Script et modèles neuropsychologiques

Dans le domaine de la neuropsychologie adulte, nous avons déjà présenté le modèle de Norman et Shallice qui suppose l’existence de schémas d’action contrôlés, sous certaines conditions, par un système attentionnel de supervision supporté par le cortex préfrontal. Cependant, la structure même des schémas d’action est peu détaillée.

Dans une autre démarche, Grafman va mettre l’accent sur le type de représentations stockées plutôt que sur la nature des processus effectués par le cortex préfrontal. Il suggère que, ce qui différencie le fonctionnement des lobes frontaux des structures cérébrales postérieures et sous-corticales relève de la complexité des unités de connaissances sur lesquelles ils interviennent. Grafman considère en effet que les représentations se complexifient selon un gradient postéro-antérieur : les régions cérébrales postérieures stockeraient des unités de connaissances simples (un mot, une forme), alors que les régions antérieures stockeraient des unités beaucoup plus complexes (comme une série d’événements). Il définit des unités de connaissances stockées en mémoire et regroupant des séries d’événements, d’actions ou d’idées particulièrement impliquées dans la planification et le comportement social et qu’il appelle Managerial Knowledge Unit (MKU). Ces MKU sont des représentations abstraites comme des plans, scripts, thèmes, schémas. Les événements qui composent les MKU sont organisés temporellement en fonction de contraintes physiques, culturelles ou individuelles ; et ils n’ont pas tous la même valeur (certains sont plus centraux ou critiques pour l’activation, l’exécution ou le rappel d’une MKU). Les MKU sont hiérarchiquement organisées. Au niveau le plus haut se trouvent des MKU abstraites qui représentent des séries d’événements qui ont un début, des buts, des actions et une fin, sans faire référence à une activité particulière. Ensuite sont définies des MKU indépendantes du contexte qui représentent des comportements spécifiques (manger un repas), puis des MKU dépendantes du contexte qui représentent des comportements dans un contexte spécifique (manger un repas dans un restaurant) et juste en-dessous des MKU épisodiques qui représentent un temps et une localisation spécifiques (aller dîner chez Bocuse). Au dernier niveau, sont définies les règles, procédures et tâches (attendre d’être placé par le maître d’hôtel, utiliser un couteau et une fourchette pour couper la viande,…). Cette architecture serait construite de manière bottom-up c’est-à-dire que les unités les plus abstraites n’émergent qu’après la formation de plusieurs unités épisodiques et dépendantes du contexte.

Les MKU seraient également organisées en catégories : il pourrait ainsi exister des MKU pour les comportements sociaux, alimentaires…

Selon Grafman, les MKU seraient stockées dans le cortex préfrontal. Quelques études d’imagerie ont conforté cette hypothèse et ont montré une activation des régions frontales chez les sujets sains dans des tâches de manipulation de scripts .

De nombreuses données ont par ailleurs rapporté des difficultés chez les patients fronto-lésés dans des tâches de génération, de catégorisation, d’arrangement séquentiel et d’exécution de scripts . Des difficultés d’arrangement séquentiel ont été relevées dans les différentes études suggérant une atteinte dans l’organisation syntaxique de l’action alors que les aspects liés à la sémantique de l’action semble moins touchés. Cela conforte la position de Fuster qui considère que le cortex préfrontal est directement impliqué dans la représentation de la structure temporelle de l’action, c’est-à-dire que les actions sont organisées les unes par rapport aux autres selon un ordre temporel précis, déterminé, guidé par un but. C’est ce qui est appelé « syntaxe de l’action ».

La sémantique des scripts serait supportée par d’autres régions cérébrales à l’intérieur d’un réseau cérébral fonctionnel beaucoup plus vaste.