Caractérisations théoriques des fonctions exécutives

De nombreux modèles ont été proposés afin de prédire et d’expliquer les troubles exécutifs observés suite à des lésions acquises du cortex préfrontal. Parmi ces modèles, la conception de Norman et Shallice est certainement celle qui a reçu le plus d’attention tant de la part des chercheurs que des cliniciens.

Ce modèle suppose quatre composants. L’unité centrale est un ensemble de schémas d’actions, c’est-à-dire des structures de connaissances qui contrôlent des séquences d’actions (conduire, fumer, s’habiller, etc.). Chaque schéma contrôle plusieurs sous-routines permettant d’atteindre des sous-buts particuliers (tourner, ralentir, freiner, etc.). Ces schémas ou plans peuvent être activés par des informations perceptives ou par d’autres schémas. Il est fréquent que plusieurs schémas soient activés simultanément mais un seul schéma ne peut être déclenché (car par exemple, deux séries de mouvements ne peuvent pas être réalisées en même temps). Il peut également arriver que deux schémas soient en conflit. Dans ces cas intervient le gestionnaire des conflits qui permet de sélectionner un schéma d’action particulier et cela de manière automatique et uniquement dans des situations routinières. Ce processus serait sous-tendu par les noyaux gris centraux. Lorsque le sujet est confronté à une situation nouvelle ou lorsque les paramètres d’une situation routinière changent, un contrôle attentionnel volontaire est nécessaire et possible grâce au système attentionnel de supervision (SAS), celui-ci étant sous la dépendance du cortex frontal.

En effet, pour Shallice, le rôle des lobes frontaux correspond exactement à celui joué par le SAS et donc les déficits observés chez les patients frontaux sont interprétés comme étant le reflet d’un déficit affectant principalement le SAS. Par exemple les comportements d’utilisation sont expliqués par un déficit du SAS entraînant une activation automatique des schémas d’action même si ceux-ci ne sont pas pertinents .

Le SAS n’est pas un mécanisme général unitaire mais remplirait plusieurs fonctions sous-tendues par des régions frontales différentes. Ainsi, différents mécanismes de contrôle sont distingués : établissement d’un but, formulation d’un plan, création de marqueurs, déclenchement des marqueurs, processus d’évaluation du plan et mécanismes de correction en cours de réalisation .

Si les processus de contrôle du SAS s’appliquent essentiellement lors de situations nouvelles, certaines données amènent à considérer également une implication des régions frontales dans la gestion, le contrôle et l’exécution de plans d’action pour les situations familières .

D’autres approches théoriques des fonctions exécutives et/ou du rôle des lobes frontaux dans le fonctionnement cognitif ont été proposées mais ne seront pas exposées ici (voir Seron, Van der Linden, & Andrès pour une présentation de ces modèles alternatifs). Certaines conceptions apportant d’intéressantes nuances au modèle de Shallice alors que d’autres s’en démarquent de manière plus importante ou se centrent sur l’analyse de certains aspects qui ne sont pas pris directement en compte dans ce modèle (comme par exemple la théorie de marqueurs somatiques de Damasio).

Ces modèles concernent le fonctionnement exécutif chez l’adulte car à ce jour, il n’existe pas de modèle théorique neuropsychologique sur le développement des fonctions exécutives chez l’enfant. Nous allons cependant rapporter un certain nombre de données afin de mieux comprendre le développement de ces fonctions.