La société communale, la société contre le snobisme

Constatons ensuite que la structure sociale de Combray est aussi fidèle à l’archétype des communes médiévales formé par les historiens du XIXe siècle. Comme Jean de Grandsaigne le dit, aucun paysan n’y habite 69 — certes, Françoise est née paysanne. La population se compose de deux groupes : le groupe des habitants que le narrateur appelle « bourgeois de Combray » (que l’on peut définir, en rapport aux grands bourgeois parisiens, comme petits bourgeois de province 70 ) et le groupe des domestiques et des boutiquiers. Selon Jean de Grandsaigne, ces deux groupes constituent l’unité sociale, celle du peuple : « pour Combray, le “peuple” n’est pas une classe sociale, c’est toute la société ; ce sont tous les habitants qui le constituent ; ce sont tous les “combraysiens” qui en font partie.  71  » Selon l’Histoire de France depuis les Origines jusqu’à la Révolution, déjà citée plus haut, au XIe siècle, la ville de province suit un certain mouvement lié à l’industrie et au commerce et possède un marché. Chez Proust, d’une part, Combray a un marché sur la place devant l’église 72 , d’autre part, Roussainville en a un plus riche, où, chaque samedi, Françoise va faire ses courses, et, d’après ce que dit le curé à propos de Roussainville, « ce n’est plus aujourd’hui qu’une paroisse de fermiers, quoique dans l’antiquité cette localité ait dû un grand essor au commerce des chapeaux de feutre et des pendules.  73  » Par ailleurs, Achille Luchaire nous apprend qu’à l’intérieur de la société communale du Moyen Âge, la liberté et l’égalité ont été garanties dans une certaine mesure. La liberté vis-à-vis des seigneurs d’abord : l’historien nie que, dès le début de l’époque capétienne, les bourgeois en aient joui (c’est, d’après lui, une idée admise par les historiens du XIXe siècle parmi lesquels compte l’Augustin Thierry des Lettres sur l’Histoire de France), mais il souligne qu’avec la croissance économique, ils sont progressivement arrivés à l’obtenir. Il appelle ce mouvement « révolution communale » et y voit l’avènement de la démocratie. L’égalité ensuite : certes, elle est inconciliable avec le système féodal, mais l’esprit de l’égalité a été engendré à travers ce changement social dans les milieux bourgeois 74 . Par ailleurs, cette société close de Combray accomplit ce que Jean de Grandsaigne appelle « l’unanimisme social 75  ». Il est vrai que les castes existent et que l’esprit féodal est toujours vivant, mais, au sein de chaque classe (celle des bourgeois et celle des domestiques), l’égalité et la liberté sont réalisées dans une certaine mesure.

Ainsi, il nous semble que toute son érudition sur le Moyen Âge sert au romancier à élaborer les aspects médiévaux de la géographie et de la société de Combray. Il est vrai que le souvenir d’Illiers est présent dans la Recherche. Pourtant, il ne faudra pas oublier que Proust a eu plusieurs fois l’occasion de connaître la géographie de la ville typiquement médiévale : l’étude de l’art religieux de l’époque, la traduction de Ruskin et les voyages pour visiter les cathédrales préférées de ce dernier 76 . En effet, à partir de sa première crise d’asthme qu’il a eue en 1881, il n’est allé à Illiers qu’une fois, lors des funérailles de sa tante Élisabeth Amiot, en 1886. Anne Borel n’a pas tort de dire ceci en confrontant l’Illiers réel, et le Combray fictif : d’une part, « la géographie de Marcel Proust n’obéit qu’à des données personnelles, subjectives, sensibles. […] Les données géographiques qui paraissent organiser l’espace du roman sont de pures métaphores, le roman lui-même ne renvoyait qu’à sa propre image, à sa propre structure, à sa propre création. » La critique ajoute : « Comme les personnages, cependant, la géographie et les paysages, constamment présents, participent à l’économie du roman. Ils y jouent un grand rôle, voire des rôles, spécifiques.  77  » Pourtant, il nous semble certain qu’en se référant aux recherches historiques de son époque, Proust compose la ville de Combray, comme Jean de Grandsaigne l’imagine. D’abord, il s’est passionné pour la lecture des livres d’Augustin Thierry. Certes, ce dernier fait partie de la génération antérieure aux historiens de l’époque comme Ernest Lavisse, mais dans cette idéalisation du Moyen Âge qui s’est accomplie au cours du XIXe siècle, il a joué un certain rôle. Proust lit les Lettres sur l’Histoire de France en 1903 et, dans une lettre, il écrit justement, à propos de l’opposition entre les bourgeois et les aristocrates ou bien les clercs : « ces pauvres bourgeois et paysans enthousiastes eurent à souffrir du clergé et de l’aristocratie, particulièrement à Vézelay 78  ». Ensuite, nous pouvons supposer qu’il a lu certains ouvrages de Lavisse, car deux lettres que sa mère lui a adressées nous apprennent qu’elle en a été une lectrice passionnée 79 , il faut d’ailleurs prendre en compte la notoriété de cet historien 80 .

Or, Jean de Grandsaigne souligne que l’idée qu’au Moyen Âge la liberté et l’égalité ont été acquises par les bourgeois communaux n’est qu’un mythe sous-tendu par deux conceptions, celle de « Peuple » et celle de « Démocratie ». Les historiens bourgeois de la seconde moitié du XIXe siècle (c’est-à-dire après la Révolution de 1848) et du début du XXe siècle l’ont créée pour justifier la Révolution bourgeoise et le système industriel et capitaliste. Signalons qu’Achille Luchaireutilise le mot « révolution » et le mot « démocratie », pour expliquer ce qu’était le mouvement communal, il met également en rapport le peuple rebelle du Moyen Âge avec les socialistes ou le mouvement socialiste du XIXe siècle. D’après Jean de Grandsaigne, Proust ne trouve pas ce mythe vraisemblable, mais il s’en sert pour souligner l’aspect euphorique de l’enfance à travers les métaphores liées au Moyen Âge. Le critique démontre d’ailleurs que l’affrontement des classes n’est pas absent de la société combraysienne, quoiqu’elle soit décrite en apparence comme une société égalitaire 81 . C’est ce que suggère l’épisode de la fille de cuisine : elle est harcelée et chassée par Françoise 82 .

Pourtant, il faut comprendre qu’en décrivant l’univers de la bourgeoisie de Combray, Proust essaie de mettre en parallèle les Combraysiens et les bourgeois parisiens. Alors que ces derniers sont plus ou moins arrivistes, les autres choisissent de rester petits bourgeois de province.

Voyons Swann, l’oncle Adolphe, Legrandin et même le père du narrateur. Ils sont certes de Combray mais ils sont Parisiens. Tous sont plus ou moins snobs 83 . De ce point de vue, comme Serge Gaubert le remarque en opposant Paris à Combray qu’il définit comme terre maternelle, chez Proust, Paris est avant tout un « théâtre cruel 84  » de mondains. Voyons comment après la mort de son père, Gilberte récompense l’amour paternel : elle cherche à cacher son origine juive en effaçant le nom de « Swann 85  » quand elle appose sa signature. Est-ce que cette profanation suscite un certain plaisir pervers chez elle comme dans le cas de Mlle Vinteuil qui se sert d’une photographie de son père défunt pour le rite sadique ? La réponse sera négative. Ce n’est que le snobisme qui la pousse. Sa conduite est justement le contraire de celle de Mlle Vinteuil qui, en restant à Montjouvain, consacre sa vie, en aidant sa bien-aimée, à déchiffrer la partition du Septuor que son père a laissée illisible. Il va sans dire que ce travail bien difficile est lié au souhait d’expier les péchés qu’elle a commis auprès de son pauvre père et de le ressusciter 86 . Gilberte n’en a pas l’intention :

‘« […] je ne pouvais m’empêcher de penser à [Mlle de Forcheville] avec désolation. Quoi ? fille de Swann, qu’il eût tant aimé voir chez les Guermantes […]. Mais quand à cette fille Swann disait parfois, en la serrant contre lui et en l’embrassant : “C’est bon, ma chérie, d’avoir une fille comme toi ; un jour, quand je ne serai plus là, si on parle encore de ton pauvre papa, ce sera seulement avec toi et à cause de toi”, Swann, en mettant ainsi pour après sa mort un craintif et anxieux espoir de survivance dans sa fille, se trompait […] 87  »’

Le snobisme produit un effet infernal dans un sens différent de celui qui est causé par le sadisme. Rappelons que le narrateur considère le sadisme de Mlle Vinteuil comme un fruit de son cœur véritablement vertueux 88 . Le snobisme de Gilberte se définit par l’envie de cacher son origine, envie qu’elle partage avec le narrateur :

‘« […] autrefois j’avais cru me diminuer aux yeux de Mme de Guermantes en avouant la petite situation que ma famille occupait à Combray. Je me demandai si elle n’avait pas été révélée aux Guermantes et à M. de Charlus, soit par Legrandin, ou Swann, ou Saint-Loup, ou Morel. Mais cette prétérition même était moins pénible pour moi que des explications rétrospectives. Je souhaitai seulement que M. de Charlus ne parlât pas de Combray.  89  »’

De même, de peur d’être mal vu par la duchesse de Guermantes, le narrateur souhaite qu’elle ignore que sa famille est de Combray (rappelons qu’au XIVe siècle, Combray s’est assujetti aux Guermantes après l’affrontement). Cette crainte n’est pas très loin de celle que Morel a éprouvée. Ce dernier cache la classe d’où il vient pour réussir dans le beau monde et dans celui de la musique. Monter à Paris peut impliquer l’abandon du pays natal, cela fut un phénomène social au XIXe siècle. C’est le cas d’Adrien Proust, le père de Marcel.

Les vrais citoyens de Combray ignorent cette nécessité de cacher l’origine. Ce serait inutile parce que tous se connaissent 90 . L’idée d’ascension sociale ou mondaine est absente de la ville provinciale qui se montre une communauté fermée.

Remarquons que, même pour les « snobs », elle peut être le lieu où l’on retourne au bout de la réussite. Après son succès mondain, le résultat de son mariage avec Saint-Loup, Gilberte se retire à Tansonville. Le cas de M. de Bréauté est différent car c’est la dégradation de sa situation mondaine qui lui impose sa retraite :

‘« “Ah ! Bréauté”, s’écria Mme de Guermantes en s’adressant à moi, “vous vous rappelez ça, comme c’est vieux, comme c’est loin ! Eh bien, c’était un snob. C’était des gens qui habitaient près de chez ma belle-mère. […]” […] Les amitiés, les opinions de Mme de Guermantes s’étaient tant renouvelées depuis ce moment-là qu’elle considérait rétrospectivement son charmant Babal comme un snob. D’autre part, il ne se trouvait pas seulement reculé dans le temps, mais, chose dont je ne m’étais pas rendu compte quand à mes débuts dans le monde je l’avais cru une des notabilités essentielles de Paris, […] il avait lui aussi sa marque provinciale, il était un voisin de campagne de la vieille duchesse, avec lequel la princesse des Laumes s’était liée comme tel. Pourtant ce Bréauté, dépouillé de son esprit, relégué dans des années si lointaines qu’il datait (ce qui prouvait qu’il avait été entièrement oublié depuis par la duchesse) et dans les environs de Guermantes, était, ce que je n’eusse jamais cru le premier soir à l’Opéra-Comique quand il m’avait paru un dieu nautique habitant son antre marin, un lien entre la duchesse et moi, parce qu’elle se rappelait que je l’avais connu, donc que j’étais son ami à elle […] 91  »’

Bréauté, qui est des environs de Guermantes, c’est-à-dire de ceux de Combray (il est voisin de campagne de Swann autant que des Guermantes), devient, grâce à son esprit, l’un des personnages brillants dans le faubourg Saint-Germain, et retourne à son village. Il faut noter que le narrateur considère cette retraite à la fois comme le « recul dans le temps » et comme la retraite géographique, c’est-à-dire le retour au pays d’origine. Ainsi, pour la duchesse, Bréauté est redevenu un snob des environs de Combray qui, pour elle, est un pays d’origine très lointain dans le double sens — temporel et spatial. Ultérieurement, nous verrons que Proust présente le vieillissement de quelques personnages comme un retour au premier âge. Par ailleurs, chez d’autres personnages vieillis, les traits héréditaires deviennent explicites. Cela est considéré par le narrateur comme un retour à l’état d’origine. C’est aussi le vieillissement, c’est-à-dire l’« action destructrice du Temps 92  », qui est la raison de la retraite de Bréauté. Pour lui, comme pour Gilberte, Combray est le lieu où retourner au bout du voyage dans le faubourg Saint-Germain. Pierre Zima écrit : « Au point de vue du snob déçu, Combray représente donc le monde idéal, l’asile du rêve, constamment menacé dans la vie adulte, par la confrontation avec la réalité.  93  » Dans La Chartreuse de Parme, le château de Brianta sur le lac de Côme joue le même rôle pour Gina : « Là, se disait-elle, je trouverai le repos, et, à mon âge, n’est-ce pas le bonheur ? (Comme elle avait trente et un ans elle se croyait arrivée au moment de la retraite.) Sur ce lac sublime où je suis née, m’attend enfin une vie heureuse et paisible. » Il en sera de même du narrateur de la Recherche. Mais cela lui arrivera dans la réminiscence et l’écriture.

Ainsi, on peut dire qu’il existe deux types de Combraysiens : premièrement, de vrais citoyens qui ignorent le snobisme et restent au pays en acceptant d’être petits bourgeois de province ; deuxièmement, des arrivistes qui montent à Paris, avec une ambition plus ou moins mondaine. Les premiers reprochent aux seconds d’avoir dévié de la morale bourgeoise, c’est-à-dire de la morale formée par la petite bourgeoisie de Combray : ils transgressent inévitablement la loi hiérarchique. On peut facilement illustrer cela par le jugement que porte la grand-tante sur Swann : elle le considère comme socialement dégradé, sachant qu’il fréquente les aristocrates 94 . Au fil des années, le narrateur lui-même subira ce genre de blâme, notamment lors de ses malheureuses spéculations boursières :

‘« On le sut d’ailleurs à Combray dans ce qui restait de notre famille et de nos relations, et comme on savait que je fréquentais le marquis de Saint-Loup et les Guermantes, on se dit : “Voilà où mènent les idées de grandeur.” On y eût été bien étonné d’apprendre que c’était pour une jeune fille d’une condition aussi modeste qu’Albertine, presque une protégée de l’ancien professeur de piano de ma grand-mère, Vinteuil, que j’avais fait ces spéculations. D’ailleurs dans cette vie de Combray où chacun est à jamais classé dans les revenus qu’on lui connaît comme dans une caste indienne, on n’eût pu se faire une idée de cette grande liberté qui régnait dans le monde des Guermantes où on n’attachait aucune importance à la fortune, où la pauvreté pouvait être considérée comme aussi désagréable, mais comme nullement plus diminuante, comme n’affectant pas plus la situation sociale, qu’une maladie d’estomac. Sans doute se figurait-on au contraire à Combray que Saint-Loup et M. de Guermantes devaient être des nobles ruinés, aux châteaux hypothéqués, à qui je prêtais de l’argent […] 95  »’

Les Combraysiens n’aiment pas les aristocrates, ni celui qui les fréquentent. La communauté petite-bourgeoise de Combray est euphorique pour les habitants à moins qu’ils ne transgressent ses règles hiérarchiques et morales. Swann commet deux erreurs : la fréquentation des aristocrates (l’erreur au niveau hiérarchique) et le mariage avec une cocotte (l’erreur au niveau moral 96 ). Mais elles ne sont pas impardonnables relativement à celle de Mlle Vinteuil. La faute de celle-ci rend infernales les dernières années de son père. Par conséquent, bien que ce dernier se soit comporté avec dureté envers Swann parce qu’il a épousé Odette, une fois que sa propre fille a noué une relation homosexuelle avec une femme, il change de jugement au sujet de Swann. Selon le narrateur, l’homosexualité n’est qu’« une de ces situations qu’on croit à tort être l’apanage exclusif du monde de la bohème ». Mais comme Vinteuil ne sait se délivrer du « jugement d’ordre social » qu’il « portait exactement comme l’eût fait l’habitant de Combray qui lui eût été le plus hostile », il se sent condamné 97 . À la fin, le sentiment de déshonneur le tuera. Aussi faut-il dire que l’égalité et la liberté ne sont garanties pour les habitants qu’à condition qu’ils respectent les tabous. Aussi René Girard a-t-il raison de dire que « Combray est une culture fermée, au sens ethnologique du terme 98  ». La raison pour laquelle Proust utilise le mot « caste » afin d’expliquer les idées sociales des Combraysiens est évidente 99 .

Pourtant, les Combraysiens n’excluent ni Swann ni Vinteuil ni sa fille, ils peuvent rester habitants de la ville, alors que Mme Verdurin persécute et chasse effectivement de son salon Swann et, plus tard, Charlus, en les jugeant « ennuyeux ». Est-ce que cela veut dire que, malgré tout, Combray demeure paradisiaque ? Il ne peut l’être que dans l’imagination d’un enfant, protégé par sa famille et ainsi irresponsable de toute la réalité, ce qu’est le narrateur enfant, comme le dit Pierre Zima 100 . Proust dirait que ce sont des « années caractérisées par un rêve 101  ». À travers tous les événements qui s’y déroulent, il apprend quel sera le monde vers lequel il se dirige. Voyons ce qu’il dit à propos de la taquinerie par laquelle la grand-tante tourmente la grand-mère, en faisant prendre un verre de cognac au mari de cette dernière alors que les liqueurs lui sont interdites :

‘« Ce supplice que lui infligeait ma grand-tante, le spectacle des vaines prières de ma grand-mère et de sa faiblesse, vaincue d’avance, essayant inutilement d’ôter à mon grand-père le verre à liqueur, c’était de ces choses à la vue desquelles on s’habitue plus tard jusqu’à les considérer en riant et à prendre le parti du persécuteur assez résolument et gaiement pour se persuader à soi-même qu’il ne s’agit pas de persécution ; elles me causaient alors une telle horreur, que j’aurais aimé battre ma grand-tante. Mais dès que j’entendais : “Bathilde, viens donc empêcher ton mari de boire du cognac !” déjà homme par la lâcheté, je faisais ce que nous faisons tous, une fois que nous sommes grands, quand il y a devant nous des souffrances et des injustices : je ne voulais pas les voir ; je montais sangloter tout en haut de la maison à côté de la salle d’études, sous les toits, dans une petite pièce sentant l’iris […] 102  »’

L’enfance du narrateur décrite dans « Combray I » et « Combray II » forme déjà la première étape de son apprentissage dans le monde. Notons que l’histoire de Combray comporte déjà toutes les matières primordiales de la Recherche : la perversion, la judéité, le snobisme, l’amour, l’art… La vision de l’univers que Combray lui donne décidera de son avenir. Car Combray, c’est une réserve de rêves et une source de désirs.

Notes
69.

L’espace combraysien. Monde de l’enfance et structure sociale dans l’œuvre de Proust, op. cit., p. 104.

70.

Le narrateur le dit : « je […] n’étais qu’un petit bourgeois de Combray au temps où [la duchesse de Guermantes] venait à la messe de mariage de Mlle Percepied […] » (TR, p. 585).

71.

L’espace combraysien. Monde de l’enfance et structure sociale dans l’œuvre de Proust, op. cit., p. 104.

72.

CS, I, II, p. 64 et 123.

73.

CS, I, II, p. 103.

74.

Achille Luchaire, Les Premiers capétiens, op. cit., p. 354-372.

75.

L’espace combraysien. Monde de l’enfance et structure sociale dans l’œuvre de Proust, op. cit., p. 104.

76.

Voir Jean-Yves Tadié, Marcel Proust, op. cit., p. 21-28.

77.

« Les plaines du temps perdu », in BSAMP, n° 43, 1993, p. 120.

78.

Corr., t. III, p. 432. La lettre est datée du 26 octobre 1903 et adressée à Mme de Noailles. De même que l’abbaye de Jumièges, celle de Vezelay est l’un des modèles de l’église de Combray. Voir Françoise Chenet-Faugeras, « Du côté de Jumièges… », in BIP, n° 31, 2000, p. 143.

79.

L’une est écrite en 1890 (Corr., t. I, p. 138-139) et l’autre en 1892 (ibid., p. 180-181). On sait que le livre qu’elle a lu en 1892 est La jeunesse du Grand Frédéric, qui porte donc sur l’histoire de Prusse. Elle l’apprécie davantage que Le Banquet à la rédaction duquel son fils participe : « Ce matin j’ai lu un Lavisse — ancien — sur la jeunesse du grand Frédéric dont n’en déplaise à Loup, toutes les gammes chromatiques du Banquet n’eussent pu me distraire. » Quant à l’autre, on ne sait son titre. Elle dit simplement : « Moi je me trouve contente avec Lavisse et suis toute prête à y faire succéder Michelet (mais pas deux soleils à la fois). »

80.

Voir Antoine Compagnon, La Troisième République des lettres. De Flaubert à Proust, op. cit., p. 31-35. Lavisse est l’un des fondateurs de la Revue de Paris, dont Fernand Gregh, l’ami de Proust, fut secrétaire de rédaction.

81.

Nous reviendrons sur ce sujet dans la deuxième partie.

82.

L’espace combraysien. Monde de l’enfance et structure sociale dans l’œuvre de Proust, op. cit., p. 119-135.

83.

Jean de Grandsaigne écrit à propos du snobisme du père du narrateur : « […] à Combray, Legrandin n’est pas seul à être snob ; le père du héros l’est aussi. Et n’est-ce d’ailleurs pas pour cela, parce qu’il connaît si bien les symptômes de la maladie du snobisme, que le père est le premier à les découvrir chez Legrandin ? […] à Paris, le père adorera Norpois et s’enorgueillira de recevoir Cottard. » (Ibid., p. 141).

84.

Proust et le roman de la différence. L’individu et le monde social de « Jean Santeuil » à « La Recherche », op. cit., p. 205.

85.

Un jour, il lui arrive, étant obligée de préciser le nom de son père non pas adoptif (Forcheville) mais véritable (Swann), de prononcer « Svann » au lieu de « Souann » (AD, II, p. 165). Par ailleurs, elle essaie de signer « G. S. Forcheville » : « Gilberte préférait que les journaux l’appelassent Mlle de Forcheville. Il est vrai que pour les écrits dont elle avait elle-même la responsabilité, ses lettres, elle ménagea quelque temps la transition en signant G. S. Forcheville. La véritable hypocrisie dans cette signature était manifestée par la suppression bien moins des autres lettres du nom de Swann que de celles du nom de Gilberte. En effet en réduisant le prénom innocent à un simple G, Mlle de Forcheville semblait insinuer à ses amis que la même amputation appliquée au nom de Swann n’était due aussi qu’à des motifs d’abréviation. Même elle donnait une importance particulière à l’S, et en faisant une sorte de longue queue qui venait barrer le G, mais qu’on sentait transitoire et destinée à disparaître comme celle qui, encore longue chez le singe, n’existe plus chez l’homme. » (Ibid., p. 166-167).

86.

Pr., p. 765-766. Lors de la mort de Vinteuil, la mère du narrateur le prédira à son insu, en pensant au destin du musicien et à l’œuvre qu’il a laissée inachevée : « Pauvre M. Vinteuil, disait ma mère, il a vécu et il est mort pour sa fille, sans avoir reçu son salaire. Le recevra-t-il après sa mort et sous quelle forme ? Il ne pourrait lui venir que d’elle. » (CS, I, II, p. 158).

87.

AD, II, p. 171.

88.

CS, I, II, p. 162.

89.

TR, p. 373.

90.

« On connaissait tellement bien tout le monde, à Combray, bêtes et gens, que si ma tante avait vu par hasard passer un chien “qu’elle ne connaissait point”, elle ne cessait d’y penser et de consacrer à ce fait incompréhensible ses talents d’induction et ses heures de liberté. » (CS, I, II, p. 57).

91.

TR, p. 584-586.

92.

TR, p. 508.

93.

Le Désir du mythe. Une lecture sociologique de Marcel Proust, Paris, Éditions A.-G. Nizet, 1973, p. 47. C’est le critique qui souligne. Il relève, comme exemple, la lassitude causée par la vie mondaine que Legrandin éprouve après que le mariage entre son neveu et la fille adoptive de Charlus lui ait apporté la réussite mondaine. Par ailleurs, le narrateur remarque également une jeune femme élégante qui s’est retirée à Combray (CS, I, II, p. 168).

94.

« […] quelqu’un qui choisissait ses fréquentations en dehors de la caste où il était né, en dehors de sa “classe” sociale, subissait [aux] yeux [de la grand-tante] un fâcheux déclassement. » (CS, I, I, p. 21).

95.

AD, III, p. 219.

96.

Rappelons que la brouille entre la famille du narrateur et l’oncle Adolphe intervient lorsque ce dernier présente une cocotte à son neveu (CS, I, II, p. 78).

97.

CS, I, II, p. 145-148. En remerciant Swann de sa gentillesse envers lui et sa fille, Vinteuil montre son appréciation pour lui en s’adressant à la famille du narrateur : « Quel homme exquis ! Quel malheur qu’il ait fait un mariage tout à fait déplacé. » (Ibid., p. 147).

98.

« Les mondes proustiens », in Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Éditions Bernard Grasset, 1961, p. 221.

99.

À cet égard, Marie Miguet-Ollagnier étudie le livre écrit par le père de Proust après son voyage de mission sanitaire en Inde et démontre que l’emploi du mot « caste » pour décrire la société ethnologiquement fermée de Combray est un clin d’œil du souvenir de son père (« Adrien et Marcel Proust devant l’anthropologie et l’ethnologie », in Littérature et médecine, 1999, p. 185-195).

100.

Le Désir du mythe. Une lecture sociologique de Marcel Proust, op. cit., p. 44-48.

101.

Carnets, op. cit., p. 34, déjà cité.

102.

CS, I, I, p. 12.