Vieillissement et rajeunissement

Nous avons vu que, chez Proust, la Muse de l’histoire est liée au vieillissement, comme chez Péguy. Dans le « Bal de têtes », le narrateur décrit obstinément le vieillissement des invités ainsi que son propre vieillissement. Or, on ne peut nier que le vieillissement apporte inévitablement la mort. La Muse de l’histoire révèle donc que les hommes sont mortels. Le « Bal de têtes » se conclut par l’idée de la mort qui est devenue obsessionnelle depuis que le narrateur décidé à écrire, car sa mort laisserait inachevé son livre 1469 . Le narrateur cite un vers de Victor Hugo 1470 et déclare :

‘« Moi je dis que la loi cruelle de l’art est que les êtres meurent et que nous-mêmes mourions en épuisant toutes les souffrances, pour que pousse non de l’oubli mais de la vie éternelle, l’herbe drue des œuvres fécondes, sur laquelle les générations viendront faire gaiement, sans souci de ceux qui dorment en dessous, leur “déjeuner sur l’herbe”.  1471  »’

L’art est ouvert à l’avenir, à la nouvelle génération, l’art sera renouvelé dans le futur quoiqu’il exige tant de souffrances. Si pour Proust, la mémoire est souvent un synonyme de résurrection 1472 , l’art n’est-il pas synonyme de renaissance ?

Aux yeux de Walter Benjamin, l’œuvre fondée sur la mémoire (involontaire) proustienne est un mode de rajeunissement. Selon lui, le thème de l’éternité existe chez Proust. Mais on ne peut assimiler cette conception particulière de l’éternité proustienne à celle du temps infini pris dans le sens platonicien ; elle est ici décrite comme le temps limité dans l’espace :

‘« Ce qui intéresse vraiment Proust est le cours du temps sous sa forme la plus réelle, autrement dit celle de l’entrecroisement, qui jamais ne s’impose plus ouvertement que dans l’intériorité du souvenir et dans l’extériorité du vieillissement. Suivre le contrepoint de la mémoire et du vieillissement, c’est pénétrer au cœur du monde proustien, dans l’univers de l’entrecroisement. […] C’est l’œuvre de la mémoire involontaire, de ce pouvoir rajeunissant capable de se mesurer à l’inexorable vieillissement. […] dans un instant faire vieillir le monde entier de la durée de toute une vie d’homme. Mais justement cette concentration par laquelle se consume avec la rapidité de l’éclair ce qui, sans elle, est promis au flétrissement et au lent déclin, est un rajeunissement.  1473  »’

Justement, au sein du temps qui fuit à chaque instant et dans le flux où toutes choses périssent réside la possibilité du rajeunissement 1474 , c’est-à-dire, la résurrection née de la révélation des lois du temps qui peut paradoxalement anéantir le vieillissement. L’œuvre proustienne consiste à immortaliser les impressions comme celle de ne pas être « médiocre, contingent, mortel 1475  » que le morceau de madeleine donne au narrateur.

En effet, dans le « Bal de têtes », le narrateur compare le vieillissement de certains personnages à une régression vers le premier âge — s’accompagnant certes parfois d’une certaine bouffonnerie. Le narrateur décrit d’abord le vieillissement de Charlus avec des termes qui évoquent le Sodome brûlé 1476 , puis, il souligne son enfantillage :

‘« Il salua [Mme de Saint-Euverte] avec cette politesse des enfants venant timidement dire bonjour aux grandes personnes, sur l’appel de leur mère. Et un enfant, sans la fierté qu’ils ont, c’était ce qu’il étant devenu.  1477  »’

Évoquons aussi Argentcourt qui a « retrouvé l’innocence du premier âge 1478  ». Par ailleurs, Odette est littéralement rajeunie 1479 , en outre, elle apparaît au narrateur redevenue « la dame en rose » de l’oncle Adolphe, maintenant qu’elle est de nouveau une femme entretenue (elle est désormais la maîtresse du duc de Guermantes) 1480 . N’oublions pas le plus beau rajeunissement décrit par Proust, qui s’opère grâce à la mort, par conséquent, un rajeunissement permanent : celui de la grand-mère, elle redevient « une jeune fille 1481  ».

Parallèlement, le rajeunissement se retrouve au niveau collectif. Le faubourg Saitn-Germain dans laquelle le narrateur revient après la Grande Guerre est différent de celui qu’il a connu auparavant : pendant son absence, il s’est reformé. Ce renouvellement du beau monde n’est pas surprenant ; il s’est produit dans le passé et se reproduira au futur. Citons un texte partiellement déjà cité :

‘« […] je regrettais naïvement de ne pas avoir comme ce [que la duchesse de Guermantes] appelait un reste d’ancien régime. J’aurais dû penser qu’on appelle ancien régime ce dont on n’a pu connaître que la fin ; […] cependant l’horizon recule, et le monde, qui semblait fini, recommence.  1482  »’

La splendeur éteinte du faubourg Saint-Germain que la duchesse décrit au narrateur pourra renaître de ses cendres dans le futur. Cette abolition de la dichotomie entre la prospérité d’une époque et sa destruction se retrouve dans la Venise proustienne, la peinture de Carpaccio et la robe de Fortuny incarne cela. Proust écrit significativement à propos de la robe de Fortuny : « tout doit revenir 1483  ». Chez Proust, on vieillit pour rajeunir, on meurt pour renaître ; un monde entre en déclin pour se renouveler, il disparaît pour se reconstruire.

Selon Jean-Yves Tadié, assurément, la Recherche est l’histoire d’une vocation, mais, « en même temps, au mouvement vers l’avenir de la vocation se superpose la plongée vers le passé, de la remémoration.  1484  » Il nous semble que l’entreprise du narrateur consiste à « retrouver » l’origine à travers l’écriture, cela implique pourtant de recouvrer l’espérance perdue qu’il a entretenue vis-à-vis du futur : celle d’être écrivain.

Georges Poulet souligne que Proust n’était pas un homme passéiste par nature, c’est-à-dire qu’il fut avant tout un enfant plein d’espoir. Il était pourtant tellement précoce qu’il renonça à cet espoir. Selon le critique, c’est ce que montre l’épisode de la madeleine :

‘« […] à peine l’action mnémonique de la madeleine a-t-elle levé les voiles du passé, que celui-ci apparaît sous la forme que lui donnaient les espérances appartenant au premier âge de la vie. La Recherche commence par une enfance proustienne, le temps perdu se retrouve à partir d’un premier temps.  1485  »’

D’ailleurs, le narrateur a beau espérer savoir les secrets ou les significations des choses ou des personnes qu’il désire connaître, il ne les comprendra que dans le futur : « Seul l’avenir lui donnera la pleine connaissance du passé. […] une vie déjà vécue, une vie passée […] ne prendra son sens que dans le futur.  1486  » Dès lors on saisit où se trouve ce futur, c’est-à-dire, pour emprunter l’expression de Danto, dans un « troisième temps » qui permet de mettre en corrélation des événements différents. En apparence, ce « troisième temps » se trouve dans le dénouement du récit, mais en réalité, il réside dans le roman futur du narrateur. C’est pourquoi Georges Poulet rapproche Proust et Chateaubriand :

‘« Dans la violence physique avec laquelle le jeune Proust se précipite sur l’avenir, il y a quelque chose, — qui l’eût crû ? — de la hâte du haut en bas des marches d’un escalier à Combourg. Même fugue, même avidité, même volonté de conquérir le temps du futur.  1487  »’

Nous avons noté que, selon Dominique Jullien, chez Proust, les « trois âges » des aristocrates chez Chateaubriand, « l’âge des supériorités », « l’âge des privilèges » et « l’âge des vanités », se transposent dans l’itinéraire du narrateur en se transformant en deux âges, « l’âge des noms et l’âge des choses 1488  ». Dégageons le troisième âge du narrateur : il se retire chez lui pour écrire son roman en acceptant sa vieillesse, comme Clio chez Péguy. Dans le « Bal de têtes », en causant avec Gilberte, le narrateur admet qu’il ait vieilli comme les autres invités de la princesse de Guermantes, ex-Mme Verdurin, et se rend compte que le vieillissement, cette loi cruelle du temps, sera aussi une matière de son livre futur 1489 . Le troisième âge proustien est fécond, il n’est pas celui des vanités. Pourtant, Chateaubriand, lui aussi, écrit ses Mémoires, à l’époque correspondant au troisième âge qui est pour lui « l’âge des vanités ».

Il est indéniable notamment que Proust met en parallèle l’enfance de son narrateur et celle de la France ; le Moyen Âge, la période gothique en particulier, est une époque où, à l’échelle du pays, on nourrissait des espérances vis-à-vis de l’avenir — du moins en ce sens que, comme le dit Michelet dans le Tableau de la France, la langue française s’est établie et que le pays était en voie de centralisation — comparables à celles de l’enfance du narrateur 1490 . Or, « Combray II » se déroule principalement au printemps et le narrateur considère l’époque capétienne comme « un printemps historique 1491  ». Comme l’analyse Marie Miguet-Ollagnier, Proust attribue au printemps une fonction très importante : le printemps, symbolisé par Pâques et par la pâque hébraïque, constitue le moment du départ, d’un nouveau départ, parce qu’il revient chaque année, ainsi que le moment de la résurrection, alors que l’automne, symbolisé par la Toussaint, s’apparente à la mort 1492 . Le printemps incarne une saison de renouvellement dans la Recherche. De ce point de vue, une tirade de Charlus au sujet de la Grande Guerre mérite d’être citée :

‘« […] la France qui est la France juste et a raison de faire entendre des paroles de justice, mais est aussi la douce France et devrait faire entendre des paroles de pitié, fût-ce seulement pour ses propres enfants et pour qu’à chaque printemps les fleurs qui renaîtront aient à éclairer autre chose que des tombes.  1493  »’

Ce dont il s’agit ici, c’est de l’église menacée de destruction par la guerre. Le baron, germanophile et défaitiste plutôt que pacifiste, idolâtre en outre comme Ruskin 1494 , est désolé que l’église de Combray ait été démolie par les armées françaises et anglaises pour des raisons stratégiques. À Charlus, le narrateur oppose une objection humaniste :

‘« [Le] symbole [du bras levé de saint Firmin de la cathédrale de Rouen], monsieur, lui répondis-je. Et j’adore autant que vous certains symboles. Mais il serait absurde de sacrifier au symbole la réalité qu’il symbolise. Les cathédrales doivent être adorées jusqu’au jour où, pour les préserver, il faudrait renier les vérités qu’elles enseignent. Le bras levé de saint Firmin dans un geste de commandement presque militaire disait : Que nous soyons brisés, si l’honneur exige. Ne sacrifiez pas des hommes à des pierres dont la beauté vient justement d’avoir un moment fixé des vérités humaines.  1495  »’

Dans une lettre, Proust exprime la même idée : « Je pleure et j’admire plus les soldats que les églises qui ne furent que la fixation d’une geste héroïque, aujourd’hui à chaque instant recommencé.  1496  » Le jaillissement des « vérités humaines » doit être renouvelé à chaque instant. Pour cela, même l’œuvre d’art est digne d’être détruite. Entreprendre de retrouver le passé consiste, selon Georges Poulet, à revivre cet instant qui fut à l’origine de chaque renouvellement de la vie, le « temps qui recommence à neuf 1497  ». En effet, Charlus demande au narrateur d’admettre qu’il a proféré cette théorie :

‘« Soyez franc, mon cher ami, vous-même m’aviez fait une théorie sur les choses qui n’existent que grâce à une création perpétuellement recommencée. La création du monde n’a pas eu lieu une fois pour toutes, me disiez-vous, elle a nécessairement lieu tous les jours.  1498  »’

Le désir de ressusciter l’instant antérieur en reliant le passé et le futur, est une marque indélébile de l’espérance en l’avenir que nourrit le narrateur au cours de son enfance et de sa jeunesse. Georges Poulet conclut son étude ainsi : « Dans la rétrospectivité proustienne se distingue encore la prospectivité retournée. Dans l’homme du souvenir se distingue encore l’homme de l’espoir.  1499  » À la fin du roman, le narrateur voit cet espoir incarné en la personne de Mlle de Saint-Loup : « Je la trouvais bien belle : pleine encore d’espérances, riante, formée des années mêmes que j’avais perdues, elle ressemblait à ma jeunesse.  1500  » La recherche de l’origine proustienne consiste à revivre l’espérance perdue. Cet espoir proustien paraît très proche de ce que Péguy nomme « l’enfant espérance » :

‘« C’est elle qui est chargée de recommencer, comme l’habitude est chargée de finir les êtres. […] Elle est essentiellement et diamétralement la contre-habitude, et ainsi le contre-amortissement et la contre-mort. Elle est le principe, cet enfant est le principe de la recréation. […] Elle est chargée en un mot, et ici nous retrouvons notre Descartes, elle est chargée du service de la création continuée.  1501  »’

N’est-il pas permis de reconnaître une sorte d’éternel retour dans le dénouement de la Recherche, notamment la renaissance du faubourg Saint-Germain, comme Marie Miguet-Ollagnier 1502  ? Si cela s’avère exact, pour Proust, le retour au passé n’est pas synonyme de fuite dans une vision nostalgique. Écrire comme un mémorialiste ne signifie pas être passéiste. C’est plutôt un recommencement, une renaissance de l’état d’origine — certes, cela n’empêche pas la mélancolie de vivre dans le temps. Pour retrouver son origine, nous le savons, il faut descendre en soi, jusqu’aux ancêtres inconnus.

Notes
1469.

« Or c’était maintenant [que la mort] m’était depuis peu devenue indifférente, que je recommençais de nouveau à la craindre, sous une autre forme il est vrai, non pas pour moi, mais pour mon livre […] » (TR, p. 615).

1470.

Il s’agit du vers suivant : « Il faut que l’herbe pousse et que les enfants meurent. » (Les Contemplations IV, « Pauca meae », XV, « À Villequier », Œuvres poétiques, édition établie et annotée par Gaëtan Picon et Pierre Albouy, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1978, p. 660).

1471.

TR, p. 615.

1472.

Le narrateur déclare significativement ou plutôt énigmatiquement dans Le Côté de Guermantes I : « Et peut-être la résurrection de l’âme après la mort est-elle concevable comme un phénomène de mémoire. » (CG, I, p. 387).

1473.

« L’image proustienne », op. cit., p. 149-150

1474.

En effet, Proust écrit : « Et sans doute c’était une grande tentation que de recréer la vraie vie, de rajeunir les impressions. » (TR, p. 475).

1475.

CS, I, I, p. 44.

1476.

TR, p. 438.

1477.

TR, 439. Jupien le décrit comme « un grand enfant » (ibid., p. 443). Son frère le duc aussi retrouve son « innocence du premier âge » (ibid., p. 595). Pourtant, simultanément, le vieillissement leur donne une dignité pathétique : le baron acquiert « la majesté shakespearienne d’un roi Lear » (ibid., p. 438), le duc aussi prend « l’allure d’un roi de théâtre » et ressemble aux « rois des tragédies grecques » (ibid., p. 595). Proust suggère ainsi un signe de fraternité entre les personnages.

1478.

TR, p. 502.

1479.

TR, p. 528.

1480.

TR, p. 592-593.

1481.

« Quelques heures plus tard, Françoise put une dernière fois et sans les faire souffrir peigner ces beaux cheveux qui grisonnaient seulement et jusqu’ici avaient semblé être moins âgés qu’elle. Mais maintenant, au contraire, ils étaient seuls à imposer la couronne de la vieillesse sur le visage redevenu jeune d’où avaient disparu les rides, les contractions, les empâtements, les tensions, les fléchissements que, depuis tant d’années, lui avait ajoutés la souffrance. Comme au temps lointain où ses parents lui avaient choisi un époux, elle avait les traits délicatement tracés par la pureté et la soumission, les joues brillantes d’une chaste espérance, d’un rêve de bonheur, même d’une innocente gaieté, que les années avaient peu à peu détruits. La vie en se retirant venait d’emporter les désillusions de la vie. Un sourire semblait posé sur les lèvres de ma grand-mère. Sur ce lit funèbre, la mort, comme le sculpteur du Moyen Âge, l’avait couchée sous l’apparence d’une jeune fille. » (CG, II, I, p. 640-641).

1482.

TR, p. 507.

1483.

Pr., p. 871.

1484.

Proust et le roman, op. cit., p. 245.

1485.

« Marcel Proust », in Mesure de l’instant. Études sur le temps humain 4 : la mesure de l’instant, op. cit., p. 305.

1486.

Ibid., p. 318.

1487.

Ibid., p, 314.

1488.

Proust et ses modèles, les Mille et Une Nuits et les Mémoires de Saint-Simon, op. cit., p. 209.

1489.

TR, p. 509-510.

1490.

Le haut Moyen Âge, notamment l’époque mérovingienne, pourra être comparé à une phase chaotique d’avant la naissance, si l’on peut dire, à une sorte de matrice par exemple, plutôt qu’à l’enfance. Voyons cette confrontation entre l’époque capétienne et l’époque mérovingienne : « [l’église de Combray élevait] sa tour qui avait contemplé saint Louis et semblait le voir encore ; et [s’enfonçait] avec sa crypte dans une nuit mérovingienne […] » (TR., p. 61).

1491.

CS, I, II, p. 60.

1492.

La Mythologie de Marcel Proust, op. cit., 1982, p. 303-314.

1493.

TR, p. 375. Le commentateur de la Pléiade remarque à propos de l’expression « la douce France » qu’on la trouve déjà sous la forme « France dulce » dans la Chanson de Roland, et qu’au début du XXe siècle, elle a été remise au goût du jour par un livre de lectures scolaires de René Bazin, intitulé La Douce France (TR, p. 1232-1233, note 6). Il est possible que Proust connaisse cette origine de l’expression, car il prête à Charlus les mots suivants : « Le château expliquait l’église, qui elle-même, parce qu’elle avait été un lieu de pèlerinages, expliquait la chanson de gestes. » (TR, p. 374).

1494.

Voir « John Ruskin », in CSB, p. 129-131.

1495.

TR, p. 374. Il est évident que Proust ironise sur la réaction de Barrès à la destruction de la cathédrale de Reims par la guerre.

1496.

Corr., t. VI, p. 193. La lettre est adressée à Mme Straus et datée de mai 1918. C’est nous qui soulignons.

1497.

« Marcel Proust », op. cit., p. 309.

1498.

TR, p. 375.

1499.

« Marcel Proust », op. cit., p. 323.

1500.

TR, p. 609.

1501.

Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne, op. cit., p. 1327-1330. Comme Proust, Péguy trouve cette espérance en Saint Louis. Voir « Le Mystère des saints Innocents », Œuvres poétique complètes, introduction de François Porché, chronologie de la vie et de l’œuvre par Pierre Péguy, notes par Marcel Péguy avec, pour « La Ballade du cœur qui a tant battu », la collaboration de Julie Sabian, « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Éditions Gallimard, 1975, 671-824.

1502.

Marie Miguet-Ollagnier dégage le thème de l’éternel retour chez Proust tout d’abord à propos du réveil d’« un ancien désir » (Pr., p. 913), celui de partir à Venise en vacances de Pâques. La critique considère que cette résurgence du désir de voyage à Venise suggère le « mythe de l’Océan éternel entourant la terre » plutôt que le « symbolisme judéo-chrétien » (Pâques et la pâque hébraïque) (La Mythologie de Marcel Proust, op. cit., p. 308-309). Plus loin, la critique reconnaît l’intention de la « recherche du temps primordial » dans le code impérieux de Françoise évoquant l’Ancien Testament, dans les traits physiques de Swann rappelant le temps des prophètes et dans le rajeunissement d’Albertine jusqu’à « l’innocence du premier âge » (CG, II, II, p. 662). Dans une dimension historique, cette « recherche du temps primordial » amène à la « résurgence cyclique » d’un événement (par exemple, la destruction de Sodome et Gomorrhe resurgit lorsque Pompéi est avalée par la lave volcanique, puis, lorsque Paris est attaquée par l’armée allemande pendant la Grand Guerre). Également selon la critique, la Venise du temps de Carpaccio, ressuscitée par la robe de Fortuny, s’inscrit dans le thème proustien de l’éternel retour (La Mythologie de Marcel Proust, op. cit., p. 318-321).