L’enjeu religieux du pèlerinage

Benoît Joseph Labre : le saint-mendiant protecteur

S’inspirant du mot d’ordre des croisés Dieu le veut, le Père Picard entend inscrire, sans équivoque, son pèlerinage dans une vocation religieuse. Dans cette optique, le pèlerinage se met sous la protection d’un saint, français et pèlerin : Benoît Joseph Labre. Renommé au XVIIIe siècle pour sa pauvreté volontaire et son humilité évangélique, il naît le 26 mars 1748, à Amettes (Pas de Calais), et meurt à Rome, le 16 avril 1783. Il fait plusieurs pèlerinages à Rome, à Notre-Dame de Lorette, s’inflige de nombreuses pénitences, passe sa vie en prière.

Figure 8
Figure 8 Jérusalem, tome 1, 1904-1905, AAV.

Les Augustins de l’Assomption souhaitent mettre en avant ce saint pour deux raisons principales.

La première est qu’il est l’exemple parfait du mendiant pénitent pour le catholique ultramontain du XIXe siècle : « Labre doit être le type de la sainteté telle que l’imagine le dévot ultramontain du XIXe siècle. La vertu qu’il prêche est faite de renoncement à tout ce qui vient d’une nature pécheresse ; elle s’exprime en terme de refus. (…) Ainsi s’édifie le type du « bon mendiant » de l’ancien temps, avant que la Révolution française n’ait vicié le peuple en lui parlant de liberté et en favorisant son émancipation vis-à-vis de toute loi religieuse et morale. » 256 Tout au long du XIXe siècle, nombreux sont les ouvrages sur le « saint homme » d’Amettes, vantant les qualités de pèlerin infatigable « quoiqu’il fut qu’un homme d’une santé peu solide » 257 , de pauvreté « toujours vêtu du même habit usé et déchiré, (…) ne prenant pas d’autre nourriture que des restes de pain très dur ou des débris de choux » 258 .

Les assomptionnistes veulent, lors de la mise en place du pèlerinage de pénitence, mettre en lumière un pèlerin, pénitent, qui ne s’est pas illustré au cours de sa vie par des prédications ou par des entreprises charitables mais par le fait qu’il ne fut rien du tout. On peut penser que le Père Picard n’en attend pas moins des mille pèlerins en partance pour la Palestine.

La deuxième raison qui pousse les organisateurs du pèlerinage à choisir Benoît-Joseph Labre comme protecteur est sa canonisation le 8 décembre 1881, en pleins préparatifs du premier pèlerinage de pénitence aux Lieux Saints 259 . D’autre part, le jour de sa mort, le 16 avril, a été retenu par Rome, pour être le jour de sa fête, que l’on commémore chaque année, soit quelques jours avant le départ en Terre Sainte.

Par la suite, Saint Benoît Joseph Labre sera le protecteur de toutes les caravanes en partance pour Jérusalem.

Notes
255.

Jérusalem, tome 1, 1904-1905, AAV.

256.

Jacques Gadille, Autour de Saint Benoît-Joseph Labre, hagiographie et critique au XIXe siècle, in Revue d’histoire de l’Eglise de France, n°149, 1966.

257.

Revue du diocèse de Lyon, n°1, 1883, p.549.

258.

Ibid. Les anticléricaux ne manqueront pas de fustiger ce saint « mort en état de crasse ». Le Progrès du Nord, au moment de sa canonisation présente à sa manière ce nouveau saint : « A trente-huit ans rongé par la vermine, il mourut dans sa crasse après une existence de fakir hindou ». Yves-Marie Hilaire (sous la direction de), Benoît Labre, Errance et sainteté, histoire d’un culte 1783-1983, Paris, Editions du Cerf, 1984, p.84.

259.

Pour les cérémonies en vue de la canonisation, des milliers de pèlerins se rendirent à Rome et les Pères assomptionnistes organisèrent un Pèlerinage français national conduit par le Père Picard et le Vicomte de Damas.