Le 18 novembre 1095, Urbain II ouvre le concile de Clermont et prêche la croisade.
Cet appel pour sauver en priorité les chrétiens d’Orient, plus que pour délivrer les Lieux Saints entre les mains des musulmans, a une répercussion extraordinaire qui va modifier en profondeur le processus pèlerin qui prend une connotation de plus en plus guerrière.
Quatre ans plus tard, c’est une forme bien particulière de pèlerins qui s’emparent de Jérusalem comme le relate Pierre Aubé :
« C’était un vendredi, le 15 du mois de juillet de l’an 1099 - le 22 sha’bân 492 de l’hégire - « à l’heure où le Christ fut mis en croix ». Entrés dans la ville, nos pèlerins poursuivaient et massacraient les Sarrasins jusqu’au temple de Salomon, où ils s’étaient rassemblés et où ils livrèrent aux nôtres le plus furieux combat pendant toute la journée, au point que le Temple tout entier ruisselait de leur sang. (…) Tout heureux et pleurant de joie, les nôtres allèrent adorer le Sépulcre de notre Sauveur Jésus et s’acquittèrent de leur dette envers lui » 12 .
De ces chevaliers pèlerins venus délivrer la Ville Sainte, les ressemblances sont minces avec les pèlerins du premier millénaire chrétien, pieux occidentaux en quête de découverte de leur « terre d’origine », et non de délivrance armée comme cela aurait pu être le cas après l’invasion musulmane du VIIe siècle. Ces pèlerinages guerriers ne prendront le titre de croisade que bien plus tard, le terme apparaissant timidement au XIIIe siècle et tendant par la suite vers une polysémie qui s’élargit chaque jour davantage.
Pour notre étude, les huit croisades ne peuvent être considérées comme des pèlerinages, tellement la notion de conquête est présente, la religion passant le plus souvent au second plan. Il n’en reste pas moins que cette période de près de deux siècles a eu sur les peuples d’Occident un impact fort, ouvrant aux masses occidentales la route de Jérusalem, l’iter hierosolymitanum 13 . Cette notion de conquête qui débouche sur la création d’Etats latins va voir débarquer des pèlerins par milliers, mais dont le sentiment de supériorité estompe quelque peu ce sentiment du pèlerin pénitent arrivant à Jérusalem à la suite d’une longue marche, sur la via Dei, après s’être purifié au fil des rencontres, et ayant acquis une paix intérieure.
Pierre Aubé, Jérusalem, 1099, Arles, Actes Sud, p.13.
Alphonse Dupront, Le mythe de croisade, op. cit, p.1320