Bases neurales de la théorie de l’esprit

Ces dernières années ont vu naître un nombre croissant de recherches sur les régions et structures du système nerveux impliquées dans la théorie de l’esprit.

Dans son modèle, Baron-Cohen avait proposé des hypothèses quant aux structures cérébrales sous-jacentes à chacun des modules. EDD dépendrait d’un relais entre le sillon temporal supérieur et l’amygdale. ID et SAM pourraient être localisés dans le sillon temporal supérieur mais sans que cela ne soit aussi évident pour SAM. Enfin le module de ToMM serait localisé dans le cortex fronto-orbitaire.

Les premières études d’imagerie fonctionnelle ont utilisé un paradigme qui consistait à faire lire aux sujets des histoires dites de théorie de l’esprit (largement inspirées du scénario de Maxi et le chocolat) et des histoires physiques n’impliquant pas l’attribution d’états mentaux . Une étude en tomographie par émission de positons et deux études d’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique ont montré une activation spécifique du cortex préfrontal médian (CPFM) pour la tâche d’attribution d’états mentaux chez des sujets adultes sains. Une activation du CPFM apparaît également lorsque l’attribution des états mentaux se fait à partir d’images et non plus à partir d’histoires lues . En outre, dans l’ensemble de ces études, des activations importantes mais moins spécifiques ont été observées dans les lobes temporaux et le sillon temporal supérieur.

Par ailleurs, Baron-Cohen et al. ont montré une activation de l’amygdale dans une tâche nécessitant d’attribuer un état mental ou émotionnel à partir de l’expression du regard.

Des études auprès de patients cérébrolésés ont mis en évidence des déficits dans les tâches de théorie de l’esprit lors de lésions de l’hémisphère droit , du cortex frontal dont le cortex frontal médian et les régions orbitofrontales .

Frith et Frith , Gallagher et Frith ont essayé de préciser le rôle de chacune de ces régions. La région du CPFM semble être directement impliquée dans l’attribution des états mentaux. Elle sous-tendrait un mécanisme de « découplage » qui permet de distinguer les représentations en termes d’états mentaux des représentations du monde réel. Ce qui détermine notre comportement ce n’est pas l’état de l’environnement mais nos croyances sur l’état de l’environnement. L’activité du CPFM serait donc en lien avec la création des représentations « découplées » de nos croyances sur l’environnement.

Le sillon temporal supérieur est généralement associé à la perception d’un mouvement biologique et également à l’attention portée sur la direction du regard. Frith et Frith suggèrent donc que le rôle du STS est de détecter le comportement des agents et d’analyser les buts et les issues de ce comportement et qu’il serait également impliqué dans certains précurseurs de la théorie de l’esprit comme la détection de la direction du regard et l’attention partagée. Pour d’autres, la région postérieure du STS serait directement impliquée dans la représentation d’actions intentionnelles .

Les lobes temporaux bilatéraux seraient en lien avec la génération d’un contexte global sémantique et émotionnel pour les stimuli qui sont en cours de traitement ce qui aiderait à l’interprétation de ces stimuli.

Les rôles de l’amygdale et du cortex orbitofrontal dans la théorie de l’esprit sont moins évidents. Ces régions semblent être très importantes dans la cognition sociale en générale mais pas directement responsables de la théorie de l’esprit. Sous-tendent-elles des fonctions essentielles au développement de la théorie de l’esprit ? Fournissent-elles des informations complémentaires pour traiter des tâches sociales plus complexes ? L’amygdale est impliquée dans le traitement des émotions et permet de répondre de manière automatique à des stimuli socialement pertinents. Le cortex orbitofrontal semble plutôt impliqué dans la régulation du comportement social et le traitement des stimuli sociaux ayant une connotation affective. Sabbagh distingue deux composants de la théorie de l’esprit  : (a) la détection et ou le décodage des états mentaux sur la base d’informations directement observables (comme les expressions faciales) qui dépendrait d’un circuit impliquant cortex orbitofrontal et régions temporales médianes (dont l’amygdale) ; (b) le raisonnement sur les états mentaux pour prédire le comportement d’autrui qui serait sous-tendu par le cortex préfrontal médian.

Abu-Akel a proposé un autre modèle neuroanatomique. Il a distingué des régions spécifiques à la représentation de ses propres états mentaux (lobe pariétal inférieur) et des régions spécifiques à la représentation des états mentaux d’autrui (STS). Ces représentations d’états mentaux sont envoyées vers des régions permettant l’interprétation et la régulation socioémotionnelle (amygdale, cortex orbitofrontal, cortex préfrontal médian et gyrus cingulaire antérieur). Ces informations sont ensuite traitées par le cortex préfrontal médian et le cortex frontal inférolatéral qui permettent l’application de l’attribution des états mentaux.