Le premier pèlerinage assomptionniste : La Salette, été 1872

Le Père Picard, dès sa décision prise en accord avec le Père d’Alzon 195 , déclenche une vaste campagne d’information, dans la presse, auprès des religieux, des membres de Notre-Dame de Salut…et se lance dans l’organisation du périple : trains, voitures et montures pour gravir la montagne de La Salette. Il est fortement secondé par le Père Vincent de Paul Bailly, qui sera le grand personnage des Pèlerinages de Pénitence en Terre Sainte.

Le 21 août 1872 « la montagne sacrée » reçoit 375 prêtres qui encadrent près de deux mille pèlerins venus de la France entière. Il faut noter, et cela est l’une des raisons de la poursuite des pèlerinages, les nombreuses altercations, aussi bien à Grenoble qu’à Vizille, avec des anticléricaux, convaincus que l’avènement d’un régime républicain aurait fait disparaître ces « parades catholiques ». Adolphe Thiers tente plus tard de calmer le camp laïc en affirmant que « les pèlerinages ne sont plus dans nos mœurs » 196 , mais il se trompe lourdement. Le Père Picard ne s’est pas contenté d’être un organisateur mais il est également un exalteur de foi que les pèlerins suivront en entonnant le cantique : Pitié mon Dieu, c’est notre patrie. C’est également la création d’un opuscule Pieux conseils aux pèlerins avec toute une série de recommandations aux arpenteurs de la montagne : « Au départ se confesser et communier. Se recommander à Marie, aux saints anges, à Sainte Philomène (…) Pendant le pèlerinage, à l’exemple des premiers fidèles, union des cœurs dans une même prière. Penser habituellement au double but du pèlerinage : la délivrance du souverain pontife et le salut de la France » 197 .

Lors de tous les pèlerinages assomptionnistes, le souci de l’organisation matérielle et spirituelle est présent, avec la volonté d’encadrer et d’unir tous les pèlerins autour des thèmes de la patrie en danger, de la France qui doit retrouver le chemin de Dieu, et du soutien au « pape prisonnier ».

Le point décisif, pour l’avenir, en ce mois d’août 1872, est la création à La Salette, du Conseil Général des pèlerinages sous la présidence de Mgr Paulinier, évêque de Grenoble, et du Père Picard. Son but est de diriger, soutenir et amplifier un mouvement qui enverrait des pèlerins non seulement à La Salette, à Lourdes, à Paray-le-Monial et autres sanctuaires de France, mais aussi à Rome et à Jérusalem. Les membres du bureau du Conseil Général des pèlerinages sont présents tout au long de l’aventure des pèlerinages assomptionnistes : « Père Picard, directeur, M. le Vicomte de Damas, président, M. Bournisien, vice-président, le Père Germer-Durand, secrétaire, M. le Duc de Chaulnes, trésorier. » 198 Debidour voit ce Conseil Général des pèlerinages comme un nouvel organe de soutien au pape conservateur : « Le conseil des pèlerinages qui, après être allé prendre à Rome le mot d’ordre du Pape, se donna pour tâche d’organiser et de diriger chaque année en France les pèlerinages nationaux, c'est-à-dire de bruyantes manifestations populaires en l’honneur du pape-roi et de la politique du syllabus » 199 .

Le Conseil Général des pèlerinages vient confirmer tout ce que l’on attendait de lui. 1873, « la divine année », apparaît, avec le recul, comme le point de départ de l’engouement pèlerin. Ils sont ainsi cette année là plus de 1000 à La Salette, 492 à Lourdes 200 pour le premier pèlerinage national, et près de 300 à Rome au mois de mai. A cela, il faut ajouter la multitude des pèlerinages diocésains qui inaugurent religieusement l’entrée de la France dans la période dite de l’Ordre moral.

A cette date, il n’est encore pas question de pèlerinage en Terre Sainte, mais le succès et la foi aidant, de nombreux religieux commencent à entrevoir une possibilité de franchir les obstacles marins pour atteindre l’espace sacral et entreprendre « le roi des pèlerinages ».

Notes
195.

Le soutien du Père d’Alzon est sans équivoque : « Allez aux pèlerinages de la Sainte Vierge, faisons-en le plus possible », Ibid, p.187.

196.

Lucien Guissard, op. cit., P.110.

197.

Pages d’archives, op. cit., p.188.

198.

Ibid, p.188.

199.

Debidour, op. cit., p.66.

200.

En 1880, ils sont déjà 4600, et 20 000 en 1890.