4.2 - L’alchimie des mots : les « traces d’encre », la « géothermie » de la surface de l’écriture et la formation des « reliefs extrêmes »

‘« Ta pièce forme un bloc de cet or léger que les Aztèques frappaient afin que les vibrations les fissent voler d’un lieu à l’autre dans de vastes coupes. Le secret de cet or est perdu. Et c’est nous qui le retrouvons par le verbe. » ’

in Lettres à Jean-Marie Magnan

Cocteau veut fabriquer de l’or : des mots en or. Quel en est le secret ? « Frapper », « tailler » le « bloc », la masse solide et compacte de sa personnalité. Alors tombent des morceaux précieux, des pépites verbales que l’écrivain trempe dans son encre alchimique. Et c’est avec ces mots « durs », « ductiles » et « inaltérables » qu’il veut faire entendre la « pulsation » de son œuvre. Ainsi naissent ses verbes alchimiques qui « agissent », qui « se meuvent » et qui « se transmutent » dans le « style » inimitable d’un écrivain.

Cocteau a déjà vu ce miracle se produire. L’image féerique de ce cher Apollinaire, gravée dans sa mémoire le raconte bien. Ce poète « herboriste » et « alchimiste » qui cueillait des « herbes plus sournoises que les colchiques », entre « la Seine et le Rhin ». Car il « connaissait la vertu des simples qui peuvent tout guérir » : avec des « mots vides qui s’amassent sur la terre », il en faisait ses « poisons délicieux » qui « déclenchent les catastrophes ». 1 Il « étoilait les pages blanches » avec ses verbes et avec « la goutte d’encre qui tremblait au bout de sa plume fée ». 2

Cocteau poursuit ainsi une autre expérience qui complétera les formules de son « secret professionnel » : l’« expérience de transmutation des mots en actes ». Le « verbe transmué ou transmuté en agir ». 3 L’alchimie des mots. Nous verrons comment Cocteau manipule scrupuleusement ses matériaux primaires de l’écriture : l’« encre » symbolisant la première essence primordiale dans l’alchimie, le « mercure ». Ce qui signifie, celui qui « coule » ; le « papier », représentant la « surface » sensible sur laquelle l’écrivain doit ancrer ses « vocabulaires » ; et la « plume », surtout sa « pointe du feu », ayant le rôle de « soufre ». Une autre essence primordiale, volatile qui signifie celui qui « brûle ». 4

Dans un certain sens, l’alchimie verbale se rapproche du procédé de l’« impression ». Par ailleurs, Cocteau évoque de son expérience dans ce domaine. Ainsi s’en souvient-il :

‘« Je m’étonne toujours que les innombrables jeunes gens qui écrivent ne cherchent pas à savoir par quelle opération leur pensée s’imprime et passe de leur nuit secrète à la lumière(…). J’aimais le livre et je voulais me mêler à ses mystères(…). A sept heures du matin, je retrouvais François Bernouard, rue de la Glacière, dans une petite imprimerie(…), et là nous apprenions à composer, à mêler les encres, à comparer les papiers, à mettre les machines en marche, à suivre la feuille qui est muette et qui parle notre propre langue lorsqu’elle vole entre nos mains après son voyage à travers les rouleaux.(…) et le fait d’imprimer nous paraissait aussi important que d’écrire. »5

L’alchimie des mots chez Cocteau, c’est de cela qu’il s’agit : savoir tracer, graver et fixer les idées en écriture. Et pour arriver à cette conclusion, il faut donc observer les « luttes » significatives de l’écrivain avec ses propres outils d’écriture :

‘« Que peuvent-ils comprendre à nos révoltes les gens qui pensent que l’art est un luxe ?(…). Savent-ils que c’est à cause de cela qu’on tire dessus et qu’on lâche les chiens ? Et j’enrage aussi de mon encre, de ma plume et du pauvre vocabulaire dans lequel je tourne comme un écureuil qui croit qu’il court. »6

Analysons d’abord l’apparition des coulées d’encre à la surface du papier. Ce qui signifie le moment du « passage à l’acte » chez un écrivain, l’acte d’écrire. Et pour l’encre, son « passage » de la « nuit du corps » à la lumière du jour. 1 Ce « passage » signale avant tout le début d’une grande « crise » pour l’écrivain : sa « crise d’écriture », la seule et vraie crise inguérissable. Et elle commence par l’éprouvante « angoisse de la page blanche ». Une angoisse du « vide », en quelque sorte :

‘« (…) un travail pénible dont la côte me semble à pic et interminable. Il s’y ajoute une crainte superstitieuse de la mise en marche que j’ai toujours peur de mal engager. Cela me donne une paresse et ressemble à ce que les psychiatres appellent « l’angoisse de l’acte ». Le papier blanc, l’encre, la plume m’effraient. Je sais qu’ils se liguent contre ma volonté d’écrire. Si j’arrive à les vaincre, alors la machine s’échauffe, le travail me travaille et l’esprit va. »2

Pour Cocteau, l’ennemi le plus redoutable serait sans doute l’encre. Car elle échappe à son contrôle : son « écoulement » est souvent « imprévisible ». Quelquefois, elle coule trop vite, avant même que les idées s’organisent et se mettent en place. L’« écoulement précoce » de l’encre devient si vif qu’il « en résulte un passage trop rapide de la réserve à l’épanchement, de l’assurance aux maladresses » 3 chez l’écrivain.

Et tout cela laisse des taches indésirables sur la feuille. Des « fautes », des « erreurs » que l’écrivain se sent impuissant à « effacer ». Des taches d’encre regrettables qui ne s’effaceront pas facilement qu’on le veuille ou non. Comme La Machine à écrire qui « n’était pas une mauvaise pièce à l’origine », mais l’est devenue en fin de compte. Et « elle est là » 4 comme une tache indélébile :

‘« Il ne faudrait pas confondre les œuvres que la modestie du véritable orgueil laisse sortir de nos profondeurs sans vouloir mettre la main à la pâte, et celles que, par faiblesse et vanité stupide, nous nous croyons libres de fabriquer en surface. J’ai deux fois commis cette faute, ce péché contre l’esprit(…). Deux taches d’encre en résultent : les Monstres Sacrés et la Machine à Ecrire. »5

Bien entendu, cela renvoie à l’image des idées immatures de l’écrivain. Difficiles, voire impossibles à faire disparaître, ses taches d’encre représentent pour Cocteau ses imprudences commises, certaines de ses œuvres qui ne sont pas de son essence.

Cependant, il arrive que l’encre se fasse attendre pour apparaître. Texture plus visqueuse, plus consistante qu’une encre Waterman, l’encre de Cocteau coule « moins vite » que la « sueur ». 1 Elle lui « résiste ». 2 Et lorsqu’enfin elle « se décide à jeter l’ancre sur une page » 3 , c’est une « surprise » : au lieu d’un mot précis, il y a des « traces » illisibles qui apparaissent :

‘« De la tache qu’affecte un sang lorsqu’il se fige
Nous ne pouvons prévoir le précieux contour
Ni quel obscur travail notre machine exige
Lorsque l’encre du cœur va de la nuit au jour. »4

Or, ce sont ces « contours » étranges d’encre que l’écrivain doit déchiffrer. Des « signes illisibles » et des « phrases boiteuses » 5 à traduire en « signes » compréhensibles et significatifs. Des mots :

‘« Où suis-je enraciné d’où suis-je
Déraciné
(…)
La terre après tout n’est pas ma patrie
Et il me plairait de connaître
De quelle ancestrale chimie
Mon encre sort et qui me dicte
Les vocables que gauchement
Je tâche d’ajuster ensemble » 6

Par ailleurs, Cocteau compare souvent la circulation capricieuse de son encre au mouvement libre du « mercure » : en s’échappant de ses doigts et de sa plume, elle s’éparpille en fines gouttelettes. Et il faut attendre que ces dernières se regroupent en une grosse goutte concentrée. Une « unité » lisible qui représente un « mot » précis :

‘« Le mercure du thermomètre cassé, mon doigt le disperse et regarde sa famille vagabonde. Mais déjà l’unité se forme. Les poussins fous disparaissent sous la grosse poule, sous la grosse boule de vif-argent. »7 ’ ‘«A travers quels chemins d’une carte insoumise au système fluvial des veines et des artères m’est-il venu ce mot tiré de moi par la fourche du coudrier ? Par quels chemins m’est-il venu avec sa gueule de haine, les armes et les documents aptes à me perdre(…). Si je l’efface il imitera les termites. Il ruinera les moelles de l’édifice(…). »8 ’

Chez Cocteau, écrire est avant tout un jeu de cache-cache désespérant avec cette encre traîtresse et capricieuse. Et bien évidemment, l’écrivain n’est pas le maître de ce jeu. Sur la piste incertaine, il se perd, se décourage et tente d’attraper l’ombre de son encre. Voire plus : ce n’est plus un jeu, mais une « lutte » solitaire livrée contre soi-même. Les traces d’encre ou les jambages de sa plume en témoignent :

‘« Parfois mon encre veut que ma ligne se noue
Parfois qu’elle s’écoule en ne se nouant point.
La main d’ombre parfois me caresse la joue
Et parfois me montre le poing.
Qu’y puis-je ? Il me faudrait pouvoir prendre les guides
Dompter le sort sauvage et tourmenter son mors.
Mais si je le pouvais seraient mes pages vides
Ou couvertes de soldats morts. »1

C’est pourquoi, pour « écrire » et pour « se faire entendre », il faut avant tout « se battre avec l’encre ». 2 Et l’écrivain doit chercher son verbe dans ces « signes incompréhensibles » : le va-et-vient de son esprit entre les lignes et la marge ; ses idées avortées dans des ratures, des mots barrés avec violence ; et des gribouillages, des pattes de mouche qui doivent trouver leur place quelque part sur la page, etc. Coûte que coûte, l’écrivain doit décrypter jusqu’à ce que tout ceci apparaisse comme un message évident de l’inconnu qui l’habite :

‘« Ce texte, qui semble être mal traduit d’une langue étrangère, celle que dicte aux poètes le seigneur qu’ils servent et qui se cache en eux, fut écrit pendant les suites d’une hémorragie profonde. Cette perte de sang m’en laissait juste assez pour vivre et pour faire la planche sur le fleuve des morts. Couché sur le dos, je devais écrire au plafond comme marchent les mouches, et c’est aux mouches que ressemblaient les signes d’encre par l’entremise desquels je m’efforçais de traduire ce qui m’était dit(…). Or cette besogne me réservait la surprise de ne pouvoir me relire. Je me trouvai en face d’un problème de décryptage dont la fourmilière aurait découragé n’importe quel spécialiste du chiffre. »3

En effet, ces « signes d’encre » (manuscrits) sont une sorte de « dessin en filigrane » qui devient significatif petit à petit. Mais aussi des « témoins » visibles du travail d’un écrivain, notamment, de ses moments de tensions, de tourments et d’hésitations.

Mais d’autre part, les « traces d’encre » se substituent aux traces de sang chez Cocteau. Lorsque l’encre trempe le papier et se répand doucement, Cocteau la contemple comme ses « laves » du cœur qui coulent à travers une « blessure », une « plaie ». Des traces de son « encre de sang », ce sont aussi les témoins de son « combat » symbolique contre le monde extérieur : son époque, son milieu et les éclaboussures boueuses des critiques. Avec leurs plumes mielleuses qui ne sont qu’en réalité des flèches empoisonnées du venin, les ennemis visent les « blessures fraîches » :

‘« J’ai souvent glissé sur la pente du visible et attrapé la perche qu’il me tendait. Il me fallait être dur. J’étais faible. Je me croyais hors d’atteinte. Je me disais : ma cuirasse me protège, et je n’en réparais pas les fentes. Elles devenaient des brèches ouvertes à l’ennemi. »1

Pour Cocteau, l’encre de ces critiques représente, presque toujours, des « bavures » inqualifiables. Car, selon notre écrivain, ils sont tantôt « lâches » comme une « seiche (qui) envoie un nuage d’encre et (qui) se sauve ». 2 Et tantôt trop « féroces » - injustement - comme des « cannibales » qui s’acharnent sur lui :

‘« (…)ne plus chercher le pourquoi d’un drame qui m’est écrit de cette encre-là et point d’une autre(…). Tout est merveilleusement huilé, ajusté, machiné, pour me compromettre, pour me broyer avec grâce. La sauce est piquante à laquelle on me mange. Les cannibales voudraient même que je leur exprimasse ma reconnaissance d’être mangé à cette bonne sauce-là. »3

C’est pourquoi notre écrivain considère son œuvre comme un « cri », travaillé, vécu et écrit : le « cri écrit » de son « encre ». Celle qui épelle des verbes pour faire battre le pouls de son œuvre. Mais aussi le « cri écrit » de son « sang » et de son « cœur ». Ceux qui témoignent de la vérité d’un « combat » solitaire mené contre tous.

Vient ensuite le travail du séchage des traces d’encre : l’opération qui consiste à laisser sécher toutes les substances secondaires contenues dans les traces d’encre, notamment l’« eau ». Car elle fait déborder le « contour » net des traces d’encre, les rend floues et les empêche de se fixer solidement à la surface du papier. L’écrivain doit donc attendre son « évaporation » : les « eaux lourdes » et salées de ses larmes profondes, distillées dans l’encre de sang ; mais aussi les « eaux vaporeuses » et chaudes qui perlent sur lui et tombent sur le papier, ses « sueurs ».

D’après Cocteau, il faut à tout prix éviter le dégoulinement de cette matière compromettante : trop de larmoiements et de suées alourdissent et ramollissent le style. Puisque, selon lui, le « secret de l’écriture » est ce « sec qui n’est pas sécheresse » :

‘« Les bonnes larmes ne nous sont pas tirées par une page triste, mais par le miracle d’un mot en place. Peu de personnes sont dignes de pleurer ces larmes-là. Que la poésie émeuve peu de personnes, c’est possible. N’ai-je pas dit qu’elle était le comble du luxe ? »4

Ainsi Cocteau précise que tout « génie est une question de dosage immédiat et de lente évaporation » (Opium, p. 190). En effet, le « génie » est tout sauf un « déluge de charme, de complaintes et d’intellectualisme musical ». Le véritable génie d’un écrivain « est d’ordre volatil et ne se pèse pas ». Et c’est pourquoi « il échappe à l’analyse ». 1 L’œuvre d’un génie n’exhibe pas l’abondance de tristesse ni de traces de graisse, mais seulement ses traces de luttes :

‘« La toile déteste être peinte. Les couleurs détestent servir le peintre, le papier déteste le poème et l’encre nous hait. De ces luttes, il reste un lieu de guerre, une date célèbre, un témoignage de héros. »2

Il est également important de souligner le rôle de l’« ombre ». L’ombre « bienfaisante » et « chaude » où les « fruits de la pensée mûrissent » : l’« ombre de la solitude », l’ombre de soi-même. Pour la préserver, l’écrivain doit s’éloigner de son « époque moderne » qui le « prive d’ombre » : il faut éviter cet « ogre qui ne fait que tordre et avaler dans cette féroce lumière de l’actualité qui annule ce qui ne tombe pas sous sa coupe ». 3

C’est pourquoi Cocteau soutient que la « solitude » lui est « bonne ». Car elle « regroupe » son « vif-argent ». 4 C’est ainsi que l’écrivain travaille : dans cette « ombre » du « calme » et de son « encre » propre, qui le protège de la « gloire » aveuglante et bruyante. Le « paludisme des villes » et le « rhume d’encre » 5 de l’époque ne pouvaient qu’affaiblir son âme de poète :

‘« Il y a des minutes de faiblesse où des sensibilités fortes désirent la contagion. Etre toujours le seul malade à bord les fatigue(…). Mais cette solitude, cette assurance qu’il n’existe ni diagnostic ni remède, font du malade un aristocrate. Il se ressaisit vite. Il ne regrette rien. Il regarde sans convoitise ceux dont chacun attrape le rhume. Il écrit à l’encre sympathique. Ne devient-elle pas visible à la longue et si on l’expose au grand air ? C’est, à mon gré, la plus sympathique de toutes. »6

Mais entre-temps, l’écrivain doit effectuer un autre travail : préparer et parfaire une surface idéale pour son écriture. Il importe donc d’observer la méthode du ponçage chez Cocteau : il rejette clairement toute surface « glissante » - toute méthode de « lissage » (horizontal). Pour lui, la « chair du papier » doit être « rugueuse », « sillonnée ». Car une surface lisse empêche son encre de s’agripper, de se fixer.

Ce serait là le secret de la méthode de Raymond Radiguet : « poncer, contrer et limer » afin de « forger » un « petit orifice par où (la) force exquise (coule) de source ». 7 Ou encore, à la manière de Christian Bérard : comme « ses petites mains tachées d’encre (qui) fouillent, arrachent, déchirent, cousent, bâtissent, démolissent ». Et tout à coup, les « miracles se produisent ». Car tout se met en ordre « en une seconde ». 8

Et le plus important est d’adopter la méthode de l’« aquafortisme » : graver des « rainures » pour que l’encre s’y incruste et les remplisse. La méthode qui oppose radicalement l’effet du « relief » créé par le « noir d’une eau-forte » et la « charge » 3 inutile. C’est-à-dire l’abondance des retouches et des ajouts qui empêche de voir le mouvement essentiel des idées de l’écrivain. Et de ce fait, cette « noirceur » assombrit son écriture :

‘« Colorier quelques dessins
Que ma main innocente grave
C’est en somme beaucoup moins grave
Que de nourrir de noirs desseins. »4 ’ ‘« Je m’étonne de ces lexiques où les notes en bas de page, qui prétendent éclaircir un texte, le dépointent et le repassent à plat. C’est ce qui arrive avec Montaigne qui ne cherche rien d’autre sinon de dire ce qu’il veut dire et y parvient coûte que coûte mais en tordant la phrase à sa façon. A cette façon de tordre la phrase les lexiques préfèrent le vide, s’il se développe bien. Cela n’incrimine pas l’emploi exceptionnel d’un mot rare, pourvu qu’il arrive à sa place et rehausse l’économie du reste. Je conseille cependant de l’admettre s’il ne jette pas trop de feux. »5

En fait, Cocteau travaille à l’inverse : au lieu d’ajouter, surcharger, il tente d’employer au minimum cette « matière morte » qui empêche la « matière vivante » de circuler dans une œuvre. Ce traitement de la surface montre directement comment notre écrivain conçoit le système d’écriture. Pour lui, le mécanisme de ce système est comparable à ceux des autres arts : la peinture, le cinéma ou la photographie, par exemple. Dans Le Passé défini, l’auteur explique ainsi le dégât du « vernis » sur une toile :

‘« Emploi du vernis à retoucher par couches. (Spiro.) Erreur terrible. Peinture lisse mais morte. Le vernis annule ce qui est dessous – ancien mélange. Une vitre nous sépare de l’âme du peintre. On est émerveillé de cette peinture lisse. Rien ne nous touche. Rien ne reste. Le secret des glacis (Vermeer) est perdu. C’était une tout autre science. »6

Aussi, en étant peintre amateur lui-même, l’écrivain souligne l’indispensable opération du ponçage : « ce matin j’ai terminé les fresques (…). La peinture était mauvaise. Une fois sèche j’ai frotté à l’émeri - ce qui donne exactement ce que je cherche. » (Le Passé défini, t.2, p. 306).

Chez Cocteau, la perfection d’une surface fidèle qui ne déforme pas son expression, se repère aussi dans son choix des pellicules pour ses films. Dans son journal d’un film, La Belle et la Bête, il signale la sensibilité recherchée de chaque pellicule : « Je tourne deux essais sur pellicule Kodak et sur pellicule Agfa (…). Il en résulte que la pellicule Agfa donne des noirs plus souples et des blancs plus durs (…) et que seuls les reliefs sculptés ressortent » (p. 190) ; « Pour la chambre de Belle je compte abandonner la pellicule Agfa qui mange les détails, charge en noir, mais conviendrait parfaitement à l’atmosphère étouffante du château de la Bête » (p. 203) ; « je commence le Prince Charmant sur la pellicule Rochester, plus douce, plus précise que l’Agfa et que la Kodak » (p. 215). 1  

De même, dans sa « lettre ouverte à Man Ray », le photographe américain, Cocteau exprime son admiration pour ses photographies qui possèdent une « gamme des noirs » exceptionnelle : « Vos planches sont les objets eux-mêmes, non photographiés par une lentille, mais directement interposés par votre main de poète entre la lumière et le papier sensible. Disposition, surprise des objets, force des lampes et des artifices, tout amène une métamorphose du motif, et il résulte un chef-d’œuvre dénué de sens, où se réalisent enfin les plus voluptueux velours de l’aquafortiste. Lequel jamais a pu obtenir cette gamme des noirs qui s’enfoncent les uns dans les autres, des pénombres et des surpénombres, si curieuses à obtenir les jours d’éclipse ? » 2

Bref, en dehors de la peinture, c’était une époque particulière où les artistes du domaine du film ou de la photo, étaient encore habitués à jongler avec deux couleurs comme moyen d’expression : le noir, le blanc et leur infinie variété de nuances devaient exprimer leur vision du monde. Cocteau confie dans son Journal de 1942-1945, cette difficulté : « le film noir est mort. C’est en couleurs qu’il faudrait exécuter La Belle et la Bête. Dans le film noir, le noir n’existe pas, il est gris. Dans le film en couleur, le noir existe. Mais, excités par la couleur, les Américains n’emploient le noir que rarement (…). Le rêve, pour la Belle, serait de faire un film noir et d’amener la couleur comme une surprise : une robe bleue, une flamme, un regard, du sang. » (le 3 décembre 1944, p. 582). Savoir gérer la « surface » s’avère alors tout aussi crucial que les images à capturer.

Bien évidemment, Cocteau applique la même méthode pour son écriture. Lorsque la surface est maîtrisée, un seul « détail » puissant suffit pour représenter son idée et pour sauver la vie de son œuvre :

‘« Il fallait copier un chef-d’œuvre et retrouver avec un simple trait noir la puissance du détail et des couleurs(…). C’est pourquoi je déblaye, je concentre et j’ôte à un drame immortel la matière morte qui recouvre sa matière vivante. »1

C’est pourquoi Cocteau affirme que « le mystère de la poésie » n’est pas « de mettre du noir sur du blanc, mais de délivrer le noir. » (Le Potomak, p. 150). Ce qui signifie : donner « carte blanche » au « noir » d’opérer librement. Alors, au lieu de « chercher » des matières à sujet, « inventer » des thèmes et « faire » des poèmes, Cocteau inverse l’ordre de l’opération : il fait d’abord « des poèmes » avec ses taches d’encre ; ensuite, il « invente » diverses méthodes pour sauvegarder ces signes, dont le séchage et le ponçage font partie ; et enfin il « cherche ». 2 Quoi ? Des « guirlandes verbales » à enlever et à effacer. Ensuite, des mots, des verbes exacts à fixer sur place.

Chez l’écrivain, les « guirlandes verbales » signifient des « décorations » sonores et bariolées dans une phrase : les « mots riches de couleurs et de sonorité (qui) sont aussi difficiles d’emploi que les bijoux voyants et que les teintes vives dans la toilette ». 3 De la poudre aux yeux qui masque le seul charme nécessaire, l’« élégance » d’une expression. C’est le genre de « bavardage » musical de la plume et de l’encre qui doit à tout prix, cesser, se taire. Une sorte de mélodie – rimes pour les oreilles- qui dévie la trajectoire directe d’une phrase et qui de ce fait, retarde la délivrance du message :

‘« Du piège dont nous ne pûmes
Nous méfier je me méfie
Sache donc te taire plume
Bavarde et toi pareille
Au mercure que le doigt
Eparpille encre ignorante
De nos ordres intérieurs. »4

Les « guirlandes verbales », c’est tout débordement bruyant qui détruit la « base » fondamentale d’un poème, le « silence ». Un poème, d’après Cocteau, est le « sang » et le « cri du silence ». Un « cri écrit » qui dévoile « la manière dont le silence est contrarié, offensé, dupé, tourmenté, frappé, blessé, vaincu ». Aussi toute matière formant une épaisseur, un « écran », empêche d’écouter le « rythme inimitable d’un poète » (Secrets de beauté, p. 176), le bruit cardiaque de ses pensées. Alors, il faut :

‘« Eviter la musique d’une phrase pour ne lui communiquer que le rythme. Laisser à ce rythme l’irrégularité d’une pulsation. Dérimer la prose, parce que les rimes y amollissent les angles, ou la rimer exprès coup sur coup. Tasser par des qui et des que, notre langue sujette à couler trop vite. L’endiguer par le contact de consonnes ingrates, par les syncopes de phrases trop longues, et de phrases trop courtes(…). Ne jamais tomber dans les guirlandes que les gens confondent avec le style… défaire et refaire sans cesse(…). »1 ’ ‘« Aucune poésie n’est musique, sauf s’il s’agissait d’une musique interne et inaudible. Cette espèce de musique s’apparente davantage au tam-tam mystérieux par lequel les tribus indigènes correspondent à distance. Comme Pouchkine, Paul Eluard s’exprime sous forme de pulsation. Pulsation que ressentent même les oreilles qui ne la traduisent pas en vocables. »2

C’est pourquoi, par exemple, il y a une absence significative de toute « ponctuation » dans Le Requiem. Dernière œuvre de sa vie, dernière tentative de poète. Cocteau veut y faire entendre autre chose que le son de ses mots. Pressé, il ne lui reste plus une minute à perdre à mettre les points finaux. Et vidé, il n’a pas assez de sang pour en donner aux virgules. Seuls, les bruits de sa respiration haletante et de l’irrégularité de ses pouls comptent :

‘« Et(…), s’imposait à ma plume le divin charabia(…) du ridicule de ponctuer un poème, la ponctuation le salissant comme les moustaches dessinées par des galopins sur un buste, et l’alourdissant à l’usage des personnes incapables d’en entendre la respiration, la systole et la diastole. Sans doute existe-t-il un fil propre à lier un décousu que j’étais souvent tenté de recoudre(…). Sans doute les forces qui me manoeuvrent, même si je cherche à prendre le large, me commandent-elles de soumettre les plus significatives de mes paroles à cette solitude grammaticale. La vraie, l’inévitable solitude des poètes. »3

Quant au vocabulaire de l’exactitude, il faut vérifier de quelle manière notre écrivain les obtient. Selon Cocteau, un écrivain doit travailler comme un apiculteur alchimiste. Apollinaire le faisait d’ailleurs recherchant la récupération du « miel noir », la concentration en « gelée royale » et la transmutation en « or ». 4 Chez notre écrivain, c’est le processus de durcissement, c’est-à-dire le perfectionnement de son vocabulaire. Pour lui, les « signes » d’encre ressemblent au « miel noir » à récolter. Des mots disséminés, donc, à rassembler. Alors, tel un apiculteur qui élabore son miel, l’écrivain « concentre dans un seul vers ce qu’il délayait jadis en quatre strophes » 1  :

‘« Voilà cinq jours que je lutte avec des bribes de phrases, des mots qui s’emboîtent et se désarticulent, des strophes qui s’enchevêtrent malgré moi. J’ai déjà cinq feuilles couvertes de signes illisibles. Ces feuilles ne quittent pas mon lit et de temps à autre je les regarde et je déchiffre. Tout cela se solde par deux phrases qui auront sans doute l’air écrites au courant de la plume. »2 ’ ‘« J’ai retrouvé hier une masse de cahiers de mon Journal(…). En le parcourant je me rends compte une fois de plus de ce qu’on accumule pour obtenir si peu. Du terrible travail qui se concentre en une goutte dont le parfum s’évapore(…). »3

Une fois récupérés et concentrés comme une « gelée royale », ces mots doivent assurer la vitalité et la survie des œuvres. Comme le note Cocteau dans son journal du 21 février 1953 du Passé défini : « On n’arrêterait pas de vaticiner sur les phénomènes nous poussant à sécréter une substance analogue à cette gelée royale des abeilles, substance où je suppose que les œuvres puisent leur force de survie. » (t. 2., p. 372).

Ensuite, l’écrivain attend que ses mots se solidifient et forment une « architecture efficace », « si singulière » et « si robuste ». Ce ne sont pas des mots qui ornent une « pensée », mais du langage précis qui « dure, par une présence qu’il renferme, par une chair qu’il perpétue. » (La Difficulté d’être, p. 165). Il peut alors envisager la phase suivante de son travail d’écriture : assembler des blocs significatifs de ses mots, en les emboîtant les uns dans les autres, tel un jeu de cubes. Ainsi apparaissent des phrases, des paragraphes, « encastrés » dans son œuvre :

‘« Les mots ne doivent pas couler : ils s’encastrent. C’est d’une rocaille où l’air circule librement qu’ils tirent leur verve. Ils exigent le et qui les cimente, sans oublier les qui, que, quoi, dont(…). Outre que les mots signifient, ils jouissent d’une vertu magique, d’un pouvoir de charme, d’une faculté d’hypnose, d’un fluide qui opère en dehors du sens qu’ils possèdent. Mais il n’opère que lorsqu’on les groupe et cesse d’opérer si le groupe qu’ils forment n’est que verbal. »4

De même, ces mots sertis dans la page, se meuvent et agissent comme une « ombre chinoise » de l’écrivain. Tantôt cette ombre déverse des « paroles » inoubliables en empruntant la bouche des personnages. Et tantôt, ses mouvements sur la page font les « intrigues » cruciales des chapitres, des parties prenantes de l’œuvre :

‘« L’acte d’écrire se trouve donc lié à plusieurs contraintes : intriguer, exprimer, envoûter. Envoûtement que nul ne nous enseigne, puisqu’il est le nôtre et qu’il importe que la chaîne des mots nous ressemble pour être en mesure d’agir. Ils nous remplacent, en somme, et doivent suppléer à l’absence de nos regards, de nos gestes, de notre démarche. Ils ne peuvent donc agir que sur les personnes perméables à ces choses. Pour les autres, c’est lettre morte et elles leur resteront lettre morte, loin de nous et après notre mort. »1

Selon Cocteau, une des écritures les plus fascinantes qui démontrent le mécanisme des verbes transmutés en agir, serait celle de Madame de La Fayette. Dans son chapitre consacré à « La Princesse de Clèves » dans la Poésie critique, notre écrivain souligne combien cette romancière sait mettre en œuvre ses verbes. Et il en résulte une « faculté de peindre sans dépeindre », une « énigme » qui « relève de la matérialisation spirite ». Une méthode énigmatique de création que Cocteau nomme « faire plus vrai que le vrai ». C’est-à-dire faire apparaître un « objet qui n’est pas là ». Et comme par enchantement, il devient réel, « il est là » ( t.1, p. 271) :

‘« (…)une grande dame qui épanche son cœur. Que voit-elle à la cour ? Un concours de grimaces. Le monde des lettres gonfle les mots et les sentiments y tiennent lieu d’actes. Les actes doivent y être rapides et hypocrites. Et la voilà qui invente un style où les mots agissent, où les sentiments deviennent des gestes d’amour. Livre singulier où le sang circule sous forme d’encre, où la chaleur et le parfum des corps s’exhalent en marge du texte, où ce texte en ordre affiche le comble du désordre. Il en résulte que la page blanche et presque virginale ressemble aux linges houleux d’un lit d’amants(…), montre des blessures voluptueuses. Tout bourgeonne, tout s’imbibe, tout se développe et cherche à s’épanouir. »2

En somme, que ce soit le séchage, le ponçage ou la recherche d’exactitude, toutes ces méthodes employées par Cocteau reflètent directement son esprit d’artisan. Pour notre écrivain, l’acte d’écrire s’apparente plutôt au travail « manuel » d’un artisan qu’à l’activité « cérébrale » d’un intellectuel : la poésie, c’est un « travail à la main », le seul qui « compte ». 3 Ainsi Cocteau veut être un artisan, un « ébéniste » des mots :

‘« (…) il est presque impossible de dire la moindre chose sans employer des termes qui perdent leur sens pour peu qu’on les énonce à l’improviste(…) à des personnes qui ne connaissent pas notre terminologie ; ils deviennent alors des hiéroglyphes. J’ai beau tâtonner, j’ai beau tâcher d’être clair, je bouscule(…) que je crains de mettre du noir sur du noir, d’ajouter de l’incompréhensible à l’incompréhensible, c’est-à-dire à la poésie(…). La poésie(…) s’exprime par mille détours pourvu qu’on ne s’en mêle pas et qu’on évite le poétique -le poétique c’est le contraire de la poésie- et pourvu qu’on s’acharne à n’être qu’un (…)ébéniste, qui fait ses tables. C’est après lui que les spirites arrivent et posent les mains sur la table(…) mais on ne saurait être spirite et ébéniste(…). »4

C’est pourquoi les « mains » de poète sont d’une extrême importance chez Cocteau. Elles sont tout d’abord, la seule partie de son corps dont l’auteur semble vraiment fier : « longues et très expressives » (La Difficulté d’être, p. 36), les mains de Cocteau sont celles d’un guérisseur ou d’un sorcier. Car, ce sont elles qui « ressuscitent la fleur d’hibiscus » (Le Testament d’Orphée, pp. 60-61) déchiquetée. C’est-à-dire le « cœur » de poète, lacéré par « neuf coutelas » (Clair-obscur, p. 839) des Muses de la poésie. De même, « géniales », « intelligentes » et « spirituelles » (Entretiens avec William Fifield, p. 24), elles savent aussi « peindre ». Ce sont les mains de Cocteau l’artiste.

Mais surtout, les mains de Cocteau sont comme celles avec lesquelles opère le « chirurgien le plus habile ». Avec elles, le « sang et l’ordre coulent ensemble » (Mes Monstres sacrés, p. 145). Par ailleurs, Cocteau explique qu’« il faut avoir les mains froides pour servir le cœur chaud » (Cocteau, mots et plumes, p. 96), pour écrire des poèmes. Symboles du « sang-froid », les mains de poète représentent chez notre écrivain, son esprit de « précision » et de « légèreté » dans l’acte d’écrire. L’esprit de « précision » qui consiste à « couper net » : tout ce qui est « faux » ou ce qui n’a pas mûri à l’intérieur du poète. Les mains de Cocteau savent trancher sans regret :

‘« Rien de plus grave que ces paroles qu’on nous prête, qui circulent et s’impriment. J’ai lu dans une préface d’un livre de Bernanos(…), une phrase de moi que je n’ai jamais dite et qui me choque. Le Verbe se fait toujours et instantanément chair. C’est pourquoi il importe de prendre garde à ce qui se colporte, d’en vérifier les sources et, si cela est faux, de couper net. »1

Mais il y a aussi l’esprit de « légèreté » ou de détachement qui s’impose entre le poète et son poème. Pour que le poème achevé s’élève seul au plus haut possible, le poète doit malheureusement retrancher toutes les « cordes sensibles » qui les reliaient jusqu’alors. Tant d’efforts et de peines pour créer cet organisme, mais le poète sait qu’il ne peut sauver tout ce qu’il a accumulé. Sauf son poème :

‘« Un poème doit perdre une à une toutes les cordes qui le retiennent à ce qui le motive. Chaque fois que le poète en coupe une, son cœur bat. Lorsqu’il coupe la dernière, le poème se détache, monte comme un ballon, beau en soi et sans autre attache avec la terre. Vous apprendrai-je que les mots bizarres, les épithètes, l’emphase, le pittoresque l’empêchent de s’élever ? (…). La mise en place du verbe, les terminaisons masculines ou féminines, la pulsation du rythme, l’incroyable sévérité qui nous empêche, là où le lecteur ne saurait voir que paresse, se forment, peu à peu, nerveusement, jusqu’au supplice. Il faut à tout prix que la pensée batte comme bat le cœur avec sa systole, sa diastole, ses syncopes qui le distinguent d’une machine. »2

Dans ses mains de maître, le poète tient en effet une « arme » redoutable : sa « plume ». Efficace et puissante telle une épée de torero ou une « lance » de guerrier, la « plume » permet au poète de « toréer avec le mystère », sur « la piste blanche » 3 de sa page ouverte. C’est pourquoi Cocteau préfère son « bec de plume », pointu, affiné et dur comme une « épée » à une « affreuse pointe Bic ». Car, le bout arrondi, épais, mou et glissant de ce dernier, dévie la visée et « déforme l’écriture » (Correspondance avec J. Maritain, p. 239). C’est la raison pour laquelle Cocteau soutient tant la « robustesse » de son « porte-plume » d’acier : plutôt que la beauté de son « ornement », il préfère sa « dureté ». Sa force inégalable, capable de tenir tous les chocs, comme il l’indique. Dans sa lettre adressée à Jean-Marie Magnan, à la date du 18 octobre 1958, il précise ainsi : « Picasso a raison on ne connaît pas de peintre avec une belle boîte de couleurs – pas de poète avec un beau porte-plume » (Cocteau, mots et plumes, p. 82).

En effet, le reste n’est que « nuance » et « pittoresque », qui freine la plume lorsqu’elle accomplit sa mission de « devenir » le « sténographe », assez « libre et rapide, afin de prendre au vol », la dictée d’une « force inconnue » qui possède le poète. 1 La virtuosité de cette plume est comparable à cette image que Cocteau suggère dans Opium : si une « idée se déforme et se déroule lentement dans l’eau du corps (de poète) avec les nobles caprices de l’encre de Chine », la plume la capte et la ressort avec une vitesse incroyable. Celle d’un « plongeur noir » qui remonte en « raccourcis » (p. 66) à la surface. Mais il n’empêche que sa plume saisit l’essentiel. Car ce qu’elle dessine sont les « desseins obscurs de la Providence » (p. 111).

C’est avec cette plume rare, « pensante » et « agissante » que le poète doit faire face aux attaques des ennemis : les « majorités » qui tentent de « se parer » et de faire disparaître la « plume-fée » des « minorités ». 2 La « plume surnaturelle » ne fonctionne qu’avec la « morale particulière » et la « continuité » de quelques génies.

Par exemple celle de Madame de Sévigné. Selon Cocteau, sa « plume-fée » donne des « phrases salées, en pointe » et ne montre jamais « la moindre paresse de l’encre ». Avec cette plume, elle ne soigne pas un style d’écriture, mais brûle et sectionne tout ce qui n’est pas de la « vérité » et de l’« exactitude ». C’est pourquoi la plume est une « arme » et non un outillage d’écriture :

‘« Notre rage d’écrire bien est néfaste. C’est parce que cette dame écrit mal, que Beyle écrit mal, que Balzac écrit mal, qu’ils écrivent bien. Ils veulent dire ce qui les occupe coûte que coûte et à n’importe quel prix. Montaigne reste le maître incontestable de cet acharnement à se dire. Peu lui importe la forme. Elle naît de cette acharnement vers l’exactitude(…). Style d’époque. Jamais la pointe de feu. Jamais autre chose que l’écriture(…). Les époques craignent les pointes et les cassures dont un style se hérisse et par lesquelles il boite. »3

Nous avons suivi jusqu’ici le procédé manuel de Cocteau pour sa fabrication des verbes : le séchage des traces d’encre, des larmes et de sueurs ; le ponçage de leurs atours et le délestage conséquent des impuretés verbales ; et enfin, une dernière étape de simplification et de retranchement extrêmes par l’efficacité des mains de poète et de sa plume-fée. Tout indésirable est enlevé, effacé et dégagé à souhait. Alors, que reste-il en fin de compte ? Des « aspérités » qui recouvrent la surface de l’écriture : des « reliefs » visibles et invisibles d’un langage singulier. Le « langage figuratif » que Cocteau a su extraire de ses « sables du verbe » (Maalesh, p. 104).

D’une part, les « reliefs visibles » sont des traces d’encre (de sang), rouge, noire et bleue, durcies en « croûtes ». Ceux qui détonnent avec l’ensemble qui les entoure, qui ressortent du fond et qui sautent aux yeux du lecteur. Pour ce qui concerne cet effet de surprise, Cocteau donne un exemple dans son Journal de 1942-1945. Il explique comment il tente de « donner du relief » dans son poème Léone : « Je le distribuerai en strophes numérotées. C’est la seule manière de lui enlever cet air de fleuve et de donner du relief à certains détails » (le 15 janvier 1944, p. 439). Et quelques jours plus tard, il ajoute cette explication : « il comporte six cents vers. Six cents vers où je renonce systématiquement aux sortilèges à la mode. Aucune allitération, aucune recherche subtile de rimes ou de mots. C’est un déroulement plat. Les reliefs et la singularité ne doivent venir que du style intérieur, d’un emploi de certains termes inattendus dans un tel rythme » (le 22 janvier 1944, p. 442).

Le mécanisme des « reliefs visibles » consiste donc à créer un effet de surprise mais surtout de « profondeur » à la surface de l’écriture. Dans Pour une poétique de l’imaginaire, Jean Burgos nous éclaire à ce propos :

‘« L’ordonnance horizontale du texte, qui implique un agencement irréversible des mots, un trajet obligatoire même s’il ne s’agit pas d’un langage proprement logique, se trouve arrêtée, mise en péril : le mot soudain se gonfle par lui-même de significations multiples qui viennent à entraver la marche du discours et, la retardant, la font dévier, imposant en contrepoint un cheminement vertical, conférant au texte une épaisseur qu’il n’avait pas d’abord. A la signification du mot-image, dans l’ordre du discours, vient se superposer, jusqu’à l’oblitérer, une pluralité sinon de sens du moins de valeurs qui le font résonner, laissant émerger du même coup autour de lui une réalité qui sans lui ne serait jamais venue à l’existence ; réalité qui procède du langage mais peut-être pas que de langage, et dont la mise à jour se confond avec l’acte poétique, qu’il soit d’écriture ou de lecture. »1

Et d’autre part, il y a aussi des « reliefs invisibles ». Que contiennent-ils et pourquoi sont-ils invisibles ? A ce propos, l’intention de Cocteau semble tout à fait claire : l’écrivain « dissimule » ses « secrets » dans des verbes. Et il affirme qu’ils sont destinés à quelques « personnes qui savent lire » (Maalesh, pp. 103-104). En effet, les « reliefs invisibles » sont une partie de son « langage figuratif » écrits à l’« encre sympathique » et à l’« eau salée » : des taches « extrêmement indélébiles » 1 du « sang blanc » de son âme ; et des traces de « larmes profondes » et de « sueurs ».

Quelque chose d’invisible et d’imperceptible reste sur le blanc du papier. Mais ses grains cristallisés sont palpables et bien réels au toucher. Comment les lire ? La tâche du lecteur se corse un peu plus. Cocteau nous suggère alors deux solutions : avoir recours au « feu » et aux « antennes sensibles », c’est-à-dire notre « main morale ».

Pour qu’une « feuille blanche livre son secret » (Portraits-souvenir, p. 800), occulté à l’encre sympathique, le « feu » s’avère un des moyens les plus connus depuis des siècles. Et le « feu » révélateur en question, c’est bien évidemment la « chaleur humaine » et le « cœur chaud » du lecteur :

‘« Et je vous quitte. Sans vous quitter, cela va de soi, puisque je me suis mêlé à mon encre assez étroitement pour que le pouls y batte. Ne le sentez-vous pas sous votre pouce qui tient l’angle des pages ? Cela m’étonnerait, car il saute jusque sous ma plume et fait ce vacarme inimitable, farouche, nocturne, complexe au possible, de mon cœur (…). Voilà ce que crie son encre. Voilà ce que battent ses tambours en berne. Voilà ce qui allume des candélabres de deuil. Voilà ce qui secoue la poche où vous mettez mon livre et ce qui fait tourner la tête aux passants qui vous croisent et se demander quel est ce bruit. Voilà toute la différence entre un livre qui n’est qu’un livre et ce livre qui est une personne changée en livre(…). Nous sommes bien d’accord. N’oubliez pas qu’il importe que mes jambages devenus caractères d’imprimerie retrouvent en vous leurs volutes et les débouclent, entortillant momentanément ma ligne à la vôtre, à telle enseigne qu’il se produise un échange de nos chaleurs. »2

En effet, rares sont les lecteurs qui savent lire cette écriture invisible à l’œil nu. Pour cela, il faut déployer nos « antennes sensibles » et la toucher à la manière de lire du Braille :

‘« J’ai de l’avantage à mal connaître une langue pour la traduire. J’éprouve plus de gêne en face d’un article de journal(…) qu’en face d’un poème de Shakespeare ou de Goethe. Un grand texte possède son relief. Mes antennes le ressentent à la manière dont les aveugles lisent le Braille. Si je savais trop l’une de ces langues, un poème me découragerait par l’obstacle infranchissable des équivalences. En le sachant mal, je le caresse, je le tâte, je le palpe, je le renifle, je le tourne et le retourne. J’éprouve les moindres aspérités du sillon. Finalement, mon esprit frotte contre ses aspérités comme l’aiguille du gramophone. Il ne s’en échappe pas la musique incluse, mais l’ombre chinoise de cette musique. Ombre chinoise assez conforme à son essence. »3

Cocteau veut qu’en somme sa poésie se lise comme du Braille et en plus « universel ». Une sorte de langue « Espéranto » de la poésie, celle qui peut être comprise par tous les citoyens du monde à condition qu’ils possèdent une « main morale » :

‘« (…)quand un homme est prodigieusement génial comme Shakespeare, il a un tel relief que nous sommes presque devant ce que nous appelons ici le Braille, c’est-à-dire l’écriture pour les aveugles : notre main morale devine le relief de son œuvre. (…), j’arrive très bien à le comprendre parce que son relief est tellement haut, tellement fort, que ma main morale arrive à le suivre et à le sentir(…). »1

L’importance de cette « main morale » est capitale pour Cocteau. Elle représente à ses yeux l’unique moyen de lire l’écriture d’un écrivain qui s’est investi corps et âme et devenu « encre et papier » (Entretiens avec W. Fifield, p. 87). Seule, cette main d’un aveugle possédant la capacité sensorielle extrêmement développée, sait tâter et voir ce que l’œil d’un voyant ignore. Car, ce que cette main lit, n’est pas un style d’écriture, mais le « style de l’âme » d’un écrivain et sa « pensée faite chair » :

‘« Je ne condamne pas la musique verbale et tout ce qu’elle entraîne de dissonances, de duretés, de douceurs nouvelles. Mais une plastique de l’âme, cela me sollicite beaucoup plus. Opposer une géométrie vivante au charme décoratif des phrases. Avoir du style et non un style. Un style qui ne naisse que d’une coupe de moi, d’un durcissement de la pensée par le passage brutal de l’intérieur à l’extérieur. Avec cette halte ahurie du taureau sortant du toril. Exposer nos fantômes au jet d’une fontaine pétrifiante, ne pas apprendre à fignoler des objets ingénieux mais à pétrifier au passage n’importe quoi d’informe qui sort de nous. Rendre volumineux des concepts. »2

Ainsi met-il en œuvre par l’écriture une sorte de mécanisme ingénieux. Les « reliefs extrêmes » de ses mots qui, d’une part, l’éloignent des lecteurs inattentifs. Ceux qui ne savent pas distinguer la particularité de cette surface granuleuse de l’écriture et tout ce qu’elle représente. La peine d’un poète qui « essaye de devenir une feuille de papier signifiante » (Entretiens avec W. Fifield, p. 24). Mais d’autre part et surtout, ce système rapproche directement l’écriture de Cocteau de ses lecteurs fidèles. Lorsque les précédents ne voient qu’une feuille montrant des mots et la marge, les autres perçoivent autre chose. Car, plus un relief prend de la hauteur, plus son « ombre » s’allonge.

En fait, chaque relief cache derrière lui, une « ombre » de l’écrivain : une sorte de « velours noir » qui masque « toute la vie secrète de l’auteur » (Entretiens avec A. Fraigneau, p. 112) et qui est mis là pour être découvert un jour ; une « part d’ombre » que l’écrivain « se réserve », afin que les « terribles projecteurs ne puissent l’atteindre ». 1 Et seuls les lecteurs attentifs connaissent donc les « signes » de ce « code secret » (La Difficulté d’être, p. 142).

C’est pourquoi Cocteau affirme que les « livres doivent avoir du feu et de l’ombre ». Car, dans certains, les « ombres changent de place ». Et ce ne sont pas les ombres de l’écrivain, mais celles du lecteur. Les ombres des opinions changeantes de ce dernier. En revanche, dans d’autres, leurs « ombres ne bougent pas », mais « elles dansent sur place » (Opium, p. 144). Ce sont elles, les véritables « ombres » de l’écrivain. Celles qui se manifestent, s’éclairent et livrent la vérité de l’auteur. Tel le jeu de l’« ombre chinoise », leurs danses sont « précieuses, vivantes, expressives ». Et à leur apogée, elles se transforment en une « terrible lumière », ensuite « boitent et clignent à la manière des étoiles ». 2

L’âme de l’écrivain s’exprime ainsi. Ses ombres libérées par le feu solidaire du lecteur. Et cette communion s’apparente en effet, à une rencontre magique : tels les « feux de Sainte-Elme » qui « circulent » ou les « feux de la Saint-Jean » qui « flambent », l’âme de l’écrivain comprise, pénètre celle de son lecteur. Et elle illumine tel un flambeau, le « vaste cimetière » et la « vaste nuit » 3 de l’esprit où se trouvait jusqu’alors le lecteur.

Bref, l’alchimie des mots chez Cocteau, se résume ainsi par la création de reliefs précieux. Visibles ou invisibles, ce sont des mots qui recouvrent la surface de son écriture. Cocteau disait dans ses Lettres à Milorad qu’un écrivain doit « être recouvert » pour qu’un jour l’on le « découvre » (le 6 décembre 1955, p. 26) : « On m’a jusqu’ici recouvert. Il faudra bien un jour que je sois découvert – qu’on me découvre » (le 22 décembre, 1955, p. 28).

La seule chose qui compte et qui peut rendre possible sa gloire posthume, Cocteau l’a saisie : ses mots. L’« objet dur » qu’il a sorti de sa « fontaine pétrifiante », de son « encrier interne », son « corps et cœur ». Et une fois mis au dehors, ses mots tellement saillants et évidents, s’érigent comme une charpente à la surface de son œuvre en espérant que tout cela tienne afin d’empêcher la chute de ses pensées et de son âme. Mais surtout, qu’ils soient solides, tel un « échafaud », pour soutenir les agitations du supplicié, ce poète qui se débat contre les tortures perpétuelles des Muses de la poésie :

‘« Plus m’y frappe l’enchevêtrement des organes que celui des sentiments, l’entrelacs des veines que la chair. J’ai l’œil d’un charpentier sur l’échafaud du roi. Les planches m’intéressent davantage que le supplice. »4

Ainsi la surface de l’œuvre et ses vocabulaires alchimiques représentent les « planches » de salut et les terrains de bataille chez Cocteau. C’est la raison pour laquelle il déclare que toute œuvre du génie est une « énigme ». Non une « géométrie » qui se copie au « papier calque ». A travers les tableaux du génial Greco, Cocteau explique l’importance fondamentale de toute surface sensible. Et notamment, sa capacité de mimer la « démarche » exacte de son créateur :

‘« Ce cri écrit de Greco ne saurait se soumettre aux méthodes que lui prêtent les spécialistes. J’ai été élevé par ceux qui couvraient ses tableaux de papier calque et cherchaient à découvrir la géométrie cachée qui lui imposait ses formes. Et ils trouvaient et se réjouissaient et disséquaient une énigme. Or l’énigme reste une énigme. Rien ne la divulgue. Les géométries qu’ils croient être à l’origine d’un travail existent, mais elles résultent de l’équilibre mystérieux qu’un artiste exprime, dont il fait sa démarche et sans lequel ce terrible somnambule tomberait de haut. »1
Notes
1.

 Apollinaire, in Poésie critique, t.1, op. cit., pp. 91-94.

2.

Guillaume Apollinaire, in Mes Monstres sacrés, Encre éditions, Paris, 1979, p. 19.

3.

Lettre du 2 octobre 1959, in Lettres à Milorad, Editions Saint-Germain-des-près, Paris, 1975, pp. 138-139.

4.

Voir Encyclopédie des symboles, op. cit., pp. 658-659.

5.

Impression, in Le Livre blanc et Autres textes, op. cit., p. 145.

6.

« Des libertés relatives », in Journal d’un inconnu, op. cit., p. 119.

1.

« le 5 octobre 1954 », in Le Passé défini, t.3, op. cit., p. 252.

2.

« De mon style », in La Difficulté d’être, op. cit., pp. 21-22.

3.

Idem. p. 36.

4.

« Du théâtre », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 59.

5.

Le Cordon ombilical, in Le Livre blanc et autres textes, op. cit., p. 189.

1.

« le 24 juillet 1952 », in Le Passé défini, t.1, op. cit., p. 284. Pour souligner la peine à « se mettre au travail », l’auteur compare l’écoulement de sa « sueur » et celui de son « encre ».

2.

« le 6 juin 1953 », in Le Passé défini, t.2, p. 136.

3.

Taches, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 1153.

4.

« De la tache… », Clair-obscur, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 845.

5.

« Sixième période », Le Requiem, op.cit, p. 1121.

6.

« Quatrième période », pp. 1104-1105.

7.

« Ariane », in Le Potomak, op. cit., p. 172.

8.

« Le mot », Appogiatures, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 805.

1.

« Parfois mon encre… », Clair-obscur, op. cit., p. 848.

2.

« De la lecture », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 83.

3.

« Préface », Le Requiem, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 1029.

1.

« De l’invisibilité », in Journal d’un inconnu, op. cit., p. 32.

2.

« le 7 novembre 1954 », in Le Passé défini, t.3, op. cit., p. 280.

3.

« Noël 1954 », op. cit., pp. 308-309.

4.

Le secret professionnel, in Poésie critique, t.1, op. cit., p. 46.

1.

 Trenet parfait ménétrier précède le cortège de la noce, in Cahiers Jean Cocteau, nouvelle série, n°2, op. cit., p. 210.

2.

Secrets de beauté, op. cit., p. 176.

3.

Préface au passé, in Poésie critique, t.1, op. cit., p. 12.

4.
« Du théâtre », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 53.
5.

Lettre du 16 août 1922, in Jean Cocteau /Max Jacob : correspondance 1917-1944 , op. cit., p. 103.

6.

Le secret professionnel, in Poésie critique, t.1, op. cit., pp. 32-33.

7.

« Du travail et de la légende », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 27.

8.

Christian Bérard, in Cahiers Jean Cocteau, n°10, op. cit., pp. 130-131.

3.

Portraits-souvenir, op. cit., pp. 815-816.

4.

En marge de Taches, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 1155.

5.

« Des mots », in La Difficulté d’être, op. cit., pp. 162-163.

6.

« septembre 1951 », in Le Passé défini, t.1, op. cit. p. 45.

1.

La Belle et la Bête, Du Rocher, Monaco, 1989.

2.

Man Ray, in Mes Monstres sacrés, op. cit., p. 134.

1.

A propos d’Antigone, in Cahiers Jean Cocteau, n°10, op. cit., p. 93.

2.

Lettre du 13 octobre 1926, in Jean Cocteau /Jacques Maritain : correspondance 1923-1963, op. cit., p. 131.

3.

« Des mots », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 162.

4.

« Deuxième période », Le Requiem, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 1062.

1.

« Des traductions », in Journal d’un inconnu, op. cit., p. 128.

2.

« le 15 mars 1953 », in Le Passé défini, t.2, op. cit., p. 373.

3.

« Préface », Le Requiem, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., pp. 1030-1031.

4.

« le 20 décembre 1953 », in Le Passé défini, t. 2, op. cit., p. 406.

1.

Le secret professionnel, in Poésie critique, t.1, op. cit., p. 66.

2.

« le 28 juin 1954 », in Le Passé défini, t.3, op. cit., p. 155.

3.

« le 8 décembre 1952 », in Le Passé défini, t.1, op. cit., p. 395.

4.

« Des mots », in La Difficulté d’être, op. cit., pp. 163-164. Souligné par l’auteur.

1.

« Des mots », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 164.

2.

La Princesse de Clèves, in Poésie critique, t. 1, op. cit., p. 270.

3.

Discours de réception à l’Académie Française, in Poésie critique, t.2, Gallimard, Paris, 1960, p. 163.

4.

« Huitième entretien », in Entretiens avec André Fraigneau, op. cit., pp. 85-86.

1.

« De Guillaume Apollinaire », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 140.

2.

Le secret professionnel, in Poésie critique, t.1, op. cit., pp. 46-47.

3.

Le Discours du grand sommeil, in Œuvre poétiques complètes, op. cit., p. 402.

1.

Pourquoi j’ai composé de la musique, in Cahiers Jean Cocteau, nouvelle série, n°2, op. cit., p. 204.

2.

 Préface au passé, in Poésie critique, t.1, op. cit., p. 11.

3.

« le 5 février 1954 », in Le Passé défini, t.3, op. cit., pp. 44-47.

1.

Jean Burgos, Pour une poétique de l’imaginaire, Seuil, Paris, 1982, p. 10.

1.

« Poème inédit écrit à l’encre sympathique », Poèmes épars 1945-1963, in Œuvres poétiques complètes, op. cit., p. 1186.

2.

« De la responsabilité », in La Difficulté d’être, op. cit., pp. 210-211.

3.

« Des traductions », in Journal d’un inconnu, op. cit., pp. 128-129.

1.

Jean Cocteau par Jean Cocteau : entretiens avec William Fifield, op. cit., pp. 34-35.

2.

Opium, op. cit., p. 155.

1.

Le discours d’Oxford, in Poésie critique, t.2, op. cit., pp. 181-182.

2.

Apollinaire, in Poésie critique, t.1, op. cit., p. 89.

3.

Idem, p. 94.

4.

« De la mesure », in La Difficulté d’être, op. cit., p. 93.

1.

Le mythe du Greco, in Poésie critique, t.1, op. cit., p. 191.