4.1 - L’alchimie de l’encre : l’« engagement de substance », la « géothermie du cœur » et la fabrication de l’« encre persuasive »

‘« Méfie-toi du sec. Il y a toute une nappe d’eau obscure sous mon œuvre et c’est cette eau noire qui compte et que le soleil noir de la poésie éclaire et chauffe. » ’

« Ce sec qui n’est pas sécheresse est le secret de l’écriture. »

in Lettres à Jean-Jacques Kihm

A force de s’écorcher, Cocteau a fait de son œuvre, sa « cuirasse ». Ainsi se couvre-t-il avec cette « seconde peau », cette « carapace » enduite de traces d’encre et des rainures de sa plume. Dès l’instant où nous la soulevons, il y a cette « eau obscure » qui sourd. C’est l’encre de l’écrivain : beaucoup de « sang » et de « larmes ». Et « un peu d’eau noire du fleuve des morts ». 1 C’est le « dosage immédiat » de l’« eau obscure » des mots. Alors, analysons ses « mélanges » particuliers qui font de cette « encre », si « persuasive ». Etape par étape : ses « couleurs » symboliques, ses « activités » représentatives et surtout sa « sexualité ».

Qui plus est, chaque palier de préparation s’apparente aux procédés de l’alchimie. 2 La nigredo signifiant l’état naturel de la matière première qui doit « subir diverses étapes de manipulation » : appelée aussi sous le nom de l’« œuvre au noir », elle représente la phase initiale par laquelle commence le « travail de l’adepte ». Et cela correspond à l’image du « sang d’encre » chez Cocteau. Sa noirceur

Ensuite, la rubedo représentant le stade de la « purification » et de la « sublimation » au cours duquel les impuretés se délestent : l’« œuvre au rouge » qui annonce la transformation ultime de la matière travaillée. Ce qui correspond au dynamisme de l’« encre rouge » de Cocteau.

Enfin, l’albedo symbolisant la « transmutation » de la matière sublimée en « autre chose » : l’« œuvre au blanc » qui signale la création d’une matière nouvelle. En d’autres termes, il n’y a plus lien de parenté entre la matière originelle et cette dernière. Ce qui correspond à l’« encre sympathique » de Cocteau, douée d’une sexualité masculine.

Nous verrons comment Cocteau utilise les symboles de couleurs, de son sang et de son encre, afin de souligner les artères principales de son œuvre : les jeux de mots et les associations d’images résultent en effet, d’une amplification sémantique et sémiotique importante à observer.

Pour commencer, prenons l’observation à la source la plus obscure. La noirceur du « sang d’encre ». C’est un amalgame de trois substances que nous devons délayer une à une : le « sang bleu », le « sang noir » et un « liquide » fluide, sombre, froid et amer.

Tout d’abord, l’« encre bleue » et le « sang bleu ». Cocteau se sert de son « encre bleue » pour donner un « contour » à l’invisible, à l’inconnu qui l’habite. Pour lui, c’est une encre « révélatrice » pour faire briller l’« œil bleu » 1 du « surnaturel », la « flamme divinement bleue » de l’esprit poétique. L’encre « idéale » qui donne à l’écrivain « l’illusion d’un style céleste » 2  :

‘« Accidents du mystère et fautes de calculs
Célestes, j’ai profité d’eux, je l’avoue. 
Toute ma poésie est là : Je décalque
L’invisible (invisible à vous)
(…)
J’ai donné le contour à des charmes informes
(…)
J’ai fait voir, en versant mon encre bleue en eux,
Des fantômes soudain devenus arbres bleus. »3

Le pigment qui donne cette couleur à l’encre de Cocteau, est bien évidemment son « sang bleu » des veines. Ce qui n’est d’ailleurs pas très surprenant. Nous voyons tout de suite à quoi l’auteur fait allusion : lorsque nous regardons bien, toutes nos veines sont bleues sous la peau. De même, le terme de « veines » est couramment utilisé comme synonyme de l’« inspiration poétique ». Associé à un groupe d’expressions, le bleu devient chez Cocteau, le « reflet » de son « essence » immuable et noble. Par exemple : « l’arbre bleu » 1 (généalogique), le « sang bleu d’un cygne » 2 (signe de la noblesse), ou le « bleu employé par les tatoueurs célestes » 3 (des écrivains de Dieu), etc. C’est ainsi que le bleu représente la couleur de son « destin », de sa racine « aristocratique » 4 de poète :

‘« Le poète, pour qui réussir, c’est manquer
(…)
Depuis quinze ans (oui juste) il n’avait plus écrit.
Il attendait un ordre et qu’un destin l’y force.
Et voilà que, pareil à l’arbre, sans un cri,
Sans un geste, un sang bleu coule de son écorce.
Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
(…)
Je me demande pourquoi je chante
Tel qu’un cygne malade et qui meurt à ravir.
Peut-être est-il en moi l’espérance touchante
Que le sort se détournerait pour me servir. »5

Cependant, cette « encre céleste » a aussi une faiblesse. Lorsqu’elle n’est pas mélangée à une autre couleur forte, telle que le noir, elle suscite la monotonie. Et en particulier, lorsqu’elle sèche sur une feuille, sa nuance perd l’intensité : la décoloration et la pâleur sont inévitables. Comme de l’« encre Waterman » 6 , trop fluide et effaçable. Cocteau dévoile ainsi sa sensibilité aux couleurs dans sa correspondance avec Jacques Maritain. Ce dernier attendait la publication de son ouvrage et Cocteau lui conseillait de veiller sur les couleurs de l’encre d’impression : en affirmant que le « bleu seul est toujours très laid » et que « noir et bleu serait mieux ». 7

Ce n’est pas une simple consigne de la part de Cocteau. Car, chez lui, c’est toujours l’encre qui indique en premier, son état de santé physique et morale. L’encre bleue représentant la couleur de son sang absolu, de son identité de poète, sa pâleur signifierait indéniablement le déclin de son avenir : si son « sang bleu » stagne, c’est son destin de poète qui s’estompe. Et ce phénomène menaçant, Cocteau le compare à l’« épuisement » de la « race royale » des poètes :

‘« Hollywood est la source de ce phénomène. Phénomène qui s’explique par le sang pâle d’une aristocratie de cinéastes(…)dont le royaume ne communique plus avec le dehors et dont la race s’épuise. Cette aristocratie dont le sang devient fort pâle expulse les têtes trop mystérieusement couronnées(…)les victimes admirables de cette ruche impériale. »1

C’est dire que le « sang bleu », le « sang noble » doit être renouvelé. Comme l’« encre bleue » doit être mélangée avec d’autres couleurs. C’est pourquoi Cocteau insiste sur le rôle crucial de l’« encre noire » et le « sang noir » : la couleur de la « force » obscure, de la « colère » et de la « révolte », le noir représente le pigment idéal qui peut pallier la faiblesse du bleu. En se remémorant sa première rencontre inoubliable avec l’Impératrice Eugénie, Cocteau décrit la force électrique que peut dégager le mélange de ces deux couleurs :

‘« Les yeux conservent un bleu céleste(…). Une eau bleue vous inspecte. Ce bleu et le crayon noir qui le souligne(…) les signes indélébiles de la beauté en colère. (…) l’eau bleue me toise. »2

Cette impression magnétique qu’il a ressentie, annonce pour Cocteau la teinte idéale de son avenir : le (sang) noir accentue le (sang) bleu. Alors ce dernier gagnerait la profondeur insondable du firmament et de l’océan. Par ailleurs dans Le Potomak, Cocteau souligne ce que signifie ce mélange parfait : le « bleu sombre » obtenu par le métissage de sa « destinée » (le néant mystérieux) et de sa « volonté humaine » (force interne). Le « bleu idéal » qui imite la nuance de l’« infinie possibilité » dans sa vie et de son oeuvre :

‘« (…)mon chandail est d’un bleu plus sombre que le bleu du ciel. -Non, Persicaire, pas plus sombre que le ciel votre chandail, et rien d’autre plus sombre. Le ciel est toujours le plus sombre. Mon enfant, vois l’azur du ciel,
Le bel azur essentiel,
Comme il est sombre !
Que ce bleu, tout ce bleu lumineux
Ne te fasse pas trop sourire,
Car ce sont des bleuets sur un voile funèbre ;
Sur le néant compact, secret,
Où rien ne peut finir,
Où il y a des planètes célèbres
Et d’autres qu’on ne connaît pas
Malgré les lentilles et les compas. »3

L’« encre noire » renvoie donc à l’image du « sang noir » de Cocteau : son « autre » origine. Celle d’un « anarchiste ». L’« anarchie » qui consiste selon Cocteau, à « perdre la prudence et à dire tout ce qui (vous) passe par le cœur ». 4 Pour lui, ce terme désigne en effet son aspiration fondamentale à être un homme totalement libre. Celui qui refuse et ose, libre de refuser d’obéir à des règles établies. Mais aussi, libre d’oser mettre des « bâtons dans les roues » de la machine sociale, de tout système qui régit nos lignes de conduites. Alors, libre de chercher et d’établir un ordre nouveau, se manifeste l’esprit rebelle, farceur et irrévérencieux qu’il voulait montrer par exemple, dans Les Mariés de la Tour Eiffel :

‘« Je voulais surtout ne pas faire de pléonasmes, c’est-à-dire ne pas faire de poésie poétique. ( …)je voulais que les mots fussent comme écrits en grosses lettres et à l’encre noire. C’était la poésie de théâtre et non la poésie au théâtre. La poésie au théâtre c’est trop loin, c’est invisible. Je voulais faire de la poésie en grosse corde et j’eusse aimé que la Tour Eiffel fût représentée par des cordages. C’était la première farce sur 1900. Avec le recul je la regarde comme une farce nietzschéenne. On y moque tout ce qui semble respectable(…). On croyait que j’attaquais tout, et c’était un jeu. Nous étions très jeunes, nous nous amusions évidemment avec nos moelles(…). »1

L’encre noire, c’est une sorte de « sérum de vérité » pour Cocteau. Celle que certains écrivains utilisent pour dire la vérité que personne n’ose dire et provoquer le remue-ménage dans la société. Comme Pouchkine, le poète russe, le sorcier révolutionnaire qui en fabriquait avec son « sang noir » :

‘« C’est le phénomène de Pouchkine(…)qu’il s’y mêle quelque sorcellerie. Je la mets sur le compte d’une goutte de sang noir qu’il avait dans les veines(…). Certes, chez les poètes, le rôle des mots est plus vif que dans la prose (…). La prose est moins soumises que la poésie aux recettes d’envoûtement (…).A moins que ne se produise la rencontre providentielle entre un Charles Baudelaire et un Edgar Poe. (…) entre deux hommes également initiés à l’emploi des herbes, épices, drogues, doses, cuissons, mélanges et de l’effet qu’ils provoquent dans l’organisme. »2

Pour Cocteau, l’encre noire représente, en effet, l’expression sans compromis de tout individu qui ont ce « sang noir » dans les veines. C’est d’une « essence » de la vérité nue qu’il s’agit, sans poids superflu de déguisement, ni détournement alambiqué. Le « sang léger » d’un « mauvais sujet », d’un « empêcheur de danser en rond », d’un « anarchiste », c’est-à-dire de tout « poète ». Puisque « le rôle du poète c’est de dire ce que personne n’ose dire. C’est de déranger tout le monde. C’est de dire la vérité. » 3 Et selon Cocteau « un homme qui n’a pas une goutte de ce sang léger ne sera jamais un poète ». 4

C’est pourquoi le noir est la couleur de la « désobéissance » à l’autorité et du « libre arbitre » chez notre écrivain. Celle qui permet d’« entrer en lutte contre la fatalité » 1 et d’agir selon ses propres codes moraux. Et d’après lui, ce sont deux premières qualités indispensables pour devenir un « héros » : car, la « condition même de l’héroïsme étant le libre arbitre, la désobéissance, l’absurde, l’exceptionnel ». 2

Bref, le « sang bleu » dans un sens et le « sang noir » de l’autre, c’est l’image même du « sang d’encre ». La source la plus obscure créée par deux courants opposés qui coulent dans les veines de Cocteau. Comme s’il possédait à la fois deux groupes sanguins différents : son « être » assis sur deux tendances antithétiques, « aristocratique » et « anarchiste ». Mais aussi, son « être » scindé en deux « natures » qui, a priori, semblent incompatibles : le sang bleu, noble et céleste représentant le pilier inébranlable de son être ; mais en même temps, le sang noir, libre et terrestre se manifestant comme une sorte d’« énergie chaotique ». Celle qui tourne autour de sa racine primordiale. Donc une partie « mouvante », « changeante », « évolutive », voire « instable » de son être :

‘« Mais le poète est un aristocrate et un anarchiste. La force qui le traverse est sans limite. On ne compte plus ses tours. Car, une fois libre, cette force singulière circule à sa guise et les malices de la foudre sembleraient anodines à côté des siennes. Le poète n’en est plus responsable. Peu lui importent les ravages qu’il suscite. Son rôle consiste à mettre en route des ondes qui le dépassent et lui viennent on ne sait d’où. »3

C’est pourquoi, le « sang d’encre » est le symbole du « problème le plus obscur » chez Cocteau :

‘« Je raconte dans Opium une liberté que j’ai prise pendant les Enfants terribles. Flatté par l’allure de ma plume, je me crus libre d’inventer moi-même. Tout s’arrêta. Il me fallut attendre le bon plaisir. La Machine infernale usait d’un autre système(…). Déjà, lorsque je me croyais prêt à l’écrire, ce fut une autre veine qui m’habita et me dicta la Fin du Potomak(…). Je ne serai jamais mon maître. Je suis fait pour l’obéissance(…). De tous les problèmes qui nous embrouillent, celui du destin et du libre arbitre est le plus obscur(…). Je décide et je ne décide pas. J’obéis et je dirige. C’est un grand mystère. »4

Dès lors, la « mission » qui s’annonce est explicite pour Cocteau : renforcer le « métissage » de ses origines controversées ; mais aussi honorer la primauté de chacune. Pour cela, il faut savoir les arbitrer. Ce qui revient à dire en somme : « canaliser » les sources originelles et les faire « converger » vers une seule direction, un seul objectif. Afin qu’elles se rejoignent et ne forment qu’une source unique, unifiée. Cette union symbolique du sang bleu et du sang noir est d’une extrême importance chez Cocteau. Car, obtenir un « dosage parfait » de l’encre « ineffaçable », faite de sa destinée et de son goût immodéré de la liberté, représente une des tâches les plus difficiles à accomplir : devenir un vrai poète, c’est un long cheminement à faire, qui demande effort et patience. Mais en même temps, devenir un homme réellement libre, signifie aussi un renouveau d’esprit, constant et sincère.

Ce qui, en somme, engendre un perpétuel conflit avec soi-même. Lent et pénible « combat » avec le « sang d’encre » en soi : une incessante lutte entre le « privilège aristocratique » et une « puissance nocturne » que l’écrivain doit équilibrer. Etre un poète, c’est représenter la « race énigmatique des chimères ». 1 Un « phénomène » que le monde extérieur connaît « fort mal ». C’est pour cette raison que Cocteau refuse d’être jugé par le « tribunal des hommes » : seul le « tribunal divin » a le droit de juger ses actes.

Cocteau revendique clairement sa conviction, dans certain nombre de ses œuvres, en particulier, dans Le Testament d’Orphée. Le film dans lequel il montre en direct un « procès » représentatif. Et voici la plaidoirie du poète :

‘« La princesse :C’est moi qui interroge. Nous sommes la commission d’enquête d’un tribunal devant lequel vous aurez à répondre de certains de vos actes. Ce tribunal désirerait savoir si vous plaidez coupable ou non coupable. (A Heurtebise.)Voulez-vous donner lecture des deux chefs d’accusation. Heurtebise : Primo : vous êtes accusé d’innocence(…), c’est-à-dire d’atteinte à la justice en étant capable et coupable de tous les crimes, au lieu de l’être d’un seul ; apte à tomber sous le coup d’une peine précise de notre juridiction. Secundo : vous êtes accusé de vouloir sans cesse pénétrer en fraude dans un monde qui n’est pas le vôtre. Plaidez-vous coupable ou non coupable ?
Le poète : Je plaide coupable dans le premier et le second cas. J’avoue être cerné par la menace des fautes que je n’ai pas commises et j’avoue avoir souvent voulu sauter le quatrième mur mystérieux sur lequel les hommes écrivent leurs amours et leurs rêves.
La Princesse : Pourquoi ?
Le poète : Sans doute par fatigue du monde que j’habite et par horreur des habitudes. Aussi par cette désobéissance que l’audace oppose aux règles et par cet esprit de création qui est la plus haute forme de l’esprit de contradiction…propre aux humains.
La Princesse : Si je ne me trompe, vous faites de la désobéissance un sacerdoce ?
Le Poète : Sans elle, que feraient les enfants, les héros, les artistes ? »2

Il reste maintenant une autre « source » à rechercher. Sans doute moins obscure mais tout aussi problématique : c’est « l’eau noire du fleuve des morts ». Plus fluide que le sang d’encre, elle représente une « menace » chez Cocteau : en circulant partout dans son corps, elle dilue, dissout et rend plus faible son sang d’encre. L’eau de « mauvaise sécrétion » : de la « bile », de l’« humeur noire », de la « mélancolie ». Ce qui signifie, chez notre écrivain l’idée de la mort et de la maladie.

L’ombre sinistre de la mort se répand dans ses veines. Et le « poison sournois » de la maladie trouble et paralyse la circulation normale de son sang. Cette eau noire du corps, l’écrivain ne sait pas trop « d’où elle vient et où elle le mène ». 1 Face à cette ennemie intime, l’homme n’a pas vraiment le choix. Sauf qu’il faut imiter son brave « cœur » qui bat à chaque seconde :

‘« Comme un poison sournois trouble à jamais les veines,
L’essence de la mort s’est mêlée à mon sang.
Je ne veux plus d’angoisse et de révoltes vaines ;
Je suis comme un vaincu dont le regard consent.
Ah !funeste repos ! Néfaste certitude,
La seule dont le but n’apporte aucune paix.
Je retourne à l’amour, à l’effort, à l’étude…
Je ne veux plus penser à votre masque épais.
Aimons ! Répandons-nous ! Les belles agonies
Sont la palme d’un cœur qui s’est toujours offert
(…)
Consentons de nous rendre à cette honte étrange
Puisque nul ne s’échappe et que nul ne la fuit
(…)
On n’est jamais vainqueur sur le seuil de sa nuit. »2

Cocteau a voulu savoir pourquoi son « sang est devenu de l’encre ». Et il a eu sa réponse : que sa vie est à recréer avec son « sang d’encre ». C’est dans cet état de réflexion qu’il tire un premier enseignement précieux de l’histoire de l’huître et de la perle :

‘« Je suis l’élément où dort la perle. Je m’enfonce. Ma tête bourdonne. Je ne bouge pas. …attention ! méduses, éventails, éponges, phosphorescences, l’ombre d’une île, nuit biologique. Mon œil regarde un livre jaune, une bouteille d’encre, mon porte-plume. Je cherche(…). Stupeur d’être moi, d’avoir à mourir. »3

La fabrication mystérieuse de l’huître, sa perle, démontre en effet le principe même de la transmutation alchimique : le secret d’une « laideur » (mollusque marin) devenue « beauté », « autre chose ». Une pierre précieuse. Par quel miracle ? Il n’y a pas de miracle. Seulement le travail opiniâtre d’un coquillage dans le silence solitaire de l’océan. Cette éclatante démonstration est presque une leçon d’humilité pour Cocteau : quel « engagement de substance » ! C’est une image déterminante qui annonce la couleur de son évolution morale. Et notamment celle de l’avenir de son œuvre. Désormais, pour Cocteau, écrire ou créer veut dire imiter le « génie » de l’huître :

‘« Pour un poème, pour une pièce, pour un film, il faut imiter l’huître et sécréter une excroissance. La perle se forme toute seule autour. »1

Et là, le contour de son idée de l’« engagement de substance » se précise plus clairement. Toute création doit être avant tout un « engagement moral » : la « sécrétion » signifie son « sang d’encre » à perfectionner ; et l’« excroissance », une « tumeur sublimée ». Une sorte de « pierre philosophale ». Ce que l’auteur nomme le « sang blanc » de son âme, sa « conscience morale » pure. Voilà à quoi renvoie la « blancheur nacrée » de la perle.

Dès lors, la « voie » de l’humilité que Cocteau va emprunter est celle de son « cœur ». Et cette nouvelle recherche, l’auteur la baptise la « géothermie du cœur ». Car, c’est en prenant la température de son cœur et en explorant ses régions mystiques, ses « missions profondes » 2 que notre écrivain saisit le secret de toute véritable création et obtient son « encre persuasive ».

Ainsi Cocteau visite-t-il le « centre » de lui-même, la dimension la plus profonde et humaine de son être. Que voit-il ? Un « organe vital » pour le corps, mais aussi un « organe symbolique » pour les sentiments humains. En d’autres termes, c’est un « espace complexe » dans lequel le corps biologique et le psychisme de l’homme doivent vivre en symbiose. C’est pourquoi Cocteau soutient que le « cœur » représente « tout » et que « ce qui n’est pas du cœur n’est rien ». 3

Cocteau étaye ainsi sa vision globalisante de son « cœur ». Tout d’abord, par une superposition de la structure anatomique du cœur et celle du psychisme humain. Notre cœur est en effet constitué de trois parties : l’endocarde, le myocarde et le péricarde. 4 En fait, Cocteau n’évoque pas ces termes. Or, nous avons trouvé une étrange coïncidence entre la particularité de chaque partie du cœur et celle des activités psychiques soulignées par l’écrivain. Donc, cette constitution du cœur correspond, dans l’ordre indiqué, à l’agencement du domaine psychique chez Cocteau, l’inconscient, le conscient et la conscience morale.

Notre point de vue se tient lorsque nous associons chaque activité psychique à une substance problématique proposée par Cocteau : la sécrétion des « larmes profondes » peut être associée aux activités de l’« endocarde » et de l’« inconscient » ; et la circulation du « sang rouge » à celles du « myocarde » et du « conscient » ; enfin, la formation du « sang blanc » à celles du « péricarde » et de la « conscience morale ».

Et autre point significatif, on peut faire correspondre ces transformations aux deux dernières étapes des procédés de l’alchimie, la rubedo et l’albedo. L’image de la rubedo se manifeste d’une part dans la « purification » du « sang d’encre ». Ramené dans le cœur, il est purifié par le sel (larmes profondes). Et d’autre part, le sang d’encre purifié, subit l’étape suivante qui est la « sublimation ». Par le « feu » du « bûcher interne » (sang rouge et cœur). Quant à l’image de l’albedo, c’est bien le « sang blanc » de l’âme qui la symbolise.

Ce qui nous permettra enfin de comprendre les deux caractéristiques importantes de l’« encre persuasive » de Cocteau : ses activités symboliques soulignées par le rôle de l’« encre rouge » ; et sa « sexualité » dynamique représentée par l’« encre blanche », « sympathique ».

En premier lieu, analysons la corrélation de l’« endocarde », de l’« inconscient » et des « larmes profondes ». Dans le gisement le plus profond du cœur, se sécrète un liquide à la fois bienfaisant, libérateur mais aussi dangereux. Celui qui « échappe à l’analyse », au « conscient » : des « larmes profondes » qui « paraissent couler sans motif ». Les « vraies larmes (qui) sont rares ». 1 Si elles débordent, cela signifie qu’il y a sans doute beaucoup à évacuer. L’accumulation des déchets sentimentaux, de chagrin et de peine que le conscient ignore ou du moins veut ignorer :

‘« On versait beaucoup de larmes. On se faisait saigner. Tout cela soulage. Maintenant on se bourre de pilules et de vitamines. On donne son sang aux uns et on le prend aux autres-mais on ne verse plus de larmes. »2

Libératrices et salvatrices, elles représentent l’image même de la catharsis. C’est l’aspect positif des larmes chaudes et salées qui jaillissent de l’endroit le plus sombre de l’être humain, l’inconscient. Ainsi les larmes profondes délivrent-elles des idées emprisonnées dans l’esprit humain. Des vagues imprécises, informes et insaisissables qui circulent dans l’océan interne de l’homme :

‘« J’ai trop aimé, j’ai trop souffert
Trop perdu ce qui m’était cher
(…)
Et j’habite au fond d’une mer
Une mer faite de mes larmes. »1 ’ ‘« Mes oreilles sourdes
Au monde léger
Sortent des eaux lourdes
Où j’aimais nager.
Cette mer empêche
De tendre un filet
D’emporter sa pêche
Et d’être où l’on est.
Lorsque je déplonge
Je sais où je suis
Songes songes songes
Poissons de ma nuit. »2

C’est ce qui permet à Cocteau de développer le thème du « sel » dans son œuvre. Du côté de son rôle positif, le « sel » et l’« iode » se manifestent comme des agents purificateurs. Ils nettoient la « crasse nocturne » 3 et la « boue en soi » qui débordent en l’homme : les matières salissantes et gluantes qui représentent notre « résidu obscur », nos « défauts ». Selon Cocteau, nous sommes donc, faits avec « de la boue » : des « sentiments abominables », de l’« orgueil ». 4 C’est un « vilain sentiment qui nous traverse d’une vague de mélancolie » qui « entre en lutte avec la noblesse de l’âme ». 5 Mais il y a également cette « boue sur soi », celle du monde extérieur qui se dépose sur nous. La « boue » de l’abjection, de la calomnie et du fiel : le sentiment de l’« incompréhension » ou de l’« injustice » qui nous enveloppe et nous étouffe ; mais aussi le sentiment de « rage » contre soi-même, contre son impuissance. Alors, pour préserver la propreté de l’âme, Cocteau conseille souvent le « bain de soleil » et le « régime de l’iode et du sel » :

‘« J’ai quitté Paris. On y cultive la méthode de tortures du Mexique. La victime est enduite de miel. Après quoi les fourmis la mangent(…). Mais hélas ! Paris colle à l’âme ; et je traîne encore un fil noir. Il faudra de la patience, attendre que la colle sèche, se croûte, se détache d’elle-même. L’iode et le sel s’en chargent. Se décollera ensuite la crasse calomnieuse dont je suis recouvert. Le régime commence. Peu à peu c’est le bain d’Oreste. La peau de l’âme redevient propre. »6

En effet, la présence du sel est un détail important à ne pas négliger. Car, selon Cocteau, le « goût » inimitable d’une œuvre viendrait du « sel interne » de son auteur : lorsque les larmes d’un écrivain s’évaporent et sèchent, il y a ce sel invisible qui se cristallise à la surface de son écriture. Ce qui donne un « goût très singulier », amer et salé dans une œuvre. Ainsi le sel protégerait une œuvre contre l’« esprit malin ». L’idée se rapproche de la superstition populaire. Mais c’est ce que Cocteau essaie de dire à propos de Jean-Jacques Rousseau :

‘« La foudre est maligne, mais elle craint la soie. La soie de l’esprit c’est le brio. Voltaire en est vêtu(…). Une seule chose écarte le Diable comme la soie la foudre. J’éviterai de la définir, car en la définissant on risque de dénoncer, de perdre ce qu’on aime. Mais je peux dire qu’elle est le contraire du brio, un luxe pauvre, privilège des poètes. Cette « chose » qui boite, non seulement imprègne le style de Jean-Jacques, mais encore les traces d’un goût très singulier qu’il avait dans l’ameublement. Mieux que l’eau bénite, elle écartera l’esprit malin. »1

Par ailleurs, le « sel » est désigné en alchimie comme « troisième élément philosophique » qui doit « constituer la palpabilité » des « deux essences primordiales », le « soufre » (sulphur) et le « mercure » (mercurius) : car « tant que la fabrication de l’or, au sens littéral du terme, fut considérée comme le but à atteindre, il fallait purifier ces deux essences de base et augmenter leur teneur en mercure volatil. ». Donc le sel et sa « qualité d’agripper » ont une valeur symbolique importante . En fait, ce « minéral indispensable au goût, qui sert aussi à la conservation de la nourriture périssable » a été considéré comme une « substance divine » au temps de Homère et a été « employé dans les sacrifices expiatoires ou durant les Mystères en signe de purification symbolique ». 2

Cependant, il faut également signaler l’aspect négatif des larmes et du sel. Lorsque trop de larmes dévastent le domaine du conscient, il y a un danger : obscures et « corrosives », elles ramollissent, dilatent et rendent le cœur mou. Comme celui de Jacques Forestier dans Le Grand écart. Voilà l’« hypertrophie du cœur » 3 que Cocteau redoute tant. Alors, l’homme se transforme en « statue de larmes », c’est-à-dire en « statue de sel » 1  : à l’intérieur de lui, il n’y a qu’une « fontaine pétrifiante » qui désensibilise et fossilise tout. C’est ainsi que la vie humaine perd son goût et devient insipide, insignifiante. Trop de souffrances et de peines tuent le cœur humain :

‘« C’est ce qui m’apparaît lorsque je me retourne
Transformé par avance en colonne de sel.
Car les larmes en moi glacent un sel interne
Qui ne veut pas se fondre au sel universel. 
Ce sel me brûle. Il sèche, il cristallise, il ronge,
Il remplace le bloc de ce fil à sa fin.
Bientôt mon cœur à vif ne sera qu’une éponge
Ayant toujours plus soif de larmes et plus faim.
Plus faim de ma substance et plus soif de mes larmes,
Plus vide et plus gonflé de ce que j’aimais.
Les yeux de ma jeunesse ont cru, monde, à tes charmes
Qui se vengent au nom de ce que tu promets. »2

C’est pourquoi Cocteau revient constamment sur cette qualité primordiale d’un cœur brave et juste : sa « fermeté ». A l’image du « myocarde » et du « conscient ». Parmi toutes les qualités inestimables du cœur, celle qui fascine le plus Cocteau, c’est son « mouvement » simple et mécanique : le myocarde, ses diastoles et systoles. En effet, lorsque notre poète emploie le mot « cœur », c’est bien cette partie qui est désignée. Ce muscle qui abreuve le sang rouge, mais qui ne garde rien. C’est ce qui est admirable : sa mission consiste à expédier le sang dans tout le « réseau fluvial d’anatomie » 3  et à veiller ainsi sur le corps, la vie et l’homme.

Pour Cocteau, le cœur est un organe toujours « lucide » : foncièrement « anti-intellectuel », il ne « pense pas » 4 , mais « se dépense », « agit ». C’est l’action désintéressée de ce travailleur infatigable qui enseigne à Cocteau, l’élan véritable de toute création. Tout mouvement créateur doit imiter celui d’un « cœur ouvert ». Et un cœur ouvert est un cœur qui « saigne ». Pour le comprendre, il suffit d’imaginer le contraire : « Le sang cesse de circuler. Un caillot se forme et le cœur ne bat plus ». 5 L’image du « cœur saignant » prend alors une place centrale dans la vie de notre écrivain. Comme le symbole par excellence de sa sincérité envers son engagement.

Ecrire signifie pour lui, saigner du sang et de l’encre : saigner du sang rouge pour perfectionner son sang d’encre ; et saigner de l’encre véritable pour qu’elle devienne le sang de son œuvre. Un vrai poète, c’est celui qui doit « saigner, accepter, remercier le ciel des supplices ». 1 Son amour pour la Muse de la poésie ne peut être sublimé qu’à ce prix-là :

‘« Nous avons plus de sang que nous ne le pensons.
L’amour ne cause pas notre mort si rapidement !
L’amour peut nous offrir de nombreuses souffrances,
Notre sang, toutefois, reste encore longtemps rouge.
Même quand notre sang s’est tout à fait tari,
Quand on nous met dans la tombe ;
Quelque longtemps que nous soyons sous terre,
Il reste pour souffrir encore un peu de sang. »2

Chez Cocteau, le « cœur » est aussi un « espace » mystérieux à la fois « ouvert » et « fermé ». Lorsqu’il se décontracte, se décompresse et se desserre, cet organe peut se transformer en un espace ouvert à toute communication sincère entre les hommes. Mais il sait aussi se contracter, se compresser et se resserrer. Car un cœur trop dilaté, sans fermeté, ni contrôle, ne donne pas l’image d’un cœur sincère. Diastole et systole, la fonction la plus primitive du cœur imite celle du « conscient ».

Selon notre poète, la véritable « intelligence » d’un homme doit refléter celle du cœur, non celle de la tête : l’homme conscient doit penser avec son cœur. Et c’est le cœur qui représente le « juge interne » chez Cocteau. C’est pourquoi un « cœur qui pense » est « chose plus rare ». 3 Parce qu’il pense rarement, mais il ne se trompe pas.

A l’image du « myocarde », Cocteau souligne la qualité primordiale du « conscient » : un « arbitre interne ». Dans son œuvre, ce dernier apparaît ainsi : une « pelote » du « fil rouge que nous ne pouvons ni détendre ni raccourcir » 4  ; le « ressort » d’un mécanisme à manœuvrer avec précision :

‘« Nous contenons tous un ressort. Il ne faut pas le casser. Il faut pourtant le remonter à fond. Ensuite, nous vivons du mécanisme animé par ce ressort qui se déroule. Le dernier tour de clef est décisif. Il est indispensable d’en avoir l’instinct. Comprenez-moi. Je parle d’un système d’idées qui nous dirige et relie entre eux nos actes les plus incohérents. Remonter le ressort à fond, c’est rabâcher. Il est indispensable de rabâcher. Tourner un peu trop loin, c’est radoter. Un peu plus loin, on casse tout. »5

Dans ces images associatives, le rôle du conscient se précise clairement : c’est le « fil d’Ariane », le « fil conducteur » qui dirige l’ensemble de toute activité psychique ; mais aussi c’est une « force régulatrice », destinée à maintenir en équilibre les deux autres parties du champ psychique, l’inconscient et la conscience morale. C’est pourquoi, la « pelote du cœur », il ne faut pas trop la « dévider », 1 ni trop la nouer. Car tout relâchement engendre l’attendrissement inutile ( hypertrophie du cœur ). Ou toute complication provoque l’interruption de la circulation normale du sang, donc un arrêt cardiaque:

‘« Et voici cette bizarre sensation d’impasse qui commence à me prendre aux quatre coins cardinaux de l’organisme et à se nouer au milieu(…). De la minute où ce malaise apparaît, il nous domine. Il nous empêche de lire, d’écrire, de dormir, de nous promener, de vivre(…). Tout se qui s’ouvrait se ferme. Tout ce qui nous aidait nous abandonne. Tout ce qui nous souriait nous jette un regard de glace. Nous n’oserions rien entreprendre(…). Chaque fois que je me répète que j’ai gagné la zone de calme, que j’ai payé assez cher le droit de descendre une pente douce, de ne plus glisser à pic dans la nuit. A peine me suis-je bercé de cette illusion que mon corps me rappelle à l’ordre. Il allume une des lampes rouges qui signifient Prenez garde. »2

Afin de mettre en valeur la qualité primordiale du conscient, Cocteau emploie une analogie visuelle intéressante : la couleur « chair » du « myocarde » est en effet comparable à celle de l’ « or ». C’est l’image même d’un « cœur en or ». Or la présence de ce métal précieux est capitale, pour déterminer la qualité du conscient approuvée par Cocteau. D’une part, l’or est « inoxydable ». Et c’est la première caractéristique que le conscient doit manifester selon notre auteur : la fermeté « incorruptible », imperturbable. Mais d’autre part, l’or est aussi un excellent « conducteur » de la chaleur et de l’électricité. Ce qui revient à dire pour le conscient : ne pas exclure la sensibilité humaine.

C’est ce qui permet à Cocteau de mettre en œuvre, le « génie du cœur » : « le génie sous sa forme la plus rare ». 3 Un « cœur brave » est le symbole même du « sacrifice noble ». Mais aussi la présence incontournable du « sang rouge » qui réchauffe le cœur. Cocteau souligne ainsi la fonction « symbolique » du cœur, avec son « encre rouge ».

Pour ce qui concerne l’« encre rouge », il faut d’abord analyser ce qu’elle représente dans l’œuvre de notre écrivain. Au niveau de l’impression, le rouge sert à apporter une nuance « chaleureuse » à l’« encre noire ». 4 La couleur de la « chaleur humaine », de la « vitalité » du feu et du sang. Mais aussi, la couleur de la « vérité » et du « crime » : si la « vérité sort de la bouche des enfants », les enfants de Cocteau, certains de ses personnages, saignent de l’« encre rouge ». Ou du moins ils doivent donner cette impression.

Par exemple, le « fantôme de Laïus » dans La Machine infernale. Ce personnage invisible signale sa présence aux sentinelles, avec une « grosse tache rouge », « rouge vif sur la tempe » (p.1131) : cette tache de sang est son seul moyen pour révéler ce qui lui est arrivé. La seule « preuve visible » de son errance infernale. Une atroce punition d’être « invisible » : « une chose de la mort, une chose qu’il ne peut pas expliquer aux vivants » (p.1132). La souffrance de Laïus n’est autre que celle de Cocteau : son sentiment d’inexistence et d’incompréhension qu’il évoque constamment.

Un autre exemple. Pour la mise en scène de sa pièce, La voix humaine, Cocteau donne expressément cette consigne : « Il (l’auteur) voudrait que l’actrice donnât l’impression de saigner, de perdre son sang, comme une bête qui boite, de terminer l’acte dans une chambre pleine de sang » (p. 16). Une autre scène à rapprocher est celle de madame Coonen dans le rôle de Phèdre. Dans sa Poésie critique, Cocteau rapporte ainsi l’impression qu’il a eue lors de la présentation de cette pièce : « Quelquefois, elle souffre trop et se comprime à pleines mains jusqu’à l’âme, quelquefois elle se calme et ses bras pendent, quelquefois n’en pouvant plus d’avoir du mal, elle se couche tout de son long et il ne reste sur scène qu’une tache rouge, plate comme du sang d’homme tué. » 1

Indubitablement, l’« encre rouge » doit soutenir l’intensité et la violence que suscite l’image du sang rouge, toute cette gamme de sentiments tragiques qui sourdent du cœur en agonie. Réelles ou imaginaires, les « blessures » et les « hémorragies », l’œil de Cocteau capte tout. Et il ressent cette « tension dramatique » et la « décharge électrique » qui traversent les braves « cœurs » : le cœur humain fleuri par un « bouquet de poignards » 2 visibles et invisibles.

Deux auteurs témoignent de l’utilisation symbolique de l’« encre rouge » chez Cocteau. Roger Lannes évoque dans son Journal intime, sa visite chez Cocteau à la date du 12 janvier 1938 : « Je vais voir Cocteau. Je le trouve noir, vidé de substance, frémissant comme une corde trop tendue, qu’une invisible tempête menace de rompre. Il vient de terminer un dessin au fusain, au crayon et au sang-il s’est coupé avec son rasoir en effet pour pouvoir mettre une trace sanglante autour du pansement d’un de ses personnages (…). » 3

Quant au témoignage de Milorad, il faut lire ses descriptions intéressantes à propos de quelques dessins joints aux lettres de Cocteau. Nous avons relevé trois de ses notes qui dévoilent des détails remarquables. Et notamment la deuxième qui souligne plus particulièrement l’année de la grande « hémorragie » (1959) pour Cocteau : «Autour d’un dessin au crayon représentant une tête à la renverse, aux yeux révulsés ; de la bouche coule un long filet de sang. » (lettre de Cocteau à la date du 6 décembre 1955) ; « Dessin signé « Jean Cocteau » et exécuté en gros trait bleu : un profil face au soleil et à la mer. Dans le cercle du soleil : « 1959 » . Ce millésime et la lettre sont écrits à l’encre rouge. » (dessin envoyé avec la lettre datée du 9 mai 1959) ; « Sur un dessin figurant un profil en rouge et noir, sur fond bleu. » (dessin accompagnant la lettre datée du 13 novembre 1962). 1

C’est ainsi que dans la « lettre d’adieu » adressée à son ami Federico Fellini, Cocteau montre à quoi ressemble le « génie du cœur » : une fleur rouge qui s’ouvre. Et c’est le sang du sacrifice qui coule :

‘« Chante. Par la bouche de ta blessure. Par la bouche entrouverte de ta blessure. Par la bouche grande ouverte de ta blessure. Par l’œillet cramoisi de ta blessure. Par la grenade luisante de ta blessure(…). Par la lave du volcan de ta blessure(…). Par l’étoile écarlate sur les ruines de ta blessure. Par l’encre rouge du dernier poème de ta blessure. »2

Tel l’« œillet cramoisi » de Federico, la « fleur d’hibiscus » semble saigner du sang écarlate de notre auteur : la fleur emblématique « faite de (son) sang », qui « épouse les syncopes » de son « destin » de poète (Le Testament d’Orphée, p.100). Ou encore, une « rose rouge sombre » représente aussi des entailles profondes de son cœur:

‘« Cette nuit je voudrais une large blessure
D’où l’encre coulerait comme un sang de héros
Quelque terrible et fraîche et profonde blessures…
Rouge et noire, pareille au rosier de mes os. »3

Chez Cocteau, toutes les formes de blessures sont, en effet, assimilables à cette bouche ensanglantée et aux fleurs rouges. D’où l’image expressive du cœur fêlé jusqu’aux moelles et sa solitude atroce jusqu’à l’ignoble. Ainsi notre écrivain décrit ce qu’est le Sang d’un poète :

‘« Je pourrais vous dire : la solitude du poète est si grande, il vit tellement ce qu’il crée, que la bouche d’une de ses créations lui reste dans la main comme une blessure, et qu’il aime cette bouche, qu’il s’aime, en somme, qu’il s’éveille le matin avec cette bouche contre lui comme une rencontre de hasard, qu’il tâche de s’en débarrasser, et qu’il s’en débarrassera sur une statue morte-et que cette statue se met à vivre-et qu’elle se venge, et qu’elle l’embarque dans des aventures atroces(…). Je pourrais vous dire ensuite, qu’ayant essayé de se faire une gloire terrestre, il tombe dans cet ennui mortel de l’immortalité, auquel on songe devant toutes les sépultures illustres. »1

Contre cette vaine « gloire terrestre » et cet « ennui mortel de l’immortalité », la seule « consolation » pour l’écrivain, serait les actions perpétuelles de son « encre persuasive ». Sa transformation véritable en une « nourriture spirituelle » pour l’humanité, consistante et nourrissante comme un « miel noir ». Mais aussi « limpide » et d’un « rouge sublime » comme du « vin », du « breuvage divin » :

‘« J’ai toujours manié un livre avec respect. Je sais ce qu’il représente de peine. Je sais par quel travail il existe. Je plains beaucoup les lecteurs qui le coupent d’une main distraite, et se contentent de le parcourir. Un livre doit être mangé comme le fit Jean à Patmos, et provoquer ensuite les visions qui composent notre Apocalypse(…). Saluez donc, depuis l’écrivain jusqu’au dernier typographe, les intermédiaires entre vous et la foule ; admirez cet essaim dans la ruche où l’encre active s’apprête à nourrir le monde, comme un miel noir. »2 ’ ‘«Bat le nœud fluvial des veines
Bat en berne la chamade
Le tambour des nocturnes grappes
Quel joli chapeau d’églantines
Penché sur l’oreille gauche
Quelle couronne précieuse
Touchant l’épaule mise en pointe
(…)
Avez-vous compris ce mélange
De sueurs de glaires de morves
Et du coin entrouvert des lèvres
Comme d’un œil crevé coule
La fontaine délicieuse
Où se désaltèrent les anges. »3 ’

En fait, le « miel noir » et le « vin » représentent la naissance du « moi créateur » chez Cocteau : son « moi » en tant que créateur d’œuvres. Mais en même temps et surtout son « moi » généreux qui s’investit corps et âme dans l’histoire de l’humanité. Car, sans une once d’altruisme et de l’idée de partager le « don créateur » avec autrui, le dépassement de soi pour soi, bute inévitablement contre le mur du non-sens.

Lorsque l’écrivain prend sereinement conscience de sa capacité de sacrifice, pour soi et pour autrui, il atteint en effet ce degré de l’esprit sublimé. N’est-il pas vrai que cela représente l’image de la rubedo alchimique ? L’étape finale de la purification pendant laquelle toutes les matières impures (orgueil et ambition) se désagrègent et disparaissent. Et ce qui reste se transforme en une « mixture pure » prête à prendre une forme nouvelle.

Cet état de pureté symbolise le « vin interne » de Cocteau : d’une couleur exquise, du « rubis » de son sang rouge et d’une texture cristalline, délestée de sa « boue en soi » et de la « crasse nocturne » tourbillonnant dans l’esprit tourmenté. Cette « bouteille interne » sans cesse « secouée », « remuée » et « troublée » par le monde extérieur. C’est pourquoi « il importe que le vin repose et laisse descendre la boue » 1 afin d’obtenir une «œuvre éternelle ». Comme celle de Jésus-Christ : « un jet de sang devenu vin » 2 de l’humanité. Quel exemple de l’« engagement de substance » et de l’esprit de création !

Ainsi se dessine le « génie du cœur » chez Cocteau : s’il faut « saigner à blanc » pour écrire, il faut aussi « chauffer à blanc » pour sublimer l’âme, la conscience morale. Le cœur est une « mèche inflammable », telle l’« Ouate Thermogène » qui souffle « vers le ciel le feu de son âme rouge et or ». 3

En dernier lieu, examinons la relation du « péricarde », de la « conscience morale » et du « sang blanc de l’âme ». Dorénavant, toutes les substances organiques et psychiques engagées jusqu’ici dépassent définitivement leur statut de la « matière » à parfaire. L’apparition du « sang blanc » de l’âme signale un état d’esprit large et profond où la vie du poète trouve enfin un équilibre parfait.

A quoi ressemble-t-il ce « sang blanc » ? Cocteau affirme souvent que l’« âme » est un « gaz » qui échappe à l’analyse. Ou encore, il la compare à un « fluide magnétique ». Le « support » dans lequel les « cellules de l’individu baignent » (Journal d’un inconnu, p. 25). Aussi, lorsque que ce gaz fluide se brûle sur le cœur de poète, il se liquéfie. C’est le phénomène de condensation. Ainsi apparaît un liquide invisible que Cocteau nomme le « sang blanc » de son âme . Son « sang invisible » 4 que peu de gens arrivent à voir :

‘« Chaque fois que le sang coule dans les familles, dans la rue, on le cache, on met des linges, il arrive du monde, il se forme un cercle de personnes qui empêche de voir. Il y a aussi le sang du corps de l’âme. Il coule de blessures atroces, il coule du coin des bouches, et les familles, les sergents de ville, les badauds ne pensent pas à le cacher. »5

Le « sang blanc » de l’âme est celui des « donneurs universels », des « héros » qui saignent pour sauver leurs semblables. Or, les receveurs de ce don, le « public », ne manifestent que rarement leur reconnaissance. C’est pourquoi Cocteau lance un appel, par exemple, auprès du public américain : « Votre rôle est d’aider de toutes vos forces immenses les quelques héros qui saignent le sang blanc de l’âme et le sang rouge qu’on fige dans vos veines. » (Lettre aux Américains, p. 57). Ainsi, engagés corps et âme, les poètes saignent. La vie des poètes et des héros est une malédiction. Car, « pour vivre », ils « doivent souvent mourir, et dépenser, non seulement le sang rouge du cœur, mais ce sang blanc de l’âme qu’ils répandent et qui permet de les suivre à la trace. Les applaudissements ne s’obtiennent qu’à ce prix. Les poètes doivent donner tout, afin d’obtenir le moindre chiffrage. » (Le Sang d’un poète, p. 77).

Selon Cocteau, cette force surhumaine ne peut s’expliquer que d’une seule manière : le Bien est le mâle. Ainsi se formule l’équation personnelle de notre poète par laquelle il tente de montrer sa vision du « bien » et du « mal ». L’« âme » est pour lui un organe « érectile » : la conscience morale veut dire une « érection morale ». C’est pourquoi le « sang blanc » de son âme est souvent associé à des images des sécrétions séminales : la « sève » qui émoustille le printemps de l’organisme végétal ; le « sperme » qui s’éjecte loin et qui prouve l’épanouissement de l’organisme animal.

En effet, le « sang blanc » de l’âme chez Cocteau, représente le « surinvestissement » de toute sa « vigueur masculine ». Et c’est ainsi que l’auteur souligne le style masculin de son âme se reflétant dans son « encre persuasive » :

‘« L’amour, comme le rêve nocturne, ne devait pas être spectacle qu’on montre mais servir par son mécanisme perfectionné. Il importait de n’en conserver qu’une tonalité, un style, une démarche. Une sexualité de l’encre, une force mâle qui érige le porte-plume et déteste toute flânerie malsaine des sens. Le poète s’en tenait à cela. »1 ’

Comme le « sang blanc », cette encre dotée d’une sexualité masculine, est une encre « invisible », « sympathique ». Mais c’est celle-ci qui donne « force » à l’œuvre de Cocteau : lorsqu’elle fuse, gicle en tous sens, c’est le corps de son œuvre qui se fertilise. C’est la raison pour laquelle l’auteur conseille d’éviter l’« éjaculation précoce » de l’esprit, dans tout acte de création :

‘« Plus un homme est doué, plus il se surmonte, plus il lutte contre ce don qui prédispose son encre à couler trop vite, plus il s’efforce de la dompter et de la contenir. »2 ’ ‘«Je déteste les touche-à-tout et les dons. Lutter contre ses dons ou, du moins, les canaliser en un seul jet, voilà une excellente méthode lorsque le ciel fait de l’homme un lieu de fluides et de sources qui veulent passer de l’ombre à la lumière. »2

La qualité du « jet d’encre » dépend de l’« endurance » et de la « force éjaculatoire » du « sang blanc » de l’âme, c’est-à-dire de la « conscience morale » de l’écrivain. Cette dernière pourrait alors représenter une sorte d’« organe génital » de l’œuvre de Cocteau : si sa poésie est un « organisme » terrible qui agit, il est normal de concevoir ses activités érotiques. Et celles-ci sont mimées par l’« encre sympathique » chez Cocteau. Avec un brin de misogynie, Cocteau ajoute qu’« il est rare qu’une femme sache convertir du charme en écriture, fixer avec des signes un fluide qui échappe à l’analyse ». 3 Le « charme » d’une force projectile et son mécanisme dynamique que l’auteur compare à un « acte d’amour » masculin :

‘« Ecrire est un acte d’amour. S’il ne l’est pas il n’est qu’écriture. Il consiste à obéir au mécanisme des plantes et des arbres et à projeter du sperme loin autour de nous. Le luxe du monde est dans la perte. Ceci féconde, ceci tombe à côté. Ainsi va le sexe. »4

Le « sang blanc » de l’âme chez Cocteau se dévoile ainsi comme un aboutissement : la formation d’une « conscience morale » de poète, renaît de son « feu » interne. Et chaque renaissance décuple l’énergie et le dynamisme dans sa création. Alors, il sera enfin en mesure de créer une œuvre capable de transpercer le nuage du mensonge et le brouillard déformant : le « brouillard d’inexactitudes, de paroles mal transmises, de légendes » 5 dans lequel le poète vit enveloppé, emprisonné et étouffé.

Ainsi s’achève l’alchimie de l’encre de Cocteau, par cette fabrication de l’« encre persuasive », prête à être utilisée. L’encre exceptionnelle que l’écrivain délivre au « compte-gouttes » dans son œuvre, pour la grandeur de la poésie. Mais la vraie « grandeur s’accommode mal de nuances délicates ». 6 En effet, l’« encre persuasive » de Cocteau n’est pas faite pour ce jeu de subtilités. Car elle n’est ni abondante ni diluée. Mais forte comme le sang, précieuse comme de l’or et rare comme une huile essentielle. Et pour obtenir ces gouttes uniques, son cœur saigne, ses veines et artères s’activent et son sang humain se consume. C’est pourquoi, selon notre poète, la « poésie est la seule valeur marchande qui ne se dévalorise pas » et c’est « la seule nourriture dont l’homme ait vraiment besoin ». 1

C’est un travail terrible, une extraction pénible pour obtenir si peu. Alors, il faut écrire, goutte à goutte, avec précision. Voilà le secret d’une œuvre au « compte-gouttes » dans laquelle l’écrivain se livre, dévoile son moi :

‘« - J’aime les grandes odes, m’interrompit Argémone, j’aime les mobilisations et les romances. Votre livre au compte-gouttes m’ennuie. Argémone, moi je n’aime pas les métaphores, mais, pour vous suivre et par politesse, j’oppose à votre compte-gouttes le vacuum-cleaner. Voilà mon compte-gouttes. Un livre « par le vide ». Je pompe, je décante, j’isole. Savez-vous le poids occulte et beau de ce qui aurait pu être et de ce qu’on retranche ? La marge et l’interligne, Argémone, il y circule un miel de sacrifice(…). C’est mon livre, Argémone. C’est moi dehors. J’élimine. »2

Notes
1.

L’expression familière de Cocteau qui revient très souvent sous sa plume. Voir ses correspondances diverses. Et notamment Le Requiem.

2.

Voir Encyclopédie des symboles, op. cit., p. 83 (albedo) ; pp. 443-444 (nigredo) ; pp. 592-594 (rubedo). Notamment, le chapitre consacré à la « symbolique des couleurs » (pp. 167-168) soulignant leur pouvoir suggestif comme un « mode d’expression » ainsi que leur « influence directe sur la psyché ». Surtout leur « valeur émotionnelle et affective différente » qui s’exerce sur les « préférences personnelles » de chacun de nous. 

1.

Lettre du 18 juillet 1957, in Lettres à Milorad, Saint-Germain-des-prés, Paris, 1975, p. 60.

2.

Lettre du mois de mars 1926, in Jean Cocteau/Max Jacob : correspondance 1917-1944, Paris-Méditerranée, Paris, 2000, p.402.

3.

« Par lui-même », Opéra, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 517.

1.

« Nocturne », Vocabulaire, op. cit., p. 314.

2.

« Muses qui ne songez à plaire… », Plain-chant, op. cit., p. 372.

3.

« La mort inconnue », En marge d’Opéra, op. cit., p. 574.

4.

Les aristocrates avaient la réputation, jadis, d’avoir du sang bleu dans les veines.

5.

« L’Incendie », Allégories, op. cit., pp. 630-631.

6.

« A l’encre bleue », Opéra, op. cit., p. 531.

7.

Lettre du 23 mars 1926, in Jean Cocteau/Jacques Maritain : correspondance 1923-1963, Gallimard, Paris, pp. 110-111.

1.

Lettre aux Américains, op. cit., pp. 30-31.

2.

Portraits-souvenir, op. cit., p. 832. Voir notamment la description physique du personnage d’Elisabeth au début des Enfants terribles : ses « cils noirs » et ses « yeux bleus » envoient des « éclairs », qui font donc ressortir sa force de caractère.

3.

« Vagabondage », in Le Potomak, op. cit., p. 187. Souligné par l’auteur.

4.

Jean Desbordes, in Poésie critique, t. 1, op. cit., p. 144. C’est nous qui soulignons.

1.

« Troisième entretien », in Entretiens avec André Fraigneau, op. cit., pp. 32-33. Souligné par l’auteur.

2.

« Des mots », in La Difficulté d’être, op. cit., pp. 165-166. Souligné par l’auteur. Dans son œuvre, Cocteau évoque souvent à propos de Pouchkine comme un « bon exemple » des poètes au sang noir.

3.

 Imitations pour Radio Luxembourg (enregistrées en novembre 1937), in Cahiers Jean Cocteau, nouvelle série, n°2, op. cit., p. 236.

4.

Secrets de beauté, op. cit., p. 170.

1.

Le mythe du Greco, in Poésie critique, t. 1, op. cit., p. 195.

2.

Thomas l’Imposteur, op. cit., p. 140.

3.

La force inconnue, in Cahiers Jean Cocteau, n° 10, op. cit., p. 123.

4.

« Du théâtre », in La Difficulté d’être, op. cit., pp. 58-59.

1.

 Hommage à Maeterlink, in Mes Monstres sacrés, op. cit., p. 36.

2.
1Le Testament d’Orphée, Du Rocher, Monaco, 1983, pp. 66-68.
1.

Lettre du 24 novembre 1958, in Lettres à Jean-Jacques Kihm, op. cit., p. 44. Voir aussi la lettre du 25 novembre 1958, adressée à Milorad. Qui contient à peu près le même message, in Lettres à Milorad, op. cit., pp. 93-94.

2.

« L’immortalité », Poèmes de jeunesse inédits, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 1523.

3.

« Comment ils vinrent », in Le Potomak, op. cit., pp. 63-64.

1.

Secrets de beauté, op. cit., p. 175.

2.

« Ariane », in Le Potomak, op. cit., p. 172.

3.

Page du journal datée du 6 mars 1949, in Maalesh, Gallimard, Paris, 1949, p. 27.

4.

Un petit rappel pour la constitution du cœur. Nous avons consulté le dictionnaire Larousse : l’« endocarde », dérivé du grec « endon »(dedans) et « kardia »(cœur), désigne la membrane tapissant intérieurement les cavités du cœur ; le « myocarde », venant du grec « mus »(muscle) et « kardia », est le muscle du cœur constituant la partie contractile de la parois du cœur ; et le « péricarde », composé du grec « peri »(autour) et « kardia », indique la membrane séreuse entourant le cœur. En forme d’un sac aplati, elle renferme une sérosité qui facilite le glissement des parois l’une contre l’autre.

1.

Le Grand écart, op. cit., p. 7. Voir aussi d’autres personnages masculins de Cocteau : comme Jacques Forestier ou Paul, beaucoup sont « exsangues » et « lymphatiques ».

2.

« 27 janvier 1954 », in Le passé défini, t. 3, op. cit., p. 25.

1.

« J’ai trop aimé… », Clair-obscur, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 889.

2.

« Mes oreilles sourdes », op. cit., pp. 889.

3.

Lettre du 7 décembre 1958, in Lettres à Milorad, op. cit., p. 97.

4.

Entretiens avec William Fifield, op. cit., pp. 124-125.

5.

« le 9 novembre 1952 », in Le Passé défini, t. 1, op. cit., p. 379.

6.

« De l’invisibilité », in Journal d’un inconnu, op. cit., p. 19. Voir aussi Les Enfants terribles et Le Livre blanc : bien que brièvement mais l’auteur souligne la « vertu fortifiante » du sel sur ses personnages.

1.

 Jean-Jacques Rousseau, in Poésie critique, t. 1, op. cit., p. 276. Souligné par l’auteur.

2.

Voir Encyclopédie des symboles, op. cit., pp. 618-619 ; pp. 658-659.

3.

Lettre adressée à Irène Lagut à la date du 25 septembre 1920, in Lettres de l’Oiseleur, Du Rocher, Monaco, 1989, p. 175. Et l’auteur affirme dans sa lettre que son « seul opium contre » ce désagrément est ses « bains de soleil ».

1.

Portraits-souvenir, op. cit., p. 731.

2.

Le Chiffre sept, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 730.

3.

La Crucifixion, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 699.

4.

Georges Simenon, in Mes Monstres sacrés, op. cit., p. 53.

5.

« 10 juillet 1954 », in Le Passé défini, t. 3, op. cit., p. 167.

1.

Lettre datée de fin mars 1926, in Jean Cocteau/Max Jacob : correspondance 1917-1944, op. cit., p. 413.

2.

« Sang »(Blut), Poèmes écrits en allemand, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 608.

3.

Lettre datée du 10 mai 1954 et adressée à Claude Roy (annexes), in Le Passé défini, op. cit., p. 406.

4.

Lettres aux Américains, op. cit., p. 51.

5.

 D’un ordre considéré comme une anarchie, in Poésie critique, t. 1, op. cit., p. 68.

1.

Portraits-souvenir, op. cit., p. 852.

2.

« De la responsabilité », in La Difficulté d’être, op. cit., pp. 207-208. Souligné par l’auteur.

3.

« Dédicace », in La Machine infernale, op. cit., p. 1119.

4.

L’Impression, in Livre blanc et Autres textes, Livre de Poche, Paris, 1999, p. 146.

1.

Phèdre chez Tairoff ( note à propos du théâtre Kamerni de Moscou), in Poésie critique, t.1, op. cit., p. 88.

2.

La Maison hantée ou Les Adieux d’Albert Lambert, in Cahiers Jean Cocteau, n°10, op. cit., p. 20.

3.

Voir « Avec Jean Cocteau à travers le Journal intime de Roger Lannes », in Cahiers Jean Cocteau, n°10, op. cit., p. 161.

1.

Voir les notes de Milorad, in Lettres à Milorad, op. cit., pp. 27-28 ; p.124 ; p. 179.

2.

« Lettre d’adieu à mon ami Federico », du 24 mai 1953 dans l’annexe, in Le Passé défini, t.2, op. cit., p. 382.

3.

« Poème final », Poèmes à Jean Marais, in O.P.C, op. cit., p. 1225.

1.

« Postface de 1946 », in Le Sang d’un poète, Du Rocher, Monaco, 1983, p. 84. Souligné par l’auteur.

2.

L’Impression, in Le Livre blanc et Autres textes, op. cit., pp. 150-154.

3.

« Première période », Le Requiem, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., pp. 1043-1044.

1.

« le 17 avril 1954 », in Le Passé défini, t.3, op. cit., p. 97.

2.

La Crucifixion, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 701.

3.

Capiello, in Cahiers Jean Cocteau, n°10, op. cit., p. 127.

4.

Voir la lettre de Jean Cocteau adressée à Anna de Noailles, janvier 1931, in Cahiers Jean Cocteau, n°3, Gallimard, Paris, 1972, pp. 58-59. Dans sa lettre l’auteur résume à propos de son film, Le Sang d’un poète, tourné d’avril à septembre 1930 : « J’ai fait un film avec mon sang visible et mon sang invisiblecelui du corps et celui de l’âme. »

5.

Opium, op. cit., p. 206.

1.

Lettre du 15 août 1962 adressée à Jean-Marie Magnan, in Cocteau, mots et plumes, Autres Temps, Marseille, 1999, p. 165. Voir aussi la lettre de Cocteau adressée à Milorad à la date du 15 octobre 1958, dans laquelle nous trouvons presque les mêmes phrases répétées. Lettres à Milorad, p. 87.

2.
Lettre aux Américains, op. cit., p. 81.
2.
Pourquoi j’ai composé de la musique, in Cahiers Jean Cocteau, nouvelle série, n°2, op. cit., p. 204. L’article a été publié dans la revue Paris-Midi, le 4 juin 1935.
3.

La fin des Villavide, in Cahiers Jean Cocteau, n°10, op. cit., p. 112.

4.

« Des mœurs », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 183.

5.

Le Discours d’Oxford, in Poésie critique, t.2, Gallimard, Paris, 1960, p. 191.

6.

Portraits-souvenir, op. cit., p. 812.

1.

Secrets de beauté, op. cit., p. 169.

2.

« Ariane », in Le Potomak, op. cit., p. 170.