Entretien n° 4 : Lucie.

Lucie, ans, éducatrice spécialisée, exerce depuis plus de 15 ans, toujours auprès d’adolescents cas sociaux. et délinquants.

si vous voulez bien je propose que vous me racontiez un épisode où vous même vous avez été en situation d’être confrontée à de la violence, un moment qui vous a paru particulièrement important

Bon il y en a plusieurs dont je me souviens bien je vais peut-être relater celui qui m’a le plus marquée puisque c’est celui où j’ai été plus du tout professionnelle (II) alors je sais pas si ça peut vous aider ou si vous préférez peut-être une situation où je suis restée professionnelle il y en a eu beaucoup mais celle là voilà je reviens de vacances je travaillais à ce moment là dans un service d’accueil d’urgence sur un collectif je reviens de vacances sur une réunion et je vois mes collègues qui sont complètement épuisés bref pendant les vacances il y a eu l’admission d’un jeune qui est horrible terrible enfin mes collègues me disent on en peut plus on sait plus quoi faire il fait tout et n’importe quoi (p 206) et donc après je vais sur le groupe avec un collègue à moi c’est un homme effectivement le jeune n’arrête pas de faire tout et n’importe(I) quoi donc bouscule les autres jeunes violent impossible de le tenir à table dans la provocation mais à un niveau plus plus prenant des fourchettes cassant toutes les ampoules complètement dans une fuite en avant dans une spirale de plus en plus haute de plus en plus haute et puis nous assez impuissants moi au cours de la soirée essayant un petit peu de l’isoler du groupe et lui me disant oui je comprends ce que tu veux faire de toutes façons je vais faire avec toi comme j’ai fais avec tous les autres je vais te faire craquer (p 206) je sais que tu veux me mettre à part j’ai compris bon voilà je lui dis bien oui bref la situation vraiment dramatique on va dire puisqu’on était même plus à même de protéger les autres (p206)jeunes on était débordés (I) et puis je sais pas trop pourquoi il se calme un petit peu et il rentre dans le bureau où j’étais à ce moment là assise et il fait rien d’autre que de me prendre mon stylo à encre d’une manière machinale et là c’est moi qui a été violente pour le coup j’ai pété un câble j’ai sauté par-dessus le bureau je l’ai attrapé par le colback (I) (p 201, 207) et donc en fait il y avait plein de choses sur le bureau j’ai tout renversé voilà je l’ai collé contre le mur et j’étais en train de faire le geste pour lui mettre un coup de poing dans la tête voilà et entre le moment où je suis derrière le bureau et le moment où je me retrouve avec lui collée contre le mur et mon poing en avant pour le taper j’ai un trou (I) (p207) voilà et c’est la seule et unique fois où ça m’est arrivé dans ma carrière d’avoir un trou comme ça ça m’est arrivée de prendre des gamins par le colback de les secouer de leur donner un coup de pied aux fesses bon je ne suis pas partisante de la claque éducative c’est pas ça mais des fois ça m’est arrivée parce qu’on a eu des grosses crises mais là ça a quand même été un épisode violent sa violence à lui tout le long de la soirée mon impuissance et voilà quoi ce trou noir où en fait je me réveille en train d’essayer de lui mettre un pain je me réveille juste avant de lui mettre(I) voilà

Et après

Après après il m’appelait la femme pirate

Mais sur l’évènement lui-même  ?

Sur l’évènement lui-même donc il est contre le mur et lui il a peur hein je pense qu’il a du voir peut-être de la folie dans mes yeux (I) j e sais pas ce que je lui ai renvoyé mais certainement quelque chose de cet ordre là puisque de toute façon j’étais plus maître de moi-même (I) donc en fait lui il était assez liquéfié et à ce moment là les autres jeunes qui étaient dans la salle de groupe se sont précipités ils pensaient que lui il était en train de me taper quoi et ils sont arrivés à ce moment là dans le bureau ils ont déboulé dans le bureau et moi j’étais en train de le tenir parce que ça se passe vite dans le temps beaucoup plus rapidement que le temps que je prends pour le raconter quoi et les jeunes sont arrivés là moi je tenais le jeune là contre le mûr puis lui il était comme ça il avait peur donc non ça a fait son petit effet quand même (p 209)son petit effet sur le groupe parce qu’ils ont vu (II) voilà l’éducatrice s’interposée et ils ont vu en l’occurrence ce jeune qui avait peur il avait perdu un tout petit peu de sa toute puissance au niveau du groupe mais bon c’est pas satisfaisant dans la mesure où moi j’étais plus du tout professionnelle (II) c’est la seule fois que ça m’est arrivé mais effectivement j’ai quand même une grande expérience avec les ados la violence j’en ai connu plus plus mais là…

Et réflexivement parce que j’imagine que vous y avez pensé après qu’est ce que vous vous dites qui a amené à ça vous vous l’expliquez à vous-même  ?

Ah oui moi je me l’explique hein c’est toute la journée quoi j’arrive le matin à neuf heure après les vacances je trouve les collègues dans un état de décomposition (I) (p 207) bin comme on trouve des fois en cas de crise je me dis c’est pas possible c’est pas qu’un seul gamin qui a fait ça quoi (II) (p206) la réunion elle est de neuf heure à midi et de quatorze heure à dix-sept heure on a eu le temps d’en parler et moi je me disais enfin c’est pas possible il est quand même pas monstrueux ce jeune mais bon voilà comment c’est possible quoi que un jeune fasse autant de dégât et après bien j’ai vu durant toute la soirée j’ai vu que j’étais pas maître de la situation (II) (p 207) que je n’arrivais même pas maître de la situation encore ça m’est déjà arrivé bien sur d’être débordée par un jeune mais enfin là j’étais plus à même de sécuriser les autres de protéger les autres (II) (p 207) jeunes donc ça c’est quand même grave je veux dire les jeunes ils avaient peur les jeunes ils voyaient que les éducateurs ils assuraient plus (II) plus une barrière protectrice pour eux quoi donc je pense que ça ça m’a conduit oui à sortir de mes gonds quoi à être acculée complètement acculée (II) (p 207) voilà c’est ce qui c’est passé

Et indépendamment du jugement que vous venez de porter sur votre acte selon vous il a été efficace  ?

Oui moi je pense que ça a été efficace du coup ça aurait été peut-être plus efficace si ça avait été je veux dire pensé c'est-à-dire que là j’ai pas du tout mentalisé c’est bien ce que je me reproche (p 209) (II) je me dis bon alors là voilà heureusement voilà mais j’aurais pu porter le coup puisque bon j’avais déjà sauté par-dessus le bureau j’avais déjà choppé le gamin je l’avais déjà foutu contre le mur donc dans mon élan j’aurais pu lui mettre un pain c’était ça hein moi j’étais vraiment pour lui mettre un pain comme un voyou de la rue quoi vraiment j’étais comme ça donc non mais ça a été efficace oui en terme de pour le gamin déjà je pense d’arrêter dans sa toute puissance je pense que quelque part ça a du le rassurer ah enfin peut-être quelqu’un capable de m’arrêter (p 208) mais je pense que je lui ai renvoyé de la folie aussi c'est-à-dire il a trouvé en face de lui quelqu’un d’aussi fou que lui hein quelque part donc ça se discute (II)

Vous en avez reparlez avec lui ?

Avec lui oui oui il me disait il m’a dit toi t’es une femme pirate aussi folle que moi donc j’ai dit effectivement oui là tu vois ce qui s’est passé à tel moment j’étais plus moi-même j’étais plus maîtresse de moi-même donc on peut dire que voilà je lui ai dit que de toute façon tout le monde a une partie folle en lui moi ma partie folle et bien c’est exprimée comme ça à ce moment là et tu vois c’est la première fois tu as eu de la chance parce que je pense que j’étais prête à aller jusqu’au bout voilà et je lui est dit mais c’est pas professionnel du tout

Vous insistez là-dessus c’est le premier mot que vous avez dit ça aurait été quoi une attitude professionnelle ?

Ça m’est arrivé de prendre par exemple on va dire méthodiquement entre guillemet un jeune te de lui mettre par exemple un coup de pied aux fesses de lui dire bon si tu continus je vais t’arrêter par n’importe quel moyen voilà ou de ceinturer un jeune ou etc. c’est mentalisé là ce que je me reproche c’est que c’est pas passé par là du tout c’est vraiment un passage à l’acte voilà c’est ça en fait bon et puis mon collègue quoi mon collègue il était derrière moi il était voilà qu’est ce qu’elle fout qu’est ce qui lui arrive et ça a été aussi inutile pour les jeunes donc ça rétrospectivement je peux me dire les jeunes ont vu qu’une éducatrice était prête à utiliser la violence ce qui est quand même assez paradoxal hein vous en conviendrez quoi c’est quand même paradoxal pour nous protéger pour arrêter un jeune (II)parce que effectivement tout le long de la soirée puis même mes collègues sont restés professionnels arrête de faire ça na na na bon je veux dire

Oui mais, c’est moi qui vous provoque cette fois, si la professionnalité est réduite à l’impuissance est ce que c’est, selon vous de la professionnalité ?

Non mais ça je suis bien d’accord moi par rapport à des situations de violence j’essaie toujours de ne pas être en situation d’impuissance( III) mais ce qui ne veut pas dire même quand je ne fais rien je ne suis pas en situation d’impuissance j’essaie de sortir toujours des situations d’impuissance parce que de toute façon quand on est dans l’impuissance ça génère de la violence (III) les jeunes ils escaladent ils débordent donc moi j’essaie de ne pas être dans cette situation là mais j’essaie de le faire d’une manière au moins un petit peu mentalisée quoi je dis pas que à chaque fois je construis mais là c’était quand même

Au fond vous vous reprochez de ne pas avoir été stratège et d’avoir été mis devant la

Un petit peu oui voilà là c’est vraiment la punition j’ai un trou noir quand même je ne me vois pas sauter quand je me retourne

Vous ne vous souvenez pas de ça  ?

Je ne me souviens pas de ça donc ça c’est quand même pas rien je veux dire c’est quand même extraordinaire j’ai déjà fait des choses comme ça voilà où j’ai ceinturé un gamin j’ai pris un gamin je l’ai secoué etc. ça me pose pas trop de problème moi le conflit me pose pas trop de problème en face de l’adolescent parce que je trouve qu’il faut toujours tenir donc si je dois aller jusqu’au bout je vais jusqu’au bout les ados ils le savent (III)

Et on n’a pas la trouille des fois  ?

Ah bien si mais moi des fois j’ai peur mais moi ça me fait plus peur d’être dans l’impuissance moi j’ai plus peur de l’impuissance que de me payer un conflit (IV) je pense que avec certains jeunes il faut moi je pense qu’il faut aller jusqu’au bout voilà je parle pas de jusqu’au bout comme je l’ai fait là hein là OK je suis pas d’accord pour moi là c’est vraiment du n’importe quoi mais aller jusqu’au bout vous savez on pose un interdit on tient pour moi tenir est thérapeutique de toute façon

Et aller au conflit, ça aide à construire des choses  ?

Moi je pense que des fois le conflit est nécessaire c’est vrai que c’est pas trop à la mode avec les nouvelles mouvances la médiation etc. bien sur que c’est intéressant mais je pense qu’avec les ados difficiles et bien quelques fois il faut aller au conflit (III)

Vous distinguez comment violence et conflit ?

Ah bien pour moi c’est pas du tout pareil pour moi la violence mes références théoriques par rapport à la violence c’est Bergeret c’est la violence fondamentale pas transformée pas tout ça le conflit c’est autre chose hein le conflit c’est on cherche la confrontation à l’autre (V) alors avec plusieurs moyens on a tout un panel à notre disposition les adolescents ils ont tout un panel à leur disposition pour rentrer en conflit et il peut y avoir dans ce panel là ils peuvent utiliser la violence c’est déjà une violence transformée quelque part puisqu’elle est déjà en lien avec l’autre (V)

Elle tire vers l’agressivité  ?

Oui oui elle a un sens (V) alors que la violence pour moi la définition de la violence c’est la violence fondamentale de Bergeret qui sort comme ça un peu comme moi je l’ai [inaudible] finalement…

Ou le gamin ?…

…Voilà mais moi quand j’ai sauté par-dessus le bureau je pense que j’étais dans la violence fondamentale j’étais violente pas agressive (V)

Et c’est quelque chose qui génère de la culpabilité ce type d’acte ou simplement vous

…ha ben si oui oui je me suis quand même interrogée si si ça génère de la culpabilité effectivement bien sur bon après j’ai pas ça m’a pas empêché de dormir pendant quinze jours mais j’ai eu besoin d’en parler à l’équipe etc. voilà ce qui m’est arrivé voilà comment j’ai été acculée j’ai eu un trou noir parce que bon mon collègue qui était avec moi il n’en n’a pas été forcément conscient quelque part comme de toutes façons au niveau de ma personnalité il sait en plus c’est quelqu’un avec qui j’ai travaillé longtemps il sait que je suis capable d’aller jusqu’au bout ça m’est déjà arrivé de monter sur la table quand il y a j’en sais rien un repas et que les ados font tout et n’importe quoi de monter sur la table et de dire maintenant ça suffit (III) enfin de faire des choses

Spectaculaires ?

Oui spectaculaires des fois avec les ados ça marche bien ou des choses à contre sens à contre-pied plutôt (II) donc lui il a pas il a dû se dire bon ben elle y va un peu fort mais il a pas compris sur le moment que j’étais plus…[silence]

…vous étiez passée de l’autre côté…

Oui oui oui que j’étais dans la violence tout simplement

Et la violence des adolescents vous la comprenez comment  ?

Je lui donne un sens en fait on a besoin de donner un sens à la violence parce que à partir du moment où elle a un sens elle est on la mentalise on l’explique et après on a plusieurs grilles de lecture (VI)

Et les vôtres  ?

Ben moi je pique un peu dans toutes les références que j’ai parce que dans mon travail je considère que j’utilise tout j’ai pas une chapelle j’étais très branchée psychanalyse pendant longtemps j’ai revu ces modèles là et je pique un peu partout pour expliquer un peu la violence la violence comme d’autres comportements des adolescents de toute façon on a besoin de donner un sens (VI)

Pour vous l’expliquer ou pour leur expliquer pou les deux  ?

Ben pour les deux

Vous pensez que leur donner ce sens c’est quelque chose qui les aide à s’en dépêtrer ? Comment vous pensez ça  ?

Oui moi je pense oui ça peut les aider à donner un sens à leur propre violence parce que bon des fois ils sont complètement débordés et ça les angoisse et ils culpabilisent de toute façon moi le chemin je l’ai fait qu’ils font (p 209) certainement je veux dire un jeune violent n’est pas violent par plaisir (VI) souvent il est violent par souffrance donc bon je pense que ça peut que les aider c’est vrai que c’est intéressant aussi d’avoir vécu cet épisode là parce que je me dis bon ben voilà j’ai clarifié en moi alors ça veut pas dire que je recommencerai pas mais j’ai essayé je suis sortie de mes gonds j’ai été en proie à la violence fondamentale donc là je n’étais plus que pulsion c’est intéressant aussi j’ai pas fait exprès voilà mais après j’en tire des enseignements quoi je me dis j’arrive à comprendre quelque fois comment un adolescent peut se sentir acculé d’avoir d’autres moyens que ça ce qui n’excuse pas je suis pas en train de me dire

Et ça vous a rendu plus tolérante, plus proche de la compréhension ?

Non voilà plus proche de la compréhension mais pas plus tolérante je pense que la violence il faut pas accepter les actes violents quel qu’ils soient de toute façon non je ne suis pas plus tolérante par rapport à l’acte je suis plus tolérante peut-être par rapport à la personne (VIII) je suis peut-être capable de dire à un ado bien oui on a tous de la violence en nous si l’ado me pousse me dit ben toi et bien tu peux lui dire bien oui moi ça m’est arrivé une fois dans un contexte professionnel de péter un câble et d’être tout d’un coup violente et on peut en sortir parce que moi j’en suis sortie j’ai pas porté le coup voilà ça peut être intéressant aussi pour l’adolescent d’entendre ça

Selon vous à partir de votre pratique, dans votre métier quotidien d’éduc cette violence qu’est ce qui faut en faire ? J’entends qu’il faut lui donner du sens, mais il faut construire quelque chose avec ? Il faut la dévier ? Il faut l’affronter ? Quelles sont vos idées autour de ça voilà on constate qu’il y a de la violence chez les adolescents qu’est ce qu’on fait de ça

Moi en tous cas c’est individuel je dis pas il y a de la violence chez les adolescents je dis je suis confrontée à un adolescent particulier avec qui j’ai un lien particulier

Donc pas de généralisation .

Voilà avec qui j’ai un lien particulier et avec qui je vais faire un travail autour de la violence en utilisant des moyens différents selon la situation (VII) peut-être que si j’étais éducatrice en prévention je pourrais dire il y a une violence des adolescents qu’est ce qu’on fait globalement et tout ça professionnellement je ne me situe pas du tout là dedans moi c’est des individus des personnes et par rapport à la violence de chaque personne j’agis d’une manière différente mais je pense que ce que je ne fais je pense jamais c’est la dévier l’éviter ou la banaliser ça je ne le fais jamais (VIII)

Vous l’affrontez  ?

Je l’affronte je la parle je ne la passe pas sous silence je n’essaie pas non plus de l’éviter

Quelles convictions, quelles réflexions vous fait faire ce choix  ?

C’est une conviction c’est une croyance voilà je me dis que je suis persuadée c’est une croyance qui vaut ce qu’elle vaut hein c’est la mienne je crois que face à la violence on peut pas nous professionnels enfin moi en l’occurrence quand je suis en face d’un adolescent qui est violent je peux pas rester sans réponse sans renvoi sans parole sans essayer de donner un sens voilà c’est mon travail voilà c’est une croyance que j’ai un acte violent je vais pas le banaliser (X)

Elle vous vient d’où cette conviction ?

Et bien de mon expérience et des livres que j’ai lu (IX)

Vous ne l’aviez pas quand vous avez commencé par exemple vous vous l’êtes forgée dans l’expérience

Ça c’est difficile comme question je sais pas au niveau de ma personnalité je ne suis pas quelqu’un qui a peur des conflits de la violence bon je dis pas que ça me fait rien hein je suis pas en train de dire voilà tout va bien mais enfin c’est pas quelque chose il y a des gens qui sont détruits par la violence parce que ça les renvoie à leur propre histoire à je ne sais pas quoi qui sont complètement liquéfiés moi je ne suis pas dans ce cas là donc c’est peut-être aussi pour ça que je trouve mon compte avec des adolescents difficiles parce que moi ça me pose pas de problème plus que ça (X)

Vous voulez dire vous aimez ça aussi cette confrontation ?

Non la violence j’aime pas mais elle existe elle est là elle est en chacun de nous donc voilà moi c’est une croyance aussi que j’ai

Donc il faut faire avec et pas tourner autour.

Donc il faut faire avec il faut pas tourner autour voilà oui c’est plus ça donc après j’ai été confortée dans ce truc là je pense aussi par mon expérience quoi non pour moi la violence elle fait partie elle est intrinsèque à chaque (V ) personne et le travail de l’éducation effectivement c’est ça c’est de transformer cette violence c’est de canaliser (IX) cette violence enfin c’est ce qu’on fait avec les enfants dès qu’ils naissent de toute façon c’est le boulot des personnes qui sont en charge de l’éducation des enfants quoi bon les ados il y a un truc qui s’est pas construit quand ils étaient petits (IX) (p 241) pour x raisons soit ils ont subit de la violence soit après peu importe enfin peu importe chaque personne est différentes a des parcours différents bon voilà il y a quelque chose qui c’est pas enclenché je pense donc effectivement que la détourner la nier ou la banaliser c’est pas une solution ça marche pas (IX)

Ça ne marche pas ?

Non moi je pense que ça marche pas c’est quand même notre boulot (V) et puis voilà d’expliquer au jeune la réalité quelqu’un de violent quelqu’un qui canalise pas sa violence et bien il finit en prison ou bien en HP enfin ça c’est la réalité de la société quelqu’un qui contrôle pas et bien voilà c’est ce qui lui arrive

Une des tâches de l’éducateur c’est d’apprendre au jeune à la canaliser à en faire quelque chose qui soit socialement acceptable qui n’envahisse pas et qui nedétruise pas les autres ? Et pour vous la méthode c’est en l’affrontant en y allant et en en parlant

Je dis pas non je dis pas que c’est la méthode

C’est la vôtre ?

Voilà moi je travaille en équipe donc moi je donne cette réponse là mais ce qui est intéressant c’est que je travaille en équipe et qu’il y a d’autres personnes qui ont donné d’autres réponses à la violence c’est ça qui est intéressant moi je donne ma réponse par rapport à mes croyances (X) on travaille en équipe il y a d’autres personnes qui ont donné une toute autre réponse il y a des gens qui sont fondamentalement non violents ce qui n’est pas mon cas qui prônent la non violence qui sont là dans le compromis cool etc. c’est pas mon cas c’est pas ma personnalité donc un adolescent peut se confronter à moi quelqu’un comme moi et quelqu’un de différent c’est ça qui est intéressant moi je dis pas que j’ai raison je dis que c’est ce qui me correspond et je pense qu’il y a avec des adolescents ce qui fonctionne c’est d’être authentique (X) par rapport à ses croyances sinon ça ne marche pas je (III) trouve que j’ai des éducateurs qui m’apprennent énormément voilà le tripe non violent on discute on pose les choses OK mais ça leur correspond je dis pas que je change pas parce que je change tout le temps en quinze ans je ne suis pas usée tous les jours j’apprends je peux apprendre aussi par un stagiaire qui vient faire un stage mais ce qui est intéressant c’est d’offrir aux ados plusieurs réponses moi je leur donne celle là c’est celle qui me correspond et c’est celle qui est efficace parce que j’y crois (III)

Et d’autres réponses complètement différentes selon vous peuvent être efficaces aussi ?

Et bien moi j’ai tendance à croire que non parce que on a toujours tendance à se mettre au centre du monde [rire]

Oui mais comme c’est avec vous que je discute c’est votre point de vue qui m’intéresse vous dites dans un bel effort œcuménique qu’il y en a d’autres qui cools tranquilles etc. mais vous y croyez ou pas ?

Ben moi je crois plus à la mienne c’est celle qui me correspond voilà quoi

Si ce qui vous permet d’avancer c’est que ce vous faites est en accord avec ce que fondamentalement vous croyez ? Si c’est cette conviction profonde qui fonde votre action et qui fait que ça marche ? Alors, s’il s’agit seulement de conviction, quelqu’un qui aurait une conviction totalement opposée et qui agirait aussi en accord avec sa conviction ça marcherait aussi ! Vvous croyez ça ou pas ?

Non je crois que ça marche mieux moi ma méthode [rire] non mais c’est vrai pourquoi

Alors ça m’intéresse que vous me disiez pourquoi qu’on essaie de comprendre pourquoi.

Alors quand un jeune est en proie à de la violence il n’a pas les capacités peut-être que moi j’ai eu parce que j’ai de la ressource parce que dans l’exemple que j’ai pris parce que je suis dans un contexte professionnel parce que j’ai plus de ressource qu’eux eux ils n’ont pas les capacités internes peut-être à le faire moi je le fais à leur place à un moment ou à un autre c'est-à-dire de les arrêter quand un jeune est en proie à une violence à de la violence si il n’arrive pas à s’arrêter tout seul l’adulte qui est en face de lui doit l’arrêter ça c’est j’y crois fortement et c’est efficace parce que le gamin même si il se débat même si il dit fille de pute ou je ne sais pas quoi fondamentalement je suis persuadée que ça le rassure (p209)c’est une croyance que j’ai et c’est pour ça qu’un jeune qui est en proie à une violence je parle de la violence qui déborde qui déborde de toute façon j’interviens et j’interviens souvent de manière autoritaire dans le sens autorité et pas autoritariste autoritaire quand tu n’es plus maître de toi moi je vais te protéger je vais te rendre auteur de toi-même là ça s’apprend c’est pas autoritariste il y a une distinction (p 209)

(III)Cette conviction qui est forte qui est profonde chez vous c’est, vous dites l’expérience qui l’a forgée mais est-ce seulement l’expérience professionnelle ?  

Ben si quand même après bien sûr [silence} il y a peut-être des motivations personnelles de mon histoire certainement certainement

Que vous identifiez à ces adolescents ?

Oui oui que j’identifie bon moi j’ai vécu de la violence effectivement donc je pense que enfin j’ai subi de la violence j’ai pas j’en ai fait subir aussi à un degré vraiment moindre j’ai conscience d’avoir de la violence en moi je le sens (VIII) (p 209) dans des exemples tout cons de la vie quotidienne je sais pas des fois je suis au volant tout se passe bien je suis cool puis tout d’un coup je vais m’énerver sortir de mes gonds pour quelque chose qui n’a absolument pas d’importance mais c’est le prétexte qui fait que la soupape sort et voilà oui je crois que ça se nourrit de toute façon on peut pas dire il y a vie professionnelle et vie personnelle et que les deux seront séparés les deux se nourrissent mutuellement (VIII)

Donc cette conviction elle a été forgée dans l’épreuve pas seulement dans l’expérience professionnelle dans l’expérience personnelle intime.

Perso professionnelle oui les deux parce que quand même c’est une épreuve aussi d’être confrontée à la violence dans le cadre professionnel je veux dire c’est vous qui employez le terme d’épreuve c’est aussi une épreuve quand même c’est pas parce que je dis que je me confronte etc. que ça me fait rien non faut pas non plus je ne la banalise pas je sors pas indemne de toute façon je pense qu’on ne ressort jamais indemne d’épisodes violents ça remue les choses profondes en soi quoi

Et vous avez confiance par expérience du fait que aller au conflit fait avancer les choses et que c’est ça vide la violence ?

Aller au conflit dans le sens me confronter ne pas rester sans réponse c’est pas forcément dire ouai espèce de d’âne qu’est ce que tu fais et tout c’est pas ça c’est arrêter les jeunes être autoritaire (VIII) ça oui j’ai la conviction que ça marche

Et dans ces moments là quand vous sentez le jeune en train de se chauffer voilà vous décidez que vous allez intervenir, que vous allez dire, que ça va s’arrêter, vous êtes prête à faire ce qu’il faut pour que ça s’arrête, quand vous êtes dans cette situation c’est l’émotion qui vous conduit ou vous êtes très réflexive vous mentalisez vous restez stratège vous vous dites je vais m’y prendre comme ça parce que lui il est comme ça ?

Enfin ça ça se construit bon avec le lien (VIII) que j’ai avec l’adolescent par exemple un adolescent qui a piqué une crise je le ceinture ou je l’arrête je sais pas quoi après j’en discute avec lui de ça et puis on essaie d’en discuter et de construire ensemble et donc après j’essaie de repérer les signes avant coureur les choses comme ça après je vais dire au jeune regarde là t’es en train de monter tu te souviens on en a discuté va faire un tour dehors va te fumer ta clope j’essaie de faire en sorte que la violence sorte pas je ne suis pas non plus une extrémiste qui a envie à tous prix que les ados fassent sortir la violence j’essaie de trouver des signes avant coureur que le jeune mette en place ses propres stratégies (VIII)

Quand vous allez chercher à identifier avec lui dans ces signes avant coureur c’est pour qu’il en devienne conscient ?

Ben les signes avant coureur c’est pour lui c’est pour qu’il en prenne conscience c’est pour qu’il développe ses propres stratégies qui sont pas les mêmes que les miennes qui sont pas les même que tartampion moi je pense que des ados en général j’aime pas généraliser mais ils ont souvent besoin de plus de stratégie que quelqu’un qui n’a pas eu un parcours chaotique comme souvent ils ont eu (VIII) ils ont besoin de plus de petits trucs voilà là tiens je repère voilà des choses pratico pratiques pour effectivement pas perdre complètement le contrôle d’eux même ils ont plus besoin de ça moi ce qui m’intéresse avec eux c’est ça pour pouvoir arriver à ce travail là il faut bien à un moment ou à un autre que l’ado sa violence elle sorte et que je me barre pas en courant que je me confronte avec et puis après il y a tout un travail de fond qui se fait (VIII) voilà sur ça justement bon alors ça marche pas à tous les coups mais c’est le travail que j’ai à faire de toute façon je crois oui non ben même je crois pas je suis sûre

Et selon vous, pour vous, qu’est ce qui nous pousse, pourquoi on revient après avoir fait l’expérience que on était capable de devenir complètement folle et de passer par-dessus le bureau sans même savoir ce qu’on a fait, avoir peur des fois peut-être, qu’est ce qui fait qu’on change pas de métier pourquoi on revient ?

Ben pourquoi on change pas de métier je sais pas moi j’y trouve mon compte (VII) c’est ce que je disais tout à l’heure

Mais lequel vous pouvez être moins générale ?

Je sais pas ça contribue à force ça contribue quelque part à mon identité( VII) voilà je suis éducatrice ça fait partie de mon identité comme je vous dis j’ai trois enfants c’est quelque chose qui remplit qui remplit c’est pas rien j’ai passé quinze ans avec des ados hein en y trouvant mon compte voilà donc après la question pourquoi j’y trouve mon compte

Plutôt quel est ce compte on trouve son compte il y a quoi dans le compte ?

Heu qu’est ce qu’il y a dans le compte il y a des convictions des croyances il y a une éthique oui ma conviction profonde que je suis utile que je peux apporter quelque chose aux ados (VII) que je suis pas usée que voilà et que j’ai encore ma place ici voilà je le sais donc après c’est de la rationalisation peut-être bon c’est vrai que là professionnellement je suis en train justement de changer mais c’est pas c’est récent je suis en train de passer à autre chose mais tant que je suis là j’y crois je suis pas usée je pars pas en disant j’en ai ras le bol des ados ils m’ont pompé l’air pas du tout pas du tout j’ai appris beaucoup bon c’est vrai qu’après communément on dit les éducateurs qui travaillent avec des ados c’est souvent des éducateurs qui n’ont pas réglé eux-mêmes leurs propres comptes avec leur propre adolescence j’en prends un bout OK OK avec ça voilà c’est vrai d’une certaine manière mais c’est pas la seule raison (VII)

Ca n’est pas ça qui est au centre ?

Ça en fait partie certainement bien sûr mais il n’y a pas que ça

Votre formation d’éducatrice spécialisée pour ce qui est à la fois de comprendre et puis de savoir faire dans les situations où les ados sont eux-mêmes violents ou bien déclanchent de la violence chez nous vous a été utile ?

Alors moi j’ai fait monitrice éducatrice à 25 ans donc à XXX là c’était très axé sur un peu l’introspection quel est mon monde relationnel (XII) qu’est ce que l’autre me renvoie donc là j’ai beaucoup appris dans le savoir faire parce que effectivement je pense que pour être en lien avec des personnes en difficulté quelles qu’elles soient ça demande je pense un retour sur soi s’interroger sur le pourquoi pour quoi donc cette formation (XII) m’a été beaucoup plus utile après j’ai fait la passerelle éduc spé c’était beaucoup plus utile que les cours théoriques que j’ai fait quand même pour le savoir faire les cours théoriques m’ont intéressé parce que [arrêt pour appel téléphonique]

Il y a des contraintes… Vous évoquiez ce en quoi la formation avait été utile, travail d’introspection, de clarification.

Oui clarification de son mode relationnel de son conscient de ce que l’autre renvoie de ce que nous on renvoie oui mais ça c’est une croyance aussi et je regrette vraiment comment la nouvelle moulure on va dire du diplôme d’éduc spé qui devient vraiment très scolaire parce que j’ai fait la passerelle avec la nouvelle le nouveau diplôme donc très intéressant hein bien sûr j’ai fait de la socio donc plein de choses que je n’avais jamais fait mais il manque quand même ce volet là (XII)

Qui est essentiel pour vous dans ce type de difficulté ?

Qui est tout aussi important que les cours de psycho pédagogie par exemple pour moi c’est tout aussi important

Vous évoquiez tout à l’heure des références psychanalytiques en quoi elle sert la théorie ?

Ben c’est rassurant quelque part c’est rassurant oui c’est rassurant on a besoin d’une grille de lecture de donner un sens (VI) c’est une grille de lecture la psychanalyse ni plus ni moins c’est invérifiable c’est comme la systémie c’est une grille de lecture on a besoin de ça pour donner un sens aux comportements etc. donc oui moi je pense que c’est important maintenant ne pas moi je ne suis pas très chapelle j’aime pas ça voilà moi je fais un espèce de pot pourri je prends là je prends là je prends là et puis voilà je suis pas mais c’est vrai que je suis quand même plus branchée psychanalyse de par mon parcours (VI) et là ce que j’ai dit sur l’introspection sur tout ça voilà après la systémie la dernière formation que j’ai faite m’apporte des réponses sur le faire en fait sur le savoir faire sur les techniques grille de lecture c’est vrai que moi la systémie ça m’a beaucoup appris justement voir la famille comme un système voir d’une manière plus globale (VI ) ça c’était très intéressant mais je me sers pas que de la systémie alors que par exemple ici avec monsieur (chef de service) la systémie c’est important quoi la psychologue est très systémicienne Jean-Marc aussi enfin moi j’ai quand même toujours un peu ce côté d’ailleurs quand je fais des rapports çà se voit j’ai pris dans la systémie je fais l’analyse bon la famille un peu voilà globalement etc. mais j’ai quand même toujours recours à la compréhension analytique. oui c’est les fondations puis après voilà on rajoute la systémie tout ça même l’analyse transactionnelle c’est très intéressant de se rendre compte bon ben voilà quand on est dans le triangle dramatique dans quel position on est position de sauveteur de victime bon c’est intéressant je veux dire ça me sert mais le fond c’est pas c’est bien pour ça que je travaille pas en fait dans un secteur de prévention par exemple ça m’intéresse absolument pas ça m’intéresse pas du tout je veux dire de faire des actions globales sur un quartier ça m’intéresse pas ce qui m’intéresse c’est d’être en lien avec une personne et d’essayer de faire en sorte de l’aider au mieux quoi de l’accompagner pour apprendre jusqu’où elle peut aller et un peu plus voilà je suis assez Rogerienne aussi (VI)

Il y a des dimensions qu’on a complètement passé sous silence et dont vous souhaiteriez parler  ?

Ben je pense qu’il y en a des tas oui les dimensions qu’on aurait passé sous silence par rapport à la violence la pratique au niveau de la violence oui moi je pense qu’il y en a oui

Vous pensez à quelque chose  ?

On pourrait aller plus en profondeur dans le sens comprendre ce qui se passe entre deux personnes voilà on aurait pu plus décomposer là il faut deux trois heures vraiment décomposer par exemple un exemple sur quoi voilà discerner ce qui est de l’émotionnel ce qui est du réfléchi ce qui est du personnel du professionnel enfin je veux dire on peut en trouver des petites boites hein encore c’est je pense que c’est comme des boites gigognes on en a ouvert quelques une mais il y en a encore plein dessous mais bon c’est normal c’est un entretien d’une heure on peut pas non plus tout décomposer voilà mais c’est intéressant parce que de faire ce travail là moi j’aime bien faire ça c’est de tout aller au plus….

Profond qu’il est possible

Voilà aussi profond qu’il est possible

Est-ce que vous donnez à la violence, dans la façon dont les jeunes l’utilisent, une portée stratégique  ?

Oui ça peut oui bien sûr on peut utiliser la violence d’une manière stratégique si en plus ils ont été confortés dans leur histoire une ou deux fois que ça marchait ben ils vont pas se gêner hein et quelques fois c’est bon signe quelque fois c’est bon signe ça peut paraître paradoxal mais c’est un signe de bonne santé mentale pour l’adolescent qu’il ait cette capacité à utiliser une stratégie qui a marché dans le passé je veux dire c’est bon signe moi ça me donne de l’espoir sur ses capacités personnelles oui ils auraient tord de se priver de toute façon ils le font c’est ça aussi par rapport à la violence vous disiez bon ben voilà on pourrait aussi voir quand c’est stratégique quand c’est pas stratégique quand ils sont débordés(VIII) (p 211) heu eux aussi ils ont c’est pareil que moi

Il y a des violences  ?

Ben il y a la violence fondamentale puis après il y a oui les sous chapitres effectivement ils peuvent avoir recours à la violence pour alors après c’est vrai qu’on peut oui si on reste dans le tripe Bergeret c’est plus de la violence c’est de l’agressivité je sais pas je suis pas assez calée théorique au niveau théorique pour vraiment analyser tout ça

Du point de vue de votre perception et de votre façon de faire ce distinguo est important ? Vous réagissez, vous construisez directement différemment, en inventant

Oui pour moi il y a la violence fondamentale qui est là ce que je vous ai dit tout à l’heure après il y a des sous chapitres de violence moi ma réponse elle n’est pas la même ma réponse par rapport à l’acte est la même enfin je veux dire c’est ce que je disais tout à l’heure mais j’agis pas toujours pareil face au même acte ça dépend aussi du lien que j’ai avec le jeune (VI) enfin etc. enfin un jeune qui est violent si j’ai un lien avec lui je sais que si je vais le toucher simplement poser mes mains sur ses bras il va s’arrêter si j’ai le lien avec lui si j’ai pas le lien je me prends un pain hein je suis pas folle je vais pas y aller hein si j’ai pas de lien avec lui moi je vais pas rentrer enfin bon voilà donc j’ai un peu perdu le fil de ce que je voulais dire

Selon la relation que vous avez avec le jeune vous allez agir de telle ou telle façon 

Voilà et puis analyser les choses différemment en me disant ben tient là c’est de la violence stratégique entre guillemet là il est complètement débordé là il est complètement angoissé voilà essayer effectivement et puis lui renvoyer ça parce que je peux me tromper puis bon l’ado il est grand aussi il peut dire ben tu vois quand j’ai fait ça j’étais pas du tout angoissé je voulais mon argent de poche j’étais prêt à tout pour voilà le plus important c’est de mettre en mot mais ça c’est ma conviction ma croyance mettre en mot donner du sens mettre en mot parce que après en quoi ça peut servir l’adolescent qu’il sache que sa violence elle est stratégique (VIII) ou tartempion ou billy truc et bien il s’en fout l’ado c’est nous qui en avons besoin professionnellement mais lui au niveau théorique il s’en fout c’est nous qui en avons besoin pour donner un sens mais lui se dont il a besoin c’est bien sûr (VIII) qu’on mette en mot à son niveau à lui qu’il essaie de développer des stratégie pour lui des trucs qui vont lui servir et de toute façon on verra pas forcément les résultats d’ailleurs parce que quand j’ai une action par rapport à la violence au niveau individuel avec un gamin je ne suis pas du tout sûre sua ça marche sur le long terme je parle sur le profond je parle là je sais que ça marche parce que je réagis je l’arrête dans sa violence là je suis à un niveau superficiel après le profondément quelle graine va germer moi j’en sais rien hein mais j’essaie de l’aider à ouvrir son espace à lui son champs de vision (VII) quoi et puis qu’il essaie de choper deux trois choses quoi mon boulot c’est quand même d’élargir son champs de vision j’essaie de faire ça que ce soit vis-à-vis de la violence ou autre chose avec mes convictions mais moi je crois que ça marche les ados ils ont horreur des gens qui ne savent pas ce qu’ils veulent moi je préfère de toute façon mais là je m’identifie à eux pour le coup ça rejoint bon on fait pas éducateur pour ados par hasard mais je veux dire les ados ils ont besoin d’avoir des personnes en face d’eux qui ont une personnalité qui sont pas toujours de l’avis du dernier coq( III) qui chante même si on se trompe même si on est con même si je veux dire voilà ils ont besoin de savoir qui ils ont en face d’eux je crois que c’est important et c’est pour ça aussi qu’il y a des éducateurs qui génèrent de la violence (VIII) parce que quand un adolescent il est en face d’un éducateur qui ne sait pas trop qui est un peu perdu qui est un peu comme ça génère de la violence l’ado il va rentrer dedans alors que moi je sais que quand je travaille sur le collectif c’est l’expérience aussi attention quinze ans derrière moi je sais que je ne vais pas générer de la violence et pourtant je suis quelqu’un de violent (III) quand on dit elle est speed enfin etc. mais je ne génère pas de la violence (III) (p 210)

C’était déjà vrai quand vous étiez jeune éducatrice, vous avez beaucoup progressé, beaucoup appris ou bien vous aviez ça déjà ?

Oui moi je suis convaincue que j’ai beaucoup progressé mais ça m’arrange parce que ça fait quinze ans que je fais ça donc si je disais

Quand vous étiez débutante vous génériez la violence ?

Non j’ai jamais été trop une personnalité à générer de la violence parce que le plus important pour moi dans le boulot et ça depuis le départ c’était essayer de trouver la bonne distance (III) ça c’est fondamental et justement quand on n’est pas trop comme ça c’est toujours s’interroger sur la bonne distance quand on est trop près de toute façon l’ados voilà quand on est trop loin il vient nous chercher aussi bon il peut utiliser la violence ou autre chose mais bon voilà donc ça depuis le départ je pense que les éducateurs qui génèrent de la violence souvent c’est des gens qui mettent en avant leur non violence alors c’est vrai que je suis un peu péjorative quand je vois des éducateurs comme ça parce que ça me broute un peu soit on est des gens mais moi je suis non violent na na na na na ça ne rate pas c’est eux qui se font rentrer dans le lard un ado si il veut rentrer dans le lard de quelqu’un il rentre dans le lard de cette personne là parce que il prône tellement la non violence et moi je suis pas violent et na nana ils sont complètement dans la scotomisation de leur propre violence (V) dans le refoulement total et l’ado lui il a accès lui il sait que en face de lui c’est faux ça sonne faux il faut arrêter de toute façon plus on prône fort je suis non violent plus on a un problème avec la violence moi c’est mon avis mais alors là je suis un peu radicale je suis aussi comme ça quoi j’ai des côtés assez radicaux mais ça les gens ne l’entendent pas c’est pas les gens les plus speed ou les plus agressifs parce que moi je suis quelqu’un d’agressive hein l’ado tu vas pas commencé à nous faire chier toi si ça va pas tu vas aller fumer ta cigarette je suis assez comme ça moi (VIII) (p 249) heu ça ne génère pas de la violence au lieu de dire là je te sens pas bien tu veux qu’on aille discuter un petit peu et tout ça marche pas c’est là où il devient violent donc pour ça c’était pour répondre à votre question finalement il y a plein de choses