Il n’est pas un récit de pèlerinage qui ne fait pas une description des juifs de Jérusalem et de leurs quartiers. Ils sont une partie intégrante de l’histoire du pays et leur lien avec la religion chrétienne est si fort que les pèlerins ne peuvent se permettre de passer sous silence cette communauté. Ces hommes et femmes qui, au début du siècle, ne représentent qu’une minorité de la population de Jérusalem sont considérés comme les renégats de la ville, relégués dans un quartier, que tous les pèlerins décrivent comme sordide. Cette population est sous le joug de l’autorité musulmane : « Ils sont résignés et souffrent sans se plaindre » 49 et est également tyrannisée par les autres communautés et en particulier les chrétiens : « Si l’un d’eux osait s’aventurer sur le parvis du Saint Sépulcre, il risquerait d’être tué par les habitants, chrétiens ou musulmans ; les uns et les autres leur reprochant encore aujourd’hui la mort de leur Dieu ou de leur grand prophète » 50 .
Tous les pèlerins romantiques qui ont exploré la Terre Sainte dans la première moitié du XIXe siècle ont un dénominateur commun, celui d’avoir été surpris, peut-être séduits, puis dérangés, voire irrités par le sésame de l’Orient : le mot bakchich, à partir duquel Louis Félicien de Saulcy n’hésita pas à inventer le verbe « backchicher » ! Pour toutes les communautés, tous les âges, le bakchich, c'est-à-dire le pourboire, est l’occasion de soutirer aux pèlerins occidentaux quelques pièces de leur immense fortune présumée.
Plus réellement, les pèlerins dits romantiques permirent « d’ouvrir la carrière », d’être des hommes qui, par leurs écrits, firent prendre conscience aux catholiques de France que Jérusalem existe toujours, que cette ville reste le lieu originel de leur foi, que la Palestine est l’espace sacral de la religion chrétienne. Lettrés, argentés, espérant parfois l’aventure, majoritairement croyants, ils surent montrer qu’il n’y a qu’un pèlerinage qui compte vraiment dans la vie d’un chrétien, c’est celui de Jérusalem.
Nathalie Clausse, op. cit., p.591.
Nathalie Clausse, op.cit., p.602.