Conclusion et Perspectives

Ce travail entre ingénierie didactique, conception d’un cadrage théorique visant une approche plurielle et élaboration d’une méthodologie d’analyse de données vidéos, nous conduit à pouvoir donner plusieurs conclusions. Nous jugeons important que celles-ci s’étendent sur les résultats obtenus et sur la manière nous ayant permis de les obtenir. Penser ainsi les conclusions, nous permet d’envisager les perspectives à poursuivre.

Les principaux constats relatifs à la « pratique professionnelle » d’un enseignant face à l’appropriation dans son enseignement d’une séquence proposant un processus d’enseignement – apprentissage centré sur l’élève et l’activité de modélisation sont que ce dernier a repris de plus en plus au fil des semaines les procédés pour faire dérivés des choix et considérations des concepteurs. En fin de séquence, il a organisé le travail par groupe d’élèves en leur laissant du temps pour résoudre « l’activité », et leurs points de vue sont énoncés à différents moments de l’enseignement. A contrario, nos analyses n’ont pas montré que celui-ci reprenait les processus de pensée associés aux choix des concepteurs de la séquence relatifs à la modélisation. En effet, l’enseignant ne faisait pas appel au modèle et ne demandait pas aux élèves d’y faire référence au modèle lors des résolutions ou correction des « activités ». Ce point est important quand ce travail est mis dans une perspective de formation. Il a été montré que c’est le niveau-6 de la pratique professionnelle de l’enseignant qui est la plus implicite, tant du point de vue du groupe que de l’individu. Ce niveau est propre à chaque enseignant et il est relatif à son adaptation aux situations rencontrées : la préparation en groupe, seul et l’enseignement en classe. Par conséquent, penser un système de formation ne peut, si celui-ci se veut être efficace, omettre ce niveau de pratique. Dans cette perspective, nous pensons qu’il serait important de pouvoir faire confronter la pratique de l’enseignant à ce niveau à la pratique d’un autre enseignant « expert » des choix et considérations des concepteurs. Des vidéos insérées dans le site ou le cédérom pourraient être une ressource à ce travail réflexif. Ceci permettrait à l’enseignant de se rendre compte de la distance qu’il peut exister entre sa pratique et celle de l’enseignant « expert ». Nous reprenons ainsi les conclusions de ce travail à une démarche propre de formation. Pour que l’enseignant puisse mettre en place au plus près les séquences comme les concepteurs l’envisageaient, alors il seraient important de mettre en avant les processus et procédés et ce en parallèle. Il en est de même pour l’enseignant qui est en formation continue : quel processus utilise-t-il pour différencier théorie-modèle et objets-événements dans son discours et comment l’enseignant « expert » le fait-il ?

Le cadrage théorique choisit a pu en ce sens permettre de donner des réponses à notre problématique de départ. Mais celui-ci devrait être associé aux représentations, conceptions que l’enseignant peut avoir ou posséder du processus d’enseignement – apprentissage visé. En effet, sans cette donnée, nous ne savons pas d’où l’enseignant part, mais nous avons des idées de là où il arrive. Par conséquent, les résultats portant sur la construction et l’enrichissement de son expérience de l’enseignant nous semblent un peu faussés. Cette même perspective est envisagée depuis 2002, avec le projet nommé BIQUA et dirigé par Duit en Allemagne. Celui-ci a la volonté de rendre compte de pratiques d’enseignement, en lien avec l’évaluation (TIMSS, PISA) et avec l’appartenance de l’enseignant à une société. Il est mis en avant la notion de culture d’enseignement.

D’un point de vue méthodologique, ce travail fut riche en prospections et décisions. Mais ce qui ressort est que l’absence des contenus de discours en classe, pose un problème pour inférer sur ce qui est fait. Par conséquent, un travail reste à faire quant à une analyse du discours et de son contenu en temps réel. Un travail dans ce sens fut réalisé pour les journées de didactique comparée (Tiberghien et al, 2004). Nous avons associé au système de codage une autre granularité relative aux tâches épistémiques : enseignant fait faire des relations théorie-modèles avec objets-événements, l’enseignant créé un doute, argument du point de vue théories-modèles, objets-événements … Ce type de travail se poursuit au sein de notre laboratoire.

Du point de vue des résultats, nous retenons que les enseignants possèdent une réelle culture de leur métier, qu’ils partagent à un certain niveau de leurs pratiques. Ceci est commun aux professionnels qui échangent entre eux de leur métier. Prendre en compte cette culture pour la faire rencontrer avec la culture numérique est un point essentiel pour nous dans la perspective de certification du C2i®2-Enseignant (BO du 2/O3/2004) et d’utilisation des TICE. En effet, chacune ayant ses spécificités, pour qu’elles se rencontrent et fusionnent, il sera essentiel de prendre en compte l’impact de l’une sur l’autre et vice et versa. Nous prenons un exemple relatif à l’usage des TICE dans une perspective de travail à distance. Nous avons observé que les temporalités et les rythmes étaient un point importants pour les enseignants. Par conséquent, comment peut s’articuler le modèle actuel d’enseignement avec des temps et rythmes, associés au travail à distance, qui vont évoluer : par exemple, l’enseignant en relation directe avec l’élève en dehors de la classe, la préparation d’une séance d’enseignement à distance avec les élèves … Dans cette optique les temps et les rythmes changent mais également les espaces personnels et communs.