La communauté chrétienne

Malheureusement pour les pèlerins catholiques français, les chrétiens d’Orient sont bien différents de ceux qu’ils côtoient dans les églises françaises. La majorité des chrétiens présents en Terre Sainte sont des orthodoxes, les catholiques n’étant que quelques milliers sous la protection des Franciscains et les protestants quelques dizaines. Le rapport entre ces différentes communautés est extrêmement conflictuel, et ce, tout au long du siècle et bien au-delà… c’est ainsi que le premier choc pour les catholiques français est de ne croiser aucun catholique dans les rues de Jérusalem ou au Saint Sépulcre et d’avoir le sentiment que tous les lieux sacrés de Terre Sainte sont entre les mains des orthodoxes. A partir de ce constat, la description des « schismatiques » par les pèlerins ne sera qu’un tableau de méfiance, de condamnation voire d’injures : « Il n’est pas de fourberies et même, au besoin, de violences auxquelles les Grecs n’aient recours pour dépouiller des Turcs, les schismatiques profitant des circonstances critiques au milieu desquelles se trouvent parfois les catholiques pour faire reconnaître et consacrer leurs usurpations » 47 . Ce sentiment de domination des orthodoxes est accentué par les pèlerins russes ou arméniens qui affluent par milliers chaque année à Jérusalem, en particulier au moment de Pâques, alors que les pèlerins catholiques se comptent sur les doigts d’une main : « Vous ne pouvez vous faire une idée, mon cher ami, de la quantité de pèlerins grecs, arméniens, maronites… qui affluent à Jérusalem pour visiter les lieux saints. On en compte en ce moment près de 4000 (…) il en vient des contrées les plus éloignées(…) quand je jette un coup d’œil sur cette multitude et que je viens à compter les pèlerins catholiques, je suis frappé d’un étonnement qui va jusqu’à la stupeur. Sur 4000, nous sommes …4 : un cordonnier polonais d’Odessa, avec sa femme, encore un autre polonais, et votre serviteur » 48 .

Face à cette multitude orthodoxe, les Franciscains, seuls représentants et protecteurs des catholiques depuis le XIVe siècle font figure de martyrs et d’unique espoir d’une restauration catholique en Terre Sainte. Chateaubriand dresse un éloge prononcé de ces religieux qui l’ont accueilli à Jaffa, Jérusalem et Bethléem : « On voit les malheureux Pères, gardiens du Tombeau de Jésus-Christ, uniquement occupés, pendant plusieurs siècles, à se défendre, jour par jour, de tous les genres d’insultes et de tyrannie. Il faut qu’ils obtiennent la permission de se nourrir, d’ensevelir leurs morts. (…) On épuise contre ces infortunés moines les inventions les plus bizarres du despotisme oriental (…) J’avoue que mon admiration pour tant de malheurs si courageusement supportés, était grande et sincère ». Lors de son départ de Jérusalem, il rend de nouveau un profond hommage à ces hommes de Dieu : « Je ne connais point de martyre comparable à celui de ces infortunés Religieux ; l’état où ils vivent ressemble à celui où l’on était, en France, sous le règne de la terreur ».

Notes
47.

Ibid, p.426.

48.

R.P. de Géramb, op. cit., p.143.