lors des entretiens avec les éducateurs, il fuit la situation, ne restant pas plus de cinq minutes face à l'adulte. Il est en toute puissance, exerçant une pression psychologique voire "physique sur certains jeunes du groupe.

Tout ceci se fait évidemment à l’insu des adultes. Le soir Du ... Il passe à l’acte avec un éducateur qu’il menace avec un couteau. Suite à cet acte il est pris en entretien par le directeur qui lui donne un avertissement et avertit le procureur. Il est entendu par les gendarmes. Il n’y a pas eu à ce jour de nouvel acte de violence. Rachid se contient et va décharger son agressivité sur tout ce qu’il trouve (meubles, murs etc.)

Rachid est fier et trop introverti pour se remettre en cause, à aucun moment les problèmes ne viennent de lui, il est toujours une pauvre victime. Nous pensons qu’il est en réelle souffrance mais il a un tel problème de relation à l’autre, qu’il n’y a pas moyen de lui faire prendre conscience qu’il ades difficultés et qu’il est avec nous pour essayer de les comprendre. Malgré son discours, les éducateurs ont pris énormément en compte ses difficultés et lui ont montré de l'intérêt tout au long de l'année, au détriment souvent d'autres jeunes du groupe. Plusieurs réunions éducateurs-Direction ont été mises en place pour rappeler à Rachid les limites de l'institution face à ses débordements verbaux et physiques. Ces mises au point se sont déroulés: - en Mars, Avril, Mai, juin. Durant ces réunions, il a également été abordé ses motivations, ses objectifs face à l'acte éducatif. Toutefois, il pensait passer à des actes positifs et constructifs sans être un éternel "persécuté". De plus, plusieurs stratégies éducatives ont été mises en place pour inviter Rachid à se pencher sur sa problématique (difficultés face à la loi, la frustration, non acceptation des contraintes, tout ce qui entraîne agressivité et violence permanente...) Il n'a saisi aucune main "tendue" pour se projeter dans l'avenir et poser des pistes de recherche en vue d'une demande précise à ses 18 ans malgré nos multiples interventions.

En plus de ses problèmes de comportement, l'équipe éducative se pose également des questions sur la provenance d'argent qu'il détient. Contrairement aux jeunes des banlieues, dont Rachid revendique l'appartenance, il est plutôt bien habillé. Les vêtements qu'il porte mettent évidement son image en valeur mais cela reste un habillement plutôt cher pour le portefeuille de sa mère.

Nous nous interrogeons également sur une susceptible consommation de drogue (cannabis). À ce jour, il nous a été impossible de vérifier nos soupçons et nous ne pouvons que constater un comportement différent et absent lors de ses retours de classe le soir. Quoi qu'il arrive Rachid refuse de voir la réalité en face. Il ne veut pas adhérer au travail éducatif et s’exclut donc de lui même. Il se contient mais ne projette pas, tout lui est dû et il nous le mentionne.

Je me tiens "à carreau", donc vous me devez tout, surtout la liberté". nous dit-il. Il pense aussi que sa "grande séduction" est suffisante pour rester à distance et agir selon son instinct et ses "lois".

III- SCOLARITE:

Rachid est depuis la rentrée de Septembre 1994 en première année BEP Comptabilité au Lycée.

Dès le début de l'année scolaire son inscription pose des problèmes. Les bulletins scolaires de l'année précédente ne sont pas satisfaisants ainsi que les rapports de comportement. Il se trouve donc inscrit en "Comptabilité" malgré son choix d'être en option "Vente", mais uniquement à l'essai sur trois mois afin de faire ses preuves.

Pendant tout le premier trimestre, Rachid s'est maintenu dans son travail et dans son attitude avec une moyenne de 10,9/20H. Rachid, durant toute cette période, joue sur la séduction avec les professeurs en utilisant le rôle du "pauvre jeune placé" en établissement.

Nous rencontrons ses professeurs. Ils souhaitent nous voir pour mieux cerner Rachid qu'ils n'arrivent pas à définir. Il s’avère que Rachid joue un double rôle à l’école et sur le groupe. Nous avons l'impression d'avoir la description d'un autre jeune lors de l’entretien.

A l’école il est gentil et ne mêle pas aux problèmes des autres. Il donne une très bonne image de lui. Son paraître est très important, à tel point que sur la fiche d'inscription, il a inscrit qu'il venait au lycée en "Renault 25", alors qu'il prend le bus comme tous les autres jeunes du groupe. Malgré la séduction qu'il exerce sur ses professeurs, ils ont quand même remarqué ses lacunes et ses difficultés d'assimilation.

À la mi-Mai, Rachid est allé voir ses professeurs en se posant en victime, leur faisant comprendre qu'il ne savait plus où il en était et qu'il n'était pas sûr de continuer sa formation.

Une entrevue a donc été programmée avec le Proviseur afin de définir une nouvelle orientation. Actuellement, Rachid est en stage professionnel à la DDE (Direction Départementale de l'Équipement). En fonction du rapport de stage, un point sera de nouveau fait avec les professeurs pour préciser son orientation. Nous recevons le bulletin de notes de Rachid ainsi que l'avis du conseil de classe. Il propose donc un redoublement de sa première année de BEP. Rachid pense à nouveau que ce n'est pas sa faute s'il doit redoubler. 1] incrimine le fait d'être placé en institution et les difficultés rencontrées avec sa mère. Dans n'importes quelles situations Rachid ne veut pas se remettre en cause et n'accepte pas les reproches.

IV - SPORTS, ACTIVITES:

Rachid a des possibilités sportives qu’il n’exploite pas. En début d'année, nous l'avons poussé pour qu'il se révèle dans un club de foot. Nous savions qu'il avait de réelles compétences car il était remarqué dans son club précédent.

S'il montrait au début un semblant de motivation, dès le deuxième trimestre, il nous fait croire qu'il va aux entraînements ou que vu le temps, il n'y a pas d'entraînement. Bref, il met ses chances sportives en échec ainsi que toutes les autres activités.

Il ne s'intéresse pas à ce qui se passe sur le groupe et attend les week-ends pour retourner chez sa mère, soi-disant pour retrouver son groupe de musique. Nous n'avons pas de réels retours de ce groupe à B., sauf les dires de Rachid qui sont très aléatoires et changeants.

Par deux fois, les musiciens devaient faire une représentation où le groupe devait aller les voir. Par malchance, il y a eu annulation. Les éducateurs avaient pourtant donné les moyens à Rachid d'y participer et celui-ci s'est bien gardé de nous dire qu'il n'y avait plus de concert afin de rester un week-end supplémentaire à B.

Malgré la confiance que nous essayons d'instaurer avec Rachid, il ne veut rien intégrer et rien donner. Il reporte à nouveau les problèmes sur les autres et se pose en victime.

SANTÉ:

Rachid entretient avec sa mère une relation axée principalement sur la maladie. Dès que le vendredi soir arrive~il~simule assez souvent un rhume ou autre afin de faire culpabiliser un peu plus sa mère. Dans cet esprit, les week-ends chez sa mère se passent très souvent chez le médecin et autres spécialistes.

~Rachid est asthmatique .depuis le début de l’année au foyer, il n'y a pas eu de diminution de pulvérisation de "ventoline", mais Rachid n’a a jamais présenté de crise d'asthme.

VI- SITUATION FAMILIALE :

Nous avons eu l'occasion, à deux reprises de rencontrer Madame T. Ces différentes réunions n'ont pas vraiment permis une évolution de comportement de Rachid face à sa mère. La situation reste bloquée.

Nous avons rencontré Madame T la première fois le 14/12/1994. À ce rendez vous au foyer, elle culpabilise et exprime qu'elle n'a pas abandonné ses enfants.

Madame T nous explique un peu l'historique familial. Elle s'est mariée par trois fois avec le même mari, Monsieur M, et a divorcé égaIement par trois fois. Actuellement, ils n'ont plus de nouvelles de lui. Le père de Rachid s'est écarté de la famille et des enfants qu'il ne veut plus voir.

Lors de ce premier entretien, elle ne souhaite pas aborder les réelles difficultés qu'elle rencontre avec ses enfants. Elle préfère s'arrêter sur des problèmes matériels: "Est-ce que Rachid fume?", ou encore "Est-ce qu'il prend bien ses médicaments?".

Depuis des années, les relations de Rachid et sa mère sont axées sur la maladie. Dès qu'il y a des difficultés dans la famille, Madame T amène Rachid voir un spécialiste. Ceci évite évidement d'aborder les problèmes de fond, le relationnel et la violence qu'il existe entre eux. À ce jour Rachid utilise toujours ce mode de relation avec sa mère afin de la faire culpabiliser. Quand Rachid n'est pas sur le registre de la maladie, il fuit de toute façon la maison les week-ends pour aller retrouver une bande de copains dans le quartier. De là, ils ont organisé un groupe de musique. En fait, les seuls retours de week-end que nous avons se situent au niveau de ce groupe. La encore par rapport et avec les éducateurs, il est plus facile de parler musique que de ses propres difficultés.

Nous avons rencontré Madame T une seconde fois où nous avons repris le comportement de Rachid sur le foyer:

Agressivité refoulée, violence permanente, pas de discussion avec l’adulte, Sentiment de persécution, Peu de communication avec les éducateurs et elle-même.

Madame T, par rapport à la dernière visite au foyer, prend du recul. Elle accepte plus facilement d'aborder les problèmes relationnels qu'elle rencontre avec son fils, même si elle continue à mettre en avant les problèmes financiers. Elle exprime qu'elle a toujours besoin d'une aide car elle ne peut assumer l'éducation de ses deux fils.

Lors de cette réunion, ce fut un grand choc pour Rachid car, dans son esprit, il voulait rentrer chez lui à ses dix-huit ans et a eu du mal à entendre que sa mère ne souhaite pas le reprendre. Cependant, elle reste très ambivalente car elle continue à ce jour à lui dire que s'il n'y a pas d'autres solutions, elle le récupérera à sa majorité, cela aussi par crainte des réactions de Rachid.

Lors des retours de Rachid les week-ends, il est très rare que les éducateurs aient un compte-rendu de ses activités et des relations qu'il a entretenues avec sa famille. Il apparaît tout de même que Rachid passe plus de temps à l'extérieur de chez lui qu'au sein de la famille.

Financièrement Madame T nous dit avoir des difficultés mais nous savons qu'elle peut donner des sommes d'argent assez importantes à Rachid quand il le réclame. L'équipe éducative a été obligée de se renseigner à ce sujet car nous avions des interrogations sur les achats que faisait Rachid (chaussures, casquette, blouson, etc...)

Actuellement, nous ne pouvons pas dire que le travail avec Madame T a permis une amélioration dans le comportement de Rachid ainsi qu'une évolution dans les relations mère et fils.

CONCLUSION,PROJET.;

La violence latente est permanente, rien ne peut être dit à Rachid car il agresse immédiatement et fuit les entretiens. Il a l'art et la manière de renverser les rôles.

C'est la "victime meurtrie" que personne n'entend, par racisme bien sûr, et faute de compréhension à son égard, il ne peut réussir dans aucun domaine (sport, scolarité, et surtout vie quotidienne et éducative...) L'éducatif ne lui sert à rien, il veut ]a "liberté" et un foyer sans éducateur, telle est sa demande. Le côté "matériel et financier" est sécurisant en écho aux dires de sa mère, mais pas suffisant, car les vêtements du Logis ne sont pas intéressants au regard du "paraître dans les marques" qu'il préfère. D'où notre questionnement quant au bien être matériel que Rachid peut se procurer. Suite aux différents entretiens avec le Directeur, l'Educatrice Chef, la référente SEF et les éducateurs, il dit "avoir compris" mais ne donne pas le "change". Il attend progressivement qu'on dise et fasse pour lui, à condition que nos propositions rentrent dans la "logique" du jeune "clinquant" des "banlieues".

Il n'admet aucune remarque, aucune frustration, s'énerve très vite, monte en violence et en arrive à proférer des menaces. Il est moins dans la violence envers !'adulte mais à chaque remarque, il tape "partout" et jette des cris - puis se ravise, tout n'est que banalité.

Depuis trois mois, nous lui tendons la main afin qu'il s'inscrive progressivement dans la position de "demandeur" et non pas de consommateur face à l'échéance de ses dix huit ans. Il renverse les rôles une fois de plus et n'a qu'une idée fixe, "aller chez lui" très rapidement. Il n'a aucun projet de vacances ni de travail, si ce n'est peut-être d'aller avec son beau-frère sans plus.

Il semble posé en apparence et réactive tout de façon permanente. De fait, vu qu'il se trouve plus souriant, il souhaiterait bénéficier d'un "laxisme" à outrance. Rachid n'accepte aucune contrainte, aucune discussion, tout va bien et surtout la violence reste un sujet tabou. Il est allé voir deux fois la psychologue et a refusé de s'y rendre ~ ensuite, prétextant "qu'il en avait marre de jouer aux cartes (Rorhsach)".

Il veut "toujours et encore" sans aucune peine possible. L'éducatif n'a aucune place et aucune prise, et Rachid prend beaucoup de temps pour peu de stimulations et de réactions, cela souvent au détriment des autres jeunes.

Aussi le foyer met un terme à l'accueil provisoire de Rachid et lui demande de réfléchir tout l'été afin que, peut-être, il saisisse de nouveau le SEF avec une demande réelle et affinée.