Etude 2 : Etude de la perception de l’action dans l’autisme infantile

Justification de l’expérience

La perception du comportement humain est une capacité cognitive importante car elle fournit des indices utilisables pour interpréter l’intention de la personne observée. Selon Baldwin, Baird, Saylor et Clark , la capacité à interpréter le comportement d’autrui en termes intentionnels dépend de compétences de base telle que la capacité à segmenter une action continue en unités pertinentes. Les sujets ne peuvent inférer des intentions que s’ils sont capables d’identifier les composants adéquats à l’intérieur du flux comportemental, et ceux-ci devraient être les composants qui coïncident avec le début et l’achèvement des intentions de l’acteur.

Les activités humaines sont généralement perçues comme des séquences continues d’actions où les transitions entre deux actions semblent souvent floues. Cependant, comme nous l’avons vu, les actions sont organisées de manière hiérarchique : des mouvements (prendre une assiette) sont à la base de séquences d’actions simples (laver l’assiette), elles-mêmes constitutives de séquences plus complexes (faire la vaisselle). Et il semble que cette organisation hiérarchique influence notre perception.

La technique habituellement utilisée pour étudier la capacité à segmenter le flux d’informations provenant de l’observation d’un comportement a été développée par Newtson . Elle consiste à demander à des sujets de visionner des vidéos d’événements et d’appuyer sur un bouton chaque fois qu’ils pensent qu’un événement se termine et qu’un autre commence. Les études utilisant ce protocole ont montré que les sujets étaient capables de segmenter en actions discrètes le flux continu du comportement d’un individu et qu’il y avait un fort degré d’accord entre sujets dans les frontières identifiées . Les frontières avaient tendance à correspondre au moment où les caractéristiques physiques de l’activité étaient modifiées. Ces études ont montré que la perception des actions reposait sur des mécanismes bottom-up (les caractéristiques physiques de l’activité) mais également sur des influences top-down (la représentation d’action). En effet, quand on manipulait le niveau d’analyse, c’est-à-dire quand on demandait aux sujets de segmenter en repérant les frontières soit entre des actions courtes soit entre des actions plus longues, les sujets appuyaient plus souvent pour les actions courtes que pour les actions longues, et les frontières entre les unités longues coïncidaient avec celles des unités courtes. Ainsi, la perception de l’action serait guidée en partie par des mécanismes de représentation de l’action, tout comme dans les activités de planification ou d’imitation.

Ce dernier point tend à être confirmé par des études d’imagerie montrant que le réseau neuronal sous-tendant la planification est également activé pendant la perception d’action . Zacks et al. ont par ailleurs mis en évidence une activation des régions occipito-temporales bilatérales et du cortex frontal droit dans une tâche de segmentation d’action.

Deux études ont mis en évidence des difficultés dans une tâche de segmentation d’action chez des patients avec lésion préfrontale et chez des patients schizophrènes . Les deux groupes de patients présentaient des problèmes dans la détection de frontières pour les actions longues suggérant un déficit dans l’intégration des actions simples en une séquence, en une représentation plus complexe.

Concernant les capacités de segmentation chez l’enfant, les études sont peu nombreuses. Certaines données ont montré que dès 6 mois les enfants étaient capables d’individualiser les actions d’une séquence comportementale et vers 10-11 mois ils étaient sensibles aux actions segmentées suivant des frontières intentionnelles .

Une étude chez des enfants d’âge scolaire a employé un paradigme comparable à celui utilisé chez l’adulte sur des séquences d’animation de figures géométriques . Cette étude a montré que les enfants utilisaient des stratégies de découpage d’un continuum en unités discrètes et que ces stratégies devenaient de plus en plus efficaces avec l’âge. Toutefois il y avait peu d’accord dans les unités identifiées par les enfants mais à noter que l’attention des enfants n’était pas orientée sur des niveaux d’analyse différents (c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de distinction entre des actions courtes et des actions longues). Thommen considérait que la segmentation d’un continuum en unités discrètes était une activité cognitive complexe non immédiatement réalisable par les enfants : avant 7 ans, ceux-ci ne comprendraient pas la tâche demandée.

L’expérience qui va être décrite a consisté à adapter le paradigme de segmentation d’action utilisé habituellement chez les sujets adultes normaux afin d’évaluer les capacités de perception et de segmentation de séquences d’actions chez des personnes autistes.