La caractéristique récurrente du temps socio-historique

La société change chez Proust. Au fur et à mesure, chaque individu mène son combat, économique ou mondain. On ne peut nier que ce changement de la société reflète la réalité historique et les observations — quasi socio-historiques — du romancier sur son époque. Dès lors, il est pertinent de voir si ce changement de la société dans le roman traduit une conception du mouvement du temps sur le plan socio-historique qui serait propre à Proust.

Selon Jacques Le Goff, à partir de la fin du XIXe siècle, les historiens tentent, d’une part, de trouver les lois de l’histoire et, d’autre part, de découvrir le sens de l’histoire, pour que leur recherche puisse être une étude scientifique. Or, au temps de Proust, c’est l’époque du progressisme. Ainsi, on avait tendance à considérer le sens de l’histoire comme linéaire. Quant à Proust, il se détourne de cette conception. Certes, il ne renie pas catégoriquement l’évolution de l’humanité ; il dégage une sorte d’évolution du temps dans le changement de la société. Mais cette évolution ne se déroule ni progressivement ni irréversiblement dans la Recherche. Du point de vue sociologique, Catherine Bidou-Zachariasen remarque que le temps social s’y écoule en traçant un cycle 941 .

Or, quelques critiques tentent de saisir la structure temporelle de la Recherche de façons différentes. En analysant les thèmes récurrents du roman, Chantal Robin observe que le temps court en spirales 942 . En s’attachant au fait que « la fin se boucle sur l’ouverture » dans le roman, Jean Rousset en conclut la structure circulaire du récit 943 . Par ailleurs, Marie Miguet-Ollagnier observe que le récit est rythmé par le mouvement périodique des quatre saisons, en illustrant cela en particulier à travers la fonction de Pâques dans la composition du récit 944 . Que pouvons-nous dégager du mouvement du temps socio-historique chez Proust ?

Notes
941.

Proust sociologie. De la maison aristocratique au salon bourgeois, op. cit., p. 201.

942.

« L’imaginaire du “Temps retrouvé”, hermétisme et écriture chez Proust », in Cahiers de recherche sur l’imaginaire, nº 7, Paris, Éditions Lettres Modernes, 1977, p. 62-66.

943.

« Proust. À la recherche du temps perdu », in Forme et signification, essais sur les structures littéraires de Corneille à Claudel, Paris, Librairie José Corti, 1962, p. 144.

944.

La Mythologie de Marcel Proust, op. cit., p. 303-314.