Justification de l’expérience

Nous avons déjà évoqué un certain nombre d’études évaluant la manipulation des scripts chez des patients avec lésion frontale mais des déficits dans l’utilisation des scripts ont également été rapportés chez des patients atteints de la maladie de Parkinson , de la maladie de Huntington et chez des patients schizophrènes . Les tâches proposées font souvent intervenir de la génération verbale de scripts et de la mise en séquence d’événements présentés sous une forme écrite (chaque action composant un événement étant écrite séparément sur un morceau de papier). L’utilisation d’un matériel verbal écrit auprès d’enfants nous limitait à tester des enfants ayant un bon niveau de lecture. Nous avons donc préféré représenter les différentes actions sous une forme imagée, matériel qui nous semble plus proche du quotidien des enfants.

Les études réalisées chez les enfants pour mieux comprendre le développement des connaissances et de la structuration des scripts se sont essentiellement basées sur des tâches de génération verbale de scripts . Ce type de tâche nous a semblé difficile à utiliser chez les enfants autistes et avec retard mental du fait d’un retard de langage et des difficultés d’expression et d’initiation verbales fréquemment observées. Une étude a utilisé une tâche de mise en ordre d’images représentant les actions de deux séquences (aller au restaurant et fêter son anniversaire) : les enfants de 4, 5 et 7 ans étaient capables d’arranger correctement les images et de raconter oralement chaque séquence en respectant l’ordre des événements .

Quelques études ont tenté d’évaluer les capacités d’utilisation des scripts chez des enfants atteints d’autisme mais dans un contexte de routines sociales. Dans ces expériences, les enfants devaient, selon un script socialement préétabli, décrire oralement des activités ou réagir à une anecdote qu’on leur racontait. Les enfants autistes ont montré des difficultés importantes dans la génération de tels scripts. L’inconvénient est que ces études ont utilisé les scripts pour tester les difficultés sociales des enfants autistes sans faire référence au domaine de la planification de l’action qui est pourtant à la base de la notion de script. Elles se sont davantage intéressées au contexte social de l’action, qu’au déroulement de l’action elle-même. Par ailleurs, les difficultés observées dans ces tâches de génération de scripts sont fortement corrélées aux capacités verbales des enfants autistes et peuvent être expliquées par des difficultés d’initiation et d’élaboration verbales que nous avons mentionnées.

Volden et Johnston ont utilisé des scripts d’une manière plus structurée et ont montré que certains aspects des connaissances sur les scripts étaient préservés chez des enfants autistes de haut niveau. Ces aspects concernent la prédiction d’actions et la reconnaissance de violations à l’intérieur d’un script.

Deux études se sont intéressées à la capacité d’enfants autistes à manipuler les aspects séquentiels des scripts . Des difficultés de mise en séquence des actions ont été observées mais, d’après Baron-Cohen, ces difficultés seraient spécifiques des activités impliquant la compréhension d’états mentaux complexes.

L’expérience qui va être décrite ici a consisté à adapter le paradigme des scripts tel qu’habituellement utilisé auprès des patients frontaux afin d’évaluer les capacités de tri et d’arrangement de séquences d’événements et d’actions chez des personnes autistes.