Développement des fonctions exécutives

Ce n’est qu’à partir des années 1980 que les chercheurs ont commencé à s’intéresser au développement des fonctions exécutives. Comparé aux autres régions cérébrales, le cortex préfrontal se développe longtemps après la naissance et sa maturation continue de s’effectuer progressivement durant une période se prolongeant jusqu’à la fin de l’adolescence. Par exemple, à 7 ans, la densité synaptique au niveau du cortex préfrontal est encore supérieure de 10 % environ à celle observée chez l’adulte . Les fonctions que sous-tend le lobe frontal, dont les fonctions exécutives, évolueraient parallèlement . Ainsi, Welsh et Pennington considèrent que les fonctions exécutives émergent dès la première année de vie et continuent à se développer jusque tard dans l’adolescence et même au-delà (voir également la méta-analyse réalisée par Romine et Reynolds ). Certaines sont fonctionnelles très tôt, d’autres beaucoup plus tard dans le développement.

Les études sur le développement précoce des fonctions exécutives ont principalement consisté à comparer les performances de très jeunes enfants et de singes avec lésion du cortex préfrontal. Diamond a ainsi montré que des nourrissons de 9-11 mois réussissaient une tâche de détour et une tâche de recherche d’objet (paradigme piagétien A-non B) alors que les singes cérébrolésés persévéraient à atteindre l’objet sans faire de détour ou à rechercher en A l’objet caché en B. L’acquisition de tels comportements dirigés vers un but peut être mise en lien avec certaines données neurobiologiques mettant en évidence une maturation frontale émergente. Par exemple, Chugani, Phelps, & Mazziotta ont observé une augmentation de la consommation de glucose dans le cortex préfrontal dorsolatéral entre 8 et 11 mois. Bell et Fox ont montré un changement d’activité électrique plus important au niveau frontal chez les nourrissons qui supportent des délais de rétention plus longs dans la tâche A-non B.

Chez les enfants plus âgés (après 3 ans), les chercheurs ont adapté les tâches classiques dites exécutives qui permettent de mettre en évidence des troubles spécifiques chez des patients adultes avec lésion frontale. La majorité des recherches ont montré une amélioration significative des performances avec l’âge suggérant un développement des fonctions exécutives. Mais ce développement serait complexe et asynchrone, avec plusieurs tendances développementales plus ou moins marquées. Par exemple, Welsh, Pennington et Groisser ont comparé les performances d’enfants de 3 à 12 ans et d’un groupe de sujets adultes dans une batterie comprenant différentes tâches exécutives. Les résultats ont montré que dès 3 ans plusieurs fonctions exécutives sont en place mais la maturité progressive des lobes frontaux amène une plus grande maîtrise des différentes tâches exécutives et les différentes fonctions sont matures à différents moments. Ainsi, selon les tâches considérées, les auteurs distinguent trois étapes dans l’intégration et la maturation des fonctions exécutives : à 6 ans, à 10 ans et vers 12 ans.

L’étude des enfants qui souffrent d’une lésion frontale acquise apporte également des informations importantes sur le rôle de cette région dans le développement cognitif. La symptomatologie chez l’enfant fronto-lésé apparaît être très proche de celle observée chez l’adulte, se caractérisant principalement par des difficultés de planification, de flexibilité mentale et d’inhibition. Certains troubles sont immédiats mais d’autres séquelles peuvent apparaître beaucoup plus tardivement. Les troubles des comportements sociaux, adaptatifs et émotionnels sont prédominants suggérant une forte implication des régions frontales dans le développement affectif et social .

Marlowe a décrit le cas d’un enfant de 3 ans 11 mois ayant subi une lésion préfrontale droite. Quatorze jours après l’accident, il présentait d’importantes sautes d’humeur, une labilité émotionnelle, une agitation et un comportement destructeur et agressif. À 6 ans, il restait violent et agité notamment dans les situations peu prévisibles pour lui. Il ressentait peu de remords. Williams et Mateer ont également rapporté le cas d’un enfant de 8 ans 11 mois qui, suite à une lésion frontale gauche, présentait des accès de colère et d’agressivité surtout en cas d’imprévus. À 16 ans, ses comportements émotionnels étaient peu variés, il présentait des idées fixes et une préoccupation excessive pour tout ce qui se rapportait à la violence. Il n’avait pas d’amis, ses interactions sociales étaient marquées par des difficultés avec le langage social et métaphorique, une tendance à tout interpréter au sens littéral et à ne pas comprendre les situations sociales.

Ces quelques observations suggèrent donc un développement précoce et complexe des fonctions exécutives et une probable implication du cortex préfrontal dans ce développement et dans la régulation du comportement intentionnel, social et émotionnel, et ce, dès le plus jeune âge. Au-delà des données issues du développement normal et de la pathologie acquise chez l’enfant, la question des rapports entre cortex frontal, fonctions exécutives et comportement social a été envisagée dans le cadre de pathologies neurodéveloppementales, et notamment dans l’autisme.