Ce qui permet à Proust d’observer l’évolution du temps ou le changement de la société et de les illustrer dans son roman, semble être avant tout la transmutation de la mode, dans l’ameublement ou l’habillement.
Il va sans dire que rien ne révèle plus visiblement les vicissitudes de la société et la fugacité des choses que la mode. Dans la Recherche, si l’on prête attention à la manière dont Odette s’habille et décore son salon, on voit clairement le caractère éphémère de la mode d’autant plus que le « goût d’Odette est bien anéantissement 945 ». En effet, comme nous l’avons rapidement vu plus haut, aux dernières pages de Du côté de chez Swann, le romancier met en parallèle le goût d’Odette à l’époque où le narrateur était amoureux de sa fille 946 et la mode juste avant la Grande Guerre : en se promenant au bois de Boulogne en automne 1913, le narrateur reconnaît que les automobiles ont remplacé les victorias de luxe, que les femmes portent des chapeaux énormes et surchargés 947 plutôt que de s’en couronner de petits comme autrefois (c’est-à-dire comme à l’époque où il était amoureux de Gilberte), tandis que les hommes ne se couvrent plus. Quant aux robes, le romancier écrit toujours ironiquement :
‘« Au lieu des belles robes dans lesquelles Mme Swann avait l’air d’une reine, des tuniques gréco-saxonnes relevaient avec les plis des Tanagra, et quelquefois dans le style du Directoire, des chiffons liberty semés de fleurs comme un papier peint. 948 »’Dans le passé, Mme Swann s’habillait « en paletot de loutre » et portait sur sa tête « un simple béret » décoré par « deux couteaux de plumes de perdrix 949 ».
Puis, le narrateur évoque nostalgiquement l’appartement des Swann tel qu’il était auparavant : les murs étaient peints de couleurs sombres, le salon était une sorte de pêle-mêle de bibelots extrême-orientaux collectionnés par Odette à l’époque où se déroule « Un amour de Swann » et de meubles de style Louis XVI 950 qu’elle a commencé à apprécier au moment où le narrateur était amoureux de sa fille. À l’intérieur de l’appartement, autant que dans le jardin, fleurissaient des chrysanthèmes roses et blancs 951 . Ainsi, il est désolé qu’il n’y ait plus maintenant à Paris que des « appartements Louis XVI tout blancs, émaillés d’hortensias bleus 952 ». Ce texte illustre bien le fait que l’on peut reconnaître le caractère changeant de la mode avec le temps dans la décoration florale comme dans l’ameublement.
Le narrateur éprouve au cours de cette promenade au Bois à la fin de Du côté de chez Swann, lorsqu’il constate la modification de la mode, un sentiment de mélancolie, au sens romantique du terme : le « Jardin 953 » mythologique, ou encore ce qu’il appelle « le Jardin élyséen de la Femme 954 », perd sa divinité du fait que la « croyance » en la beauté de l’élégance féminine forgée chez le narrateur dans sa « jeunesse » s’est effondrée :
‘« Mais quand disparaît une croyance, il lui survit — et de plus en plus vivace pour masquer le manque de la puissance que nous avons perdue de donner de la réalité à des choses nouvelles — un attachement fétichiste aux anciennes qu’elle avait animées, comme si c’était en elles et non en nous que le divin résidait et si notre incrédulité actuelle avait une cause contingente, la mort des Dieux. 955 »’Si le narrateur tombe dans la mélancolie, ce n’est pas seulement qu’il est « déjà trop vieux » mais aussi que la « réalité qu’il [a connue] n’ [existe] plus 956 ». Ce regret le conduit à cette fameuse affirmation de la fin du volume : « les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années. 957 » La mode est ainsi capable de faire saisir la fugacité des choses et l’écoulement du temps collectif, et dans ce cas, l’évolution de la société.
Proust observe néanmoins dans la mode non seulement la caractéristique éphémère mais aussi le trait répétitif, comme le suggère ce texte qui raconte le passage du narrateur dans le Bois. On peut faire les deux remarques suivantes : d’une part, dans la mode vestimentaire, la résurgence du style anglais qui fut une fois en vogue au XVIIIe siècle et du style Directoire ; d’autre part, la réapparition du style Louis XVI dans la mode décorative. Toutes les nouveautés en 1913 ne sont en effet que des récurrences d’autres modes passées. Walter Benjamin a raison de dire : « la mode cite un costume d’autrefois. La mode sait flairer l’actuel, si profondément qu’il se niche dans les fourrés de l’autrefois. Elle est le saut du tigre dans le passé. 958 » Le romancier dégage ce caractère récurrent de la mode dans différentes pages de son œuvre, toutefois de façon fragmentaire. Nous tenterons d’emblée de clarifier cela.
Posons d’abord la question suivante : comment Proust décrit-il le mouvement répétitif de la mode décorative ? Le changement de goût d’Odette nous oriente toujours vers la réponse. Nous avons déjà noté que, dans « Un amour de Swann », le salon était un amalgame de bibelots orientaux 959 : il rassemble des « étoffes orientales », des « fils de chapelets turcs », « une grande lanterne japonaise », « une caisse rectangulaire » pour chrysanthèmes, des « palmiers contenus dans des cache-pots de Chine », des « éventails », des « coussins de soie japonaise » et des « potiches chinoises 960 ». Soit que Proust ait l’intention de montrer la bêtise d’Odette par cette description, soit que cette dernière soit une parodie d’une page de L’Éducation sentimentale de Flaubert, comme le remarque Luc Fraisse 961 , il est indéniable qu’elle illustre à quel point Odette est sensible à ce qui est en vogue et combien le japonisme est répandu au cours de la seconde moitié du XIXe 962 . En effet, depuis que l’ameublement japonais a été présenté à l’exposition universelle de 1867, le japonisme est une manifestation importante dans le mouvement artistique et social fin de siècle d’autant plus que les Goncourt l’apprécient 963 . Il va sans dire que la mode des chrysanthèmes relève également de ce phénomène.
Ensuite, à l’époque où se déroule À l’ombre des jeunes filles en fleurs I, Odette commence à être attirée par l’ameublement Louis XVI. La vogue du mobilier Louis XVI prend de l’ampleur juste avant la Grande Guerre d’après les propos du narrateur à la fin de Du côté de chez Swann. C’est-à-dire que l’art décoratif du XVIIIe siècle réapparaît (pour une nouvelle fois peut-être).
Parallèlement, on observe que l’ameublement de style Empire se retrouve également en vogue au fil du récit. Ce style resurgit sous le Second Empire, puis il tombe en désuétude dès la troisième République. Dans « Un amour de Swann » — après le Second Empire —, Oriane, pour se moquer des Iéna, de noblesse d’Empire, critique ce style avec violence et conclut son jugement en disant : « Mais ça ne peut pas être beau… puisque c’est horrible 964 ! » C’est pourquoi elle enferme les meubles de style Empire que son mari a hérités des Montesquiou dans les greniers de sa maison de campagne. Cependant, la mode de style Empire revient de nouveau comme Proust le précise dans la description du cabinet de travail de l’oncle Adolphe : si les gravures de style Empire ont été appréciées sous le règne de Napoléon III c’est « parce qu’on leur trouvait un air pompéien » ; si on désapprouve ensuite, et on recommence à apprécier ces gravures, c’est « pour une seule et même raison, malgré les autres qu’on donne et qui est qu’elles ont l’air second Empire. 965 » En effet, dans Le Côté de Guermantes, II, II, Oriane montre son admiration pour ce style qu’elle a jadis prétendu détester auprès de la princesse de Parme :
‘« Je vous dirai que j’ai toujours adoré le style Empire, même au temps où cela n’était pas à la mode. Je me rappelle qu’à Guermantes je m’étais fait honnir de ma belle-mère parce que j’avais dit de descendre du grenier tous les splendides meubles Empire que Basin avait hérités des Montesquiou, et que j’en avais meublé l’aile que j’habitais. 966 »’En outre, bien qu’elle sache que pour la princesse, les Iéna ne sont que de « purs usurpateurs », elle l’exhorte à aller chez eux pour apprécier leur mobilier 967 . Elle parvient ainsi à se forger une « philosophie » sur la mode dans le « Bal de têtes » : « toutes les modes reviennent, en robes, en musique, en peinture 968 », et en mobilier.
Du reste, d’après « À propos de Baudelaire » que Proust a rédigé en 1921, la vogue du style Empire se développe de nouveau après la Grande Guerre 969 . On trouve dans la Recherche, à la fin du « Bal de têtes », une allusion à la résurgence du style Empire après la guerre. Mme de Saint-Euverte, née La Rochefoucauld, habillée en « robe Empire », s’étend dans une chaise longue au « salon Empire » chez la princesse de Guermantes :
‘« Dans un petit salon Empire, […] on voyait à côté d’une psyché supportée par une Minerve une chaise longue, placée de façon rectiligne, mais à l’intérieur incurvée comme un berceau et où une jeune femme était étendue. […] on avait, […] allumé sur un trépied une urne où s’irisait une faible lueur. […] fière de ses belles soies rouges, elle pensait faire sur sa chaise longue un effet genre Récamier. […] C’est le Temps qu’elle berçait dans cette nacelle où fleurissaient le nom de Saint-Euverte et le style Empire en soies de fuchsias rouges. Ce style Empire, Mme de Guermantes déclarait l’avoir toujours détesté ; cela voulait dire qu’elle le détestait maintenant, ce qui était vrai car elle suivait la mode, bien qu’avec quelque retard. 970 »’Ici, Proust décrit en détail la résurgence de la mode de style Empire en ameublement aussi bien qu’en habillement. Déduisons-en d’emblée la représentation chronologique de la mode décorative chez Proust :
À l’égard du style vestimentaire d’Odette, on peut observer qu’elle change de robe de chambre selon la transmutation de son goût en ameublement, du japonisme au style Louis XVI : « Maintenant c’était plus rarement dans des robes de chambre japonaises qu’Odette recevait ses intimes, mais plutôt dans les soies claires et mousseuses de peignoirs Watteau 971 ». Malgré cela, une lecture minutieuse nous permet de remarquer une autre caractéristique de la mutation de son goût : certes, au début d’« Un amour de Swann », elle est définie comme l’une des femmes les plus habillées en nouveauté à l’époque 972 , mais plus elle mûrit, plus elle insiste pour conserver son élégance qu’elle a mis des années à mener à la perfection. Ainsi, on ne sait pas exactement à partir de quand son style cesse d’évoluer et devient démodé, au plus tard dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs I. Nous tenterons de préciser cela en étudiant sa préférence pour les perles.
Les perles d’Odette symbolisent cette persistance dans ses toilettes aussi bien que sa prédilection pour les tissus amples et fins. La perle est son matériau préféré tout au long du récit. Le narrateur explique pourquoi dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs I. Pour cette ancienne « cocotte », il est essentiel de soigner sa tenue d’intérieur ainsi que sa tenue de ville, car : « [le] point culminant de sa journée est celui non pas où elle s’habille pour le monde, mais où elle se déshabille pour un homme. » Ainsi, elle porte toujours des perles : « [d’] autres femmes montrent leurs bijoux, elle, elle vit dans l’intimité de ses perles. 973 » Sa préférence pour les tissus amples et fins ne change pas non plus, elle choisit sans cesse une « robe de crêpe de Chine » ou des « tuyautages de mousseline de soie 974 » pour ses habits d’intérieur comme à l’époque d’« Un amour de Swann » où elle recevait Swann en « peignoir de crêpe de Chine » 975 . Par ailleurs, le narrateur observe, dans le même texte, que le goût d’Odette est « déjà démodé 976 », au moment où il fréquente son salon, c’est-à-dire, dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs I. Néanmoins, il est pertinent de noter que l’essentiel dans ses toilettes vient du mélange entre ce qui est nouveau et ce qui est désuet. Il est surprenant que Proust écrive : « Mme Swann cependant avait voulu, avait su garder un vestige de certaines d’entre [les modes détrônées], au milieu même de celles qui les avaient remplacées. 977 » C’est ainsi que le style d’Odette se rapproche de la notion de transmission dans le domaine littéraire :
‘« Comme dans un beau style qui superpose des formes différentes et que fortifie une tradition cachée, dans la toilette de Mme Swann, ces souvenirs incertains de gilets, ou de boucles, parfois une tendance aussitôt réprimée au “saute en barque” et jusqu’à une allusion lointaine et vague au “suivez-moi jeune homme”, faisaient circuler sous la forme concrète la ressemblance inachevée d’autres plus anciennes qu’on n’aurait pu y trouver effectivement réalisées par la couturière ou la modiste […] 978 »’Anna Favrichon note : « Mme Swann porte la mode hors de la mode, la mode qui ne change pas, la mode en tant qu’Art 979 », pourtant, répétons que l’élégance d’Odette réside essentiellement dans une superposition de la nouveauté sur la tradition. Deux dizaines de pages plus loin, le narrateur compare l’élégance d’Odette à une œuvre d’art (une musique et une cathédrale 980 ). D’ailleurs, ses toilettes deviennent presque liturgiques d’autant plus qu’elles sont en harmonie avec le rythme de la nature 981 .
Mais la Grande Guerre introduit une exception dans cette règle, car l’élégance d’Odette devient celle qui est à la mode : même les veuves, en se dépouillant de leur vêtement de deuil, commencent à s’habiller en satin ou en mousseline de soie, pourtant, elles gardent leurs perles en signe de deuil 982 . Odette est obligée d’abandonner momentanément ses perles, d’autant plus que le génie de son style est d’être hors du temps :
‘« À ces réunions Mme Verdurin invitait quelques dames un peu récentes, connues par les œuvres et qui les premières fois venaient avec des toilettes éclatantes, de grands colliers de perles qu’Odette, qui en avait un aussi beau, de l’exhibition duquel elle-même avait abusé, regardait maintenant qu’elle était en “tenue de guerre” à l’imitation des dames du Faubourg, avec sévérité. 983 »’Pourtant, dès le retour de la paix en France, le principe d’Odette, c’est-à-dire “d’être hors du temps”, “d’être démodée”, l’emporte de nouveau. Cette faculté de résister au temps la fait rajeunir. C’est pourquoi, dans le « Bal de têtes », en portant un « chapeau de paille plat » comme dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs I, elle devient l’incarnation de « l’Exposition universelle de 1878 984 » — notons qu’« Un amour de Swann » semble commencer justement à cette époque-là. Pour le narrateur, qui l’a connue dans son adolescence — dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs I — elle semble dire : « Je suis l’allée des Acacias de 1892 985 ». Si l’on peut dire, les toilettes d’Odette bouclent la boucle à la fin du récit.
Alors que la mutation du style d’Odette trace un cercle, la mode vestimentaire en général, comme celle de l’ameublement, est décrite chez Proust comme une récurrence du passé. Il nous semble que Proust conçoit cela encore une fois à travers l’observation des mœurs pendant la Grande Guerre.
Dans le Paris de 1916, ce qui frappe le narrateur tout d’abord, à son retour d’une maison de santé, ce sont les tenues des femmes qui lui évoquent les robes portées sous le Directoire 986 . Proust ne peut s’empêcher de citer quelques personnages de l’époque, Mme Tallien et Talma :
‘« […] des jeunes femmes allaient tout le jour coiffées de hauts turbans cyclindriques comme aurait pu l’être une contemporaine de Mme Tallien, par civisme, ayant des tuniques égyptiennes droites, sombres, très “guerre”, sur des jupes très courtes ; elles chaussaient des lanières rappelant le cothurne selon Talma[…] 987 »’La mode pendant la guerre ressemble à celle du Directoire. C’est pour cette raison qu’au sujet de la réussite mondaine de Mme Verdurin et de Mme Bontemps, le narrateur dit ironiquement :
‘« Les dames du premier Directoire avaient une reine qui était jeune et belle et s’appelait Madame Tallien. Celles du second en avaient deux qui étaient vieilles et laides et s’appelaient Mme Verdurin et Mme Bontemps. 988 »’Néanmoins, ce sont les fameuse robes de Fortuny qui révèlent le plus explicitement le caractère récurrent de la mode vestimentaire dans la Recherche. Cet artiste espagnol s’est inspiré des tenues fabriquées à Venise pendant la Renaissance pour créer sa propre collection au début du XXe siècle. Selon Anna Favrichon, il ne s’est jamais lassé de copier des tableaux de Tiepolo, de Carpaccio, de Titien et du Tintoret 989 . C’est ainsi que, selon le narrateur, sa création se présente comme une sorte de recréation de la Venise disparue (en particulier des vêtements de la Renaissance vénitienne) :
‘« Ces robes de Fortuny, dont j’avais vu l’une sur Mme de Guermantes, c’était celles dont Elstir, quand il nous parlait des vêtements magnifiques des contemporaines de Carpaccio et de Titien, nous avait annoncé la prochaine apparition, renaissant de leurs cendres somptueuses, car tout doit revenir, comme il est écrit aux voûtes de Saint-Marc, et comme le proclament, buvant aux urnes de marbre et de jaspe des chapiteaux byzantins, les oiseaux qui signifient à la fois la mort et la résurrection. 990 »’D’ailleurs, ces robes, ayant atteint un niveau artistique, sont si « puissamment » « antiques » et « originales » qu’elles évoquent au narrateur l’ensemble de la Venise de l’époque :
‘« […] les robes de Fortuny […] faisaient apparaître comme un décor […] la Venise tout encombrée d’Orient où elles auraient été portées, dont elles étaient, mieux qu’une relique dans la châsse de Saitn-Marc, évocatrices du soleil et des turbans environnants, la couleur fragmentée, mystérieuse et complémentaire. Tout avait péri de ce temps, mais tout renaissait, évoqué, pour les relier entre elles par la splendeur du paysage et le grouillement de la vie, par le surgissement parcellaire et survivant des étoffes des dogaresses. 991 »’Bien que l’essentiel de la mode réside dans sa fugacité, la création de Fortuny ressuscite paradoxalement ce qui semblait depuis longtemps anéanti, car les toilettes composent une partie de la vision d’une ville à une époque. C’est ainsi que la collection du couturier est capable de transporter en plein Paris l’image d’une Venise telle qu’elle était à la Renaissance. Remarquons d’ailleurs qu’Albertine dans la robe de Fortuny paraît au narrateur « comme l’ombre tentatrice de cette invisible Venise. 992 »
Du reste, pour le narrateur, la création de Fortuny arrive à unir une époque passée (la Renaissance vénitienne au XVe siècle) et le souvenir qu’il garde d’Albertine. En effet, à Venise, en contemplant Le Patriarche di Grado exorcisant un possédé de Carpaccio, il se la rappelle soudainement avec douleur, car il retrouve dans le tableau le manteau de Fortuny qu’elle a mis quand elle allait partir avec lui en voiture découverte à Versailles le jour précédant leur séparation. Ce manteau qu’elle a emporté avec elle en le quittant le lendemain de cette promenade et qu’il n’a « jamais revu depuis » dans ses souvenirs, le couturier l’a créé en s’inspirant de celui que l’un des compagnons de la Calza porte dans l’œuvre de Carpaccio. Le narrateur raconte ici une réminiscence du soir qui a déterminé la séparation. Cette récurrence mnémonique le fait souffrir de nouveau, parce qu’elle lui fait revivre ce soir-là :
‘« J’avais tout reconnu, et le manteau oublié m’ayant rendu pour le regarder les yeux et le cœur de celui qui allait ce soir-là partir à Versailles avec Albertine, je fus envahi pendant quelques instants par un sentiment trouble et bientôt dissipé de désir et de mélancolie. 993 »’Ce n’est pas tout, ce tableau évoque aussi des artistes contemporains du narrateur. Les hautes cheminées en forme de tulipes lui font penser à la Venise de Whistler. Misia Sert a produit le décor et les costumes d’un spectacle des Ballets russes, Légende de Joseph, en imitant des tableaux vénitiens 994 . Le manteau du personnage de Carpaccio évoque au narrateur celui que tant de Parisiennes jettent sur leurs épaules : « [elles] ignoraient […] que le modèle en existait dans un groupe des seigneurs, au premier plan du Patriarche di Grado, dans une salle de l’Académie de Venise. 995 » Les mœurs parisiennes actuelles sont mêlées dans tout ce que le tableau évoque.
Les robes de Fortuny montrent leur capacité de transporter réellement une Venise orientale en plein Paris : « les robes de Fortuny […] faisaient apparaître […] avec une plus grande force d’évocation même qu’un décor, puisque le décor restait à imaginer, la Venise tout encombrée d’Orient 996 ». Il est dès lors clair que si un Parisien se rend à Venise, les tableaux de la Renaissance lui évoquent la capitale française. S’il a aimé une femme qui portait les œuvres du couturier, celles-ci ressuscitent en lui le souvenir de sa bien-aimée. C’est ce qui arrive au narrateur devant l’œuvre de Carpaccio. On peut dire que, dans cette peinture, des temps différents — non seulement chronologiquement mais aussi géographiquement — et associés à la création de Fortuny peuvent se « relier 997 » : la Venise à l’époque de Carpaccio, la Venise au début du XXe siècle, le Paris moderne où les robes sont portées, et enfin Versailles, où le narrateur a passé le dernier jour avec Albertine. Le tableau de Carpaccio représente un entrecroisement ou un carrefour de temps différents auxquels les robes de Fortuny conduisent le narrateur. Celles-ci cessent de constituer une mode. En formant une récurrence d’une mode ancienne, elles se mettent en dehors du temps comme les toilettes d’Odette.
L’importance du cadre historique dans la description de la robe de Fortuny est démontrée par Michèle Maglli : cette dernière remarque que Proust a tendance à ne faire que suggérer des éléments historiques, comme le montre non seulement la description située dans La Prisonnière mais aussi l’explication de la robe de Fortuny donnée par Elstir dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs 998 . Cette étude permet d’observer une influence de Baudelaire sur Proust. Le poète écrit : « Le passé est intéressant non seulement par la beauté qu’ont su en extraire les artistes pour qui il était le présent, mais aussi comme passé, pour sa valeur historique 999 ». Cette idée le conduit à cette fameuse thèse sur le beau : le beau est composé par deux éléments, « l’élément éternel » et « l’élément relatif » et « circonstanciel ». Et ce second élément demeure dans « l’époque, la mode, la morale, la passion ». Il résulte de là qu’il se laisse fasciner par la mode du passé représenté dans une œuvre. Voyons le commentaire du poète sur une « série de gravures de mode commençant avec la Révolution et finissant à peu près au Consulat » :
‘« L’imagination du spectateur peut encore aujourd’hui faire marcher et frémir cette tunique et ce schall. Un de ces jours, peut-être, un drame paraîtra sur un théâtre quelconque, où nous verrons la résurrection de ces costumes sous lesquels nos pères se trouvaient tout aussi enchanteurs que nous-mêmes dans nos pauvres vêtements (lesquels ont aussi leur grâce, il est vrai, mais d’une nature plutôt morale et spirituelle), et s’ils sont portés et animés par des comédiennes et des comédiens intelligents, nous nous étonnerons d’en avoir pu rire si étourdiment. Le passé, tout en gardant le piquant du fantôme, reprendra la lumière et le mouvement de la vie, et fera présent. 1000 »’Le lecteur de la Recherche voit « la résurrection » des costumes portés sous le Directoire ailleurs que dans un théâtre, pendant la Grande Guerre.
Quant à la résurrection de la robe de Fortuny, notons avant tout que, sans connaître réellement la création du couturier, Elstir se demande, en affirmant son penchant pour la mode de son époque plutôt que pour celle du temps de Carpaccio, si les robes conviennent à l’époque moderne :
‘« Mais je ne sais pas si j’aimerai beaucoup cela, si ce ne sera pas un peu trop costume anachronique pour des femmes d’aujourd’hui, même paradant aux régates, car pour en revenir à nos modernes bateaux de plaisance, c’est tout le contraire que du temps de Venise, “Reine de l’Adriatique”. Le plus grand charme d’un yacht, de l’ameublement d’un yacht, des toilettes de yacthing, est leur simplicité de choses de la mer […] 1001 »’Dans La Prisonnière, le lecteur trouve la réponse à cette interrogation. Certes, chaque robe de Fortuny est tellement « unique » et « particulière » à cause de son « caractère historique » aussi bien que du génie artistique du couturier — sa création semble au narrateur un « fruit d’une longue délibération » — qu’elle paraît presque romanesque, évoquant les costumes décrits chez Balzac, et irréelle comme si la conversation avec une femme qui en est revêtue « se détachait de la vie courante comme une scène de roman » ; ce n’est pas le cas des autres « toilettes d’aujourd’hui 1002 ». La robe de Fortuny ne suit pas le temps. Mais ce caractère singulier n’empêche pas qu’on la porte. Oriane possède de nombreuses tenues de Fortuny, d’ailleurs, le narrateur en achète quelques-unes à Albertine.
La mode chez Proust est finalement décrite comme un phénomène répétitif plutôt que comme un phénomène éphémère. Si par le caractère récurrent, elle va jusqu’à être en dehors du temps comme les toilettes d’Odette ou la création de Fortuny, elle prend alors une dimension artistique. En cela, elle peut faire s’entrecroiser des temps différents et des espaces différents. La résurrection du passé chez Proust réside dans cet entrecroisement.
Claude Meunier, Le Jardin d’hiver de Madame Swann. Proust et les fleurs, Paris, Éditions Grasset & Fasquelle, 1995, p. 121.
Willy Hachez imagine que le récit de cette histoire d’amour se déroule de 1895 à 1897 (« La chronologie d’À la recherche du temps perdu et les faits historiques indiscutables », art. cit., p. 364-365).
Le romancier les décrit sarcastiquement comme « chapeaux couverts d’une volière ou d’un potager » (CS, III, p. 418).
CS, III, p. 417.
CS, III, p. 418.
« [Le salon de Mme Swann] était encore dans le goût moitié serre, moitié atelier qui était celui de l’appartement où [Swann] avait connu Odette, elle avait pourtant commencé à remplacer dans ce fouillis nombre des objets chinois qu’elle trouvait maintenant un peu “toc”, bien “à côté”, par une foule de petits meubles tendus de vieilles soies Louis XVI (sans compter les chefs-d’œuvre apportés par Swann de l’hôtel du quai d’Orléans) […] » (JF, I, p. 530). À propos de la mode des serres et des ateliers dans le milieu bourgeois de la fin du XIXe siècle, nous renvoyons au Jardin d’hiver de Madame Swann. Proust et les fleurs (Claude Meunier, op. cit., p. 126-128) et à « La ruine et la serre » de Philippe Hamon (in Expositions, littérature et architecture du XIXe siècle, op. cit., p. 55-94).
CS, III, p. 418. Claude Meunier montre que dans les premiers brouillons de la Recherche, la fleur cueillie dans le jardin et offerte par Odette à Swann était une rose. Selon le critique, Proust change la rose en chrysanthème parce qu’il avait l’intention de mieux montrer le goût d’Odette pour le japonisme. Il en conclut : « C’est une fleur à la mode ; or la mode, surtout pour Odette, est un anéantissement. Le décor de la douleur de Swann est en place. » (Le Jardin d’hiver de Madame Swann. Proust et les fleurs, op. cit., p. 116). Par ailleurs, en se référant à un livre anonyme, Sur l’emploi du chrysanthème d’automne (Besançon, 1890), il prouve que le rose ou le blanc ainsi que le bleu existaient pour les chrysanthèmes à la fin du XIXe siècle (Le Jardin d’hiver de Madame Swann, op. cit., p. 120).
CS, III, p. 419.
CS, III, p. 414. L’image mythologique est très riche dans ce texte.
CS, III, p. 419.
CS, III, p. 417.
CS, III, p. 418-419.
CS, III, p. 420.
« Sur le concept d’histoire », in Œuvres, op. cit., t. III, p. 439. Si le penseur écrit cela, c’est parce qu’il considère qu’un événement qui rompt le continuum de l’histoire cite le passé car il a besoin d’une épaisseur temporelle pour éviter que le présent où il se produit devienne vide et homogène. La Révolution (de Robespierre), par exemple, cite la Rome antique (idem).
Willy Hachez suppose qu’« Un amour de Swann »se déroule de 1879 à 1881 (« La chronologie d’À la recherche du temps perdu et les faits historiques indiscutables », art. cit., p. 364-365). Selon Luc Fraisse, Proust fait difficilement la distinction entre le Japon et la Chine (Proust et le Japonisme, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1997, p. 6-7).
CS, II, p. 216-217. Le texte suivant montre que le chrysanthème, venu du Japon, était la fleur la plus nouvelle à l’époque : « […] fleurissaient comme dans une serre une rangée de ces gros chrysanthèmes encore rares à cette époque, mais bien éloignés cependant de ceux que les horticulteurs réussirent plus tard à obtenir. Swann était agacé par la mode qui depuis l’année dernière se portait sur eux […] » (ibid., p. 217).
Proust et le Japonisme, op. cit., p. 30-31. Comme Odette, Swann et Elstir sont considérés par Proust comme des collectionneurs d’objets d’art ancien. Mais à la différence d’Odette, ils sont érudits de sorte qu’ils ne recueillirent pas de vieilleries disparates. Il va sans dire que Swann a une connaissance très riche dans le domaine esthétique. Quant à Elstir, le narrateur dit de lui : « […] les choses élégantes mais simples qui emplissaient son atelier étaient des merveilles longtemps désirées par lui, qu’il avait suivies de vente en vente, connaissant toute leur histoire, jusqu’au jour où il avait gagné assez d’argent pour pouvoir les posséder. » (JF, II, p. 239).
Selon Luc Fraisse, le japonisme en France atteint son apogée entre 1880-1920 (Proust et le japonisme, op. cit., p. 5).
Le rôle joué par les Goncourt dans la diffusion du japonisme est brièvement expliqué dans Proust et le Japonisme de Luc Fraisse (ibid., p. 16-17). Chez Proust, il existe de multiples illustrations de la mode du japonisme : entre autres, la salade japonaise servie chez les Verdurin, qui, pourtant, n’a rien à voir avec l’authentique cuisine japonaise (CS, III, p. 543) et le Bonzaï évoqué par Albertine (Pr., p. 637). Le critique montre que c’est au plus tard en 1890 que Proust s’engoue pour le japonisme : en novembre, il a offert des chrysanthèmes à Mme Straus, et selon le témoignage de Robert de Billy, on a décoré l’appartement de la famille Proust des mêmes fleurs (Marcel Proust, lettres et conversations, Paris, Édition des Portiques, 1930, p. 69-70) ; d’ailleurs, on peut trouver une allusion au japonisme dans quelques-uns des textes qu’il a écrits en 1890, cette année-là, il n’avait que dix-neuf ans. (Proust et le Japonisme, op. cit., p. 30).
Oriane dit : « Pensez que tous leurs meubles sont “Empire” ! » Lorsque son interlocuteur plaide en faveur des Iéna en remarquant qu’il est naturel que les Iéna possèdent de nombreux meubles de style Empire, car ils les ont hérités de leurs grands-parents, elle répond dédaigneusement : « Mais je ne vous dis pas, mais ça n’est pas moins laid pour ça. Je comprends très bien qu’on ne puisse pas avoir de jolies choses, mais au moins qu’on n’ait pas de choses ridicules. Qu’est-ce que vous voulez ? je ne connais rien de plus pompier, de plus bourgeois que ces horribles styles, avec ces commodes qui ont des têtes de cygnes comme des baignoires. » (CS, II, p. 333).
CS, I, II, p. 72. Notons que Proust écrit cette phrase avant la Grande Guerre.
CG, II, II, p. 807.
Idem.
TR, p. 588.
Il écrit : « Quant au mobilier baudelairien qui était sans doute celui de son temps, qu’il serve à donner une leçon aux dames élégantes de nos vingt dernières années, lesquelles n’admettaient pas dans “leur hôtel” la moindre faute de goût. Que devant la prétendue pureté de style qu’elles ont pris tant de peine à atteindre, elles songent qu’on a pu être le plus grand et le plus artiste des écrivains, en ne peignant que des lits à “rideaux” refermables (Pièces condamnées), des halls pareils à des serres (Une martyre), “des lits pleins d’odeurs légères, des divans profonds comme des tombeaux”, des étrangères avec des fleurs, des lampes qui ne brûlaient pas très longtemps (Pièces condamnées), si bien qu’on n’était plus éclairé que par un feu de charbon. » (CSB, p. 628-629).
TR, p. 601-602. La belle grand-tante de madame de Saint-Euverte est celle qui a organisé une soirée de musique dans « Un amour de Swann », durant laquelle la duchesse de Guermantes critique le style Empire. Comme le style Empire, le nom de Saint-Euverte resurgit à la fin du roman.
JF, I, p. 605.
CS, II, p. 194.
JF, I, p. 583.
JF, I, p. 584.
CS, II, p. 219.
JF, I, p. 585.
JF, I, p. 608.
JF, I, p. 608-609. Selon le commentateur de la Pléiade, « saute en barque » désigne une « veste ou un manteau court de femme ». Quant à l’expression « suivez-moi jeune homme », c’est une citation d’un texte de Robert de Montesquiou (ibid., p. 1420, note 2 de la page 608).
Toilettes et silhouettes féminines chez Marcel Proust, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1987, p. 110.
JF, I, p. 625-627.
« […] en vertu de la liturgie et des rites dans lesquels Mme Swann était profondément versée, sa toilette était unie à la saison et l’heure par un lien nécessaire, unique […] » (JF, I, p. 626).
TR, p. 302.
TR, p. 309. La « tenue de guerre » en quoi les femmes nobles sont habillées peut se résumer dans le mot « simplicité » (idem).
TR, p. 526.
TR, p. 528.
Cette tendance a commencé juste avant la guerre. Voir CS, III, p. 417, déjà cité.
TR, p. 302. Proust ne cesse de comparer la société pendant la guerre à la société du Directoire : « Le Louvre, tous les musées étaient fermés, et quand on lisait en tête d’un article de journal : “Une exposition sensationnelle”, on pouvait être sûr qu’il s’agissait d’une exposition non de tableaux, mais de robes, de robes destinées d’ailleurs à “ces délicates joies d’art dont les Parisiennes étaient depuis trop longtemps sevrées”. C’est ainsi que l’élégance et le plaisir avaient repris ; l’élégance, à défaut des arts, cherchant à s’excuser comme ceux-ci en 1793, année où les artistes exposant au Salon révolutionnaire proclamaient qu’il paraîtrait à tort “étrange à d’austères républicains que nous nous occupions des arts quand l’Europe coalisée assiège le territoire de la liberté”. » (Ibid., p. 302). Cette comparaison entre le Paris du Directoire et le Paris pendant la Grande Guerre se retrouve chez des historiens. Citons entre autres Gabriel Perreux (La Vie quotidienne des civils en France pendant la Grande Guerre, Paris, Hachette, 1966). Par ailleurs, comme le commentateur de la Pléiade le remarque, Proust a dû avoir des connaissances sur la société du Directoire grâce à la lecture d’Histoire de la société française pendant le Directoire des Goncourt (Paris, Didier, 1864). À ce sujet, voir TR, p. 1199-1201.
TR, p. 305. Ce texte est préparé dans Sodome et Gomorrhe II, I : « Et chaque époque se trouve ainsi personnifiée dans des femmes nouvelles, dans un nouveau groupe de femmes, qui rattachées étroitement à ce qui pique les curiosités les plus neuves, semblent, dans leur toilette, apparaître seulement à ce moment-là, comme une espèce inconnue née du dernier déluge, beautés irrésistibles de chaque nouveau Consulat, de chaque nouveau Directoire. » (SG, II, I, p. 140).
Toilettes et Silhouettes féminines chez Marcel Proust, op. cit., p. 154.
Pr., p. 871.
Pr., p. 871-872.
Pr., p. 895-896.
AD, III., p. 226.
AD, III., p. 225. Ce ballet met en scène la musique de Richard Strauss et le livret de Hofmannsthal et Kessler.
AD, III, p. 226.
Pr., p. 871. C’est nous qui soulignons.
Idem.
« Propos et commentaires sur les arts dans À la recherche du temps perdu : étude de style », in BSAMP, nº 50, 2000, p. 91-94.
« Le Peintre de la vie moderne », op. cit., p. 685.
Ibid., p. 684.
JF, II, p. 253.
Pr., p. 543. Les héroïnes balzaciennes choisissent « à dessein telle ou telle toilette, le jour où elles doivent recevoir tel visiteur », et parmi « toutes les robes et les robes de chambre » de la duchesse, celles qui sont signées par Fortuny semblent « le plus répondre à une intention déterminée, être pourvues d’une signification spéciale ». Le génie du couturier réside dans cette singularité que chacune de ses tenues possède, comme les tenues féminines chez Balzac, Proust écrit au sujet du roman de Balzac : « Aucun vague ne peut subsister dans la description du romancier puisque cette robe existe réellement, que les moindres dessins en sont aussi naturellement fixés que ceux d’une œuvre d’art. Avant de revêtir celle-ci ou celle-là, la femme a eu à faire un choix entre deux robes non pas à peu près pareilles, mais profondément individuelles chacune, et qu’on pourrait nommer. » (Idem.).