L’essor d’une nouvelle congrégation : les assomptionnistes

Le charisme d’un homme : le Père d’Alzon

« En France, durant 30 ans, entre 1871 et 1901, les Pères Augustins de l’Assomption, qui n’avaient cependant pour eux ni passé glorieux, ni penseurs illustres, ont imprimé sur le catholicisme français la marque de leur esprit » 174 . Ce jugement de René Rémond résume le rôle exceptionnel joué par la nouvelle congrégation.

La congrégation des Augustins de l’Assomption fut fondée à Nîmes, en 1845, par Emmanuel d’Alzon, alors vicaire général du diocèse du Gard 175 .

Fils de la noblesse, il voit le jour au Vigan, et toute sa vie se déroule « dans un triangle qui part du Vigan, descend vers Nîmes à l’est, vers Lavagnac à l’ouest » 176 . C’est un méridional. Selon ses biographes, il hérite du tempérament et du physique du midi, et conserve un attachement profond à cette terre qu’il refuse de quitter tout au long de sa vie, à l’exception de séjours à Rome, malgré de nombreuses propositions d’évêchés. Il est ultramontain, sans l’ombre d’une hésitation, comme la majorité du clergé du sud de la France, en particulier lorsqu’il faut défendre les droits du pape, au concile de Vatican I ou après le 20 septembre 1870. C’est un homme qui a été profondément marqué par la Révolution et il déploie une profonde énergie pour combattre le mouvement antireligieux et anticlérical se réclamant de 1789. Pour lui, l’essentiel est l’amour de Jésus-Christ, et suite à la Révolution qui a voulu une nouvelle fois tuer le Christ, il a le devoir de lutter pour restaurer le pouvoir du Fils de Dieu au sein de sa patrie.

Il hérite également de l’histoire religieuse régionale, de la lutte parfois fratricide entre catholiques et protestants. Toute sa vie est marquée par la hantise du protestantisme, ce qui le pousse à mettre en valeur les dévotions que rejettent le plus « les hérétiques » : Marie, le Pape et l’hostie. Il a tout au long de sa vie un attachement ému pour les sites mariaux que cela soit Notre Dame de Rochefort, près de Nîmes ou Lourdes. L’attachement au pape est l’un des fondements de son engagement religieux, ultramontain, comme la majorité du clergé méridional. Il fait de fréquents séjours à Rome. Zélé défenseur du pouvoir temporel du pape, il sera l’un des initiateurs de l’infaillibilité pontificale lors du concile de Vatican I. Il a enfin une grande dévotion eucharistique, poussant les catholiques de son diocèse à communier régulièrement comme l’atteste cet extrait d’un sermon de 1862 à Alès : « Il y a des personnes qui croient devoir se dispenser de communier à cause de leur faiblesse, mais elles sont bien coupables, puisque, connaissant leur impuissance, elles refusent d’aller à la force qui est Jésus-Christ. Pourquoi se laisser arrêter par de ridicules scrupules et se demander si on est prêt à communier ? » 177 . Au cours de ces quarante-cinq ans de vicariat à Nîmes, cette forte personnalité vaut au Père d’Alzon d’être affectueusement dénommé « le lion des Cévennes ».

Notes
174.

René Rémond in Castel P., Le Père François Picard et le P. Vincent de Paul Bailly dans les luttes de presse, Rome, Maison Généralice des Augustins de l’Assomption, 1962, p.7.

175.

Le choix du terme Assomption pour cette nouvelle congrégation tiendrait au fait que le collège nîmois où s’est décidé la création de ce nouvel institut avait sur la façade une plaque « A Notre-Dame de l’Assomption ».

176.

Gérard Cholvy, Emmanuel d’Alzon, les racines, in Emmanuel d’Alzon dans la société et l’Eglise du XIXe siècle, sous la direction de René Rémond et Emile Poulat, Paris, Le Centurion, 1982, p.23.

177.

Ibid., p.33.