Résumé

Ce travail de thèse, de type ethnologique, a pour objectif d’expliciter la pratique professionnelle d’enseignants « experts » relative à l’appropraition d’une séquence d’enseignement au niveau du lycée. Cette séquence est issue de la collaboration entre des chercheurs en didactique et des enseignants de physique et chimie du secondaire. Elle met en avant l’activité de modélisation en physique et l’enseignement centré sur l’élève. Elle porte sur la partie du programme officiel de la classe de seconde (grade 10) intitulée : « l’univers et son mouvement ».

Pour étudier la pratique professionnelle, nous avons élaboré un cadre théorique à l’aide des concepts d’activité, d’actions et d’opérations issus de la théorie de l’activité de Leontiev et des concepts de contrat et de milieu issus de la didactique des mathématiques. Ces choix permettent d’étudier l’activité des acteurs en situation en analysant finement leurs opérations et actions au regard du processus d’enseignement – apprentissage. Du point de vue de l’enseignant, notre analyse se fait aussi bien quand il est en classe qu’en dehors de la classe en particulier quand il prépare l’enseignement. Ces activités relatives au travail de préparation et d’enseignement nous permettent d’analyser des composants de la pratique professionnelle que nous nommons par la pratique hors classe et en classe de l’enseignant.

Nous effectuons une étude de cas sur un enseignant avec un corpus de données constitué de vidéos des réunions de préparation en groupe d’enseignants (2 ou 3 enseignants sur 6 réunions d’environ 45minutes chacune) et des séances d’enseignements pour l’enseignant observé associées à ses documents de préparation personnels finalisés (24h d’enseignement sur 6 semaines). La méthodologie d’analyse des vidéos articule deux échelles de temporalité qui sont de l’ordre de quelques secondes pour les opérations et d’une dizaine de minutes pour les actions.

Les réunions sont transcrites et analysées en fonction des thèmes abordés que nous considérons comme étant les actions du groupe d’enseignants et en fonction des actions de chaque enseignant que nous avons appelées : les préoccupations. Les opérations des enseignants sont leurs prises de parole lors des réunions. Les documents personnels sont analysés en fonction des ressources utilisées pour les construire et des modifications qui ont été faites par rapport à la séquence d’enseignement proposée initialement. Les vidéos des séances d’enseignement sont analysées en termes d’actions (présentation, résolution et correction) et d’opérations (productions orales et gestuelles) de chaque acteur (enseignant et élève(s)) à l’aide du logiciel : kronos 2.4.

Les analyses nous permettent d’expliciter les parts d’implicites et d’explicites entre la préparation et l’enseignement quand il s’agit de s’approprier une séquence d’enseignement proposée lors de la préparation.

Du point de vue implicite, l’enseignant observé reprend à son compte la structure temporelle et l’organisation de la classe proposée par la séquence sans le mentionner lors des réunions et dans ses documents personnels. Par exemple, il conserve pour chaque activité qu’il fait faire à ses élèves un temps de travail en binôme que celle-ci soit issue de la séquence proposée ou de sa propre initiative.

Du point de vue explicite, les enseignants échangent sur le contenu d’enseignement enseigné et/ou à enseigner sans préciser leur point de vue sur le processus d’enseignement – apprentissage mis et/ou à mettre en oeuvre en rapport au savoir visé. Par exemple, ils prévoient lors des réunions de faire faire à leurs élèves un nombre d’activités pour une durée déterminée sans préciser comment ils vont évaluer la construction de sens du savoir en jeu pour chaque activité. Dans le cas où les activités choisies sont issues de la séquence proposée, les conditions de mises en place, de gestion et de contrôle en classe de l’activité de modélisation ne sont pas abordés.

La séquence initialement proposée offrant un point de vue spécifique sur des processus d’enseignement - apprentissage, il est alors montré une évolution de la pratique de l’enseignant observé. L’enseignant laisse de plus en plus de place au fil des séances au point de vue des élèves dans les résolutions et corrections des activités proposées. Par exemple, au cours des premières séances, lorsque les élèves travaillent par deux, l’enseignant intervient régulièrement à haute voix pour donner des précisions relatives aux réponses à donner tandis que dans les dernières séances, il laisse les élèves trouver par eux-mêmes.

En conclusion, les résultats de ce travail posent la question de la formation continue des enseignants à des processus d’enseignement – apprentissage qui doit prendre en compte la pratique de chaque acteur : enseignant et élève. De tels processus articulent aussi bien des procédés visant à mettre en place et gérer conjointement l’enseignement et l’apprentissage que des processus de pensées spécifiques à chacun qui doivent être explicités et confrontés entre eux, permettant ainsi d’en acquérir le sens pour chaque acteur. Un tel travail permettra à l’enseignant de connaître au mieux l’élève et ainsi d’intervenir à différentes étapes de sa construction de sens du savoir en jeu à des fins d’apprentissage. Dans cette perspective, des modifications de la séquence d’enseignement proposée initialement sont suggérées.