D’après la définition de la Grande encyclopédie, la Palestine est « la région qui est au sud de la Syrie proprement dite, limitée à l’Ouest par la mer Méditerranée, à l’est par le désert, au sud par le Ouady el-Arîch et le 31° de latitude nord. La frontière septentrionale est moins nette. Nous admettrons qu’elle est formée par le Nahr el-Qâsmîyé (cours inférieur du Lîtânî) et une ligne imaginaire qui prolongerait ce fleuve et passerait au sud de l’Hermon » 324 . Cette définition de la fin du XIXe siècle démontre la difficulté de visualiser clairement les limites de cette région de l’Empire ottoman qui est divisée en plusieurs entités administratives.
Dans son étude administrative de la Palestine au XIXe siècle, René Pérennés analyse précisément le découpage administratif de l’Empire ottoman et de la Palestine en particulier : « En 1831, l’Empire est divisé en 29 élayets [dénommés par la suite vilayets] à la tête desquels se trouvent des gouverneurs qui portent le titre de pacha. Ces entités territoriales peuvent être regroupées à deux ou trois pour former un pachalik, mais la plupart du temps, les élayets sont autonomes et dépendent directement d’Istanbul. Comparés à notre organisation actuelle, on pourrait les situer au niveau des Régions. Ils sont subdivisés en livas ou sançaks (termes identiques), une de ces subdivisions étant choisie comme siège du gouvernement provincial et connue sous le nom de pasha sancagi. Le liva à son tour est divisé en kazas, qui sont en principe des circonscriptions juridiques placées sous l’autorité d’un juge, le kadi. Les Kazas par la suite seront réparties en nahiyas, principalement dans les districts ruraux dont le nombre de villages est connu » 325 .
Par la suite, l’organisation de l’Empire ottoman reste sensiblement la même, modulable en fonction des réformes liées aux tanzimats et aux pertes territoriales principalement en Europe. Il en ressort que le système administratif reconnaît cinq niveaux dans la juridiction administrative : « Au sommet trois niveaux – le vilayet, le sançak et le kaza- les responsabilités administratives étant supposées être entre les mains des fonctionnaires désignés par Istanbul. Aux deux niveaux inférieurs, le nahiyé et le karyé (village ou municipalité), les postes de chefs de l’administration étaient attribués à des personnalités élues sur le plan local dont les initiatives étaient souvent corrigées par les échelons supérieurs » 326 .
La Palestine est ainsi répartie entre différents vilayets que Vital Guinet répartit de la manière suivante : le vilayet de Syrie dont le chef-lieu est Damas, le vilayet de Beyrouth, la province du Liban et le sançak indépendant de Jérusalem 327 . Ce dernier correspond à la majeure partie de la Palestine d’aujourd’hui et est l’un de ces sançak privilégiés qui ne dépend point du vali (dirigeant du vilayet) mais directement d’Istanbul 328 .
Le Vital-Guinet le délimite de la manière suivante : « Le mutésarriflik de Qouds –i- Chérif est situé par 31° 30’, à 33° 13’ de longitude et 29° 30’, à 32° 10’ de latitude. Il est limité au nord par le vilayet de Beyrouth ; à l’est par le sançak de Ma’ân et la mer Morte ; au sud-ouest par une ligne idéale tracée lors de la délimitation officielle de l’Egypte à partir du fort Qala’at èl-Arich, sur la mer Méditerranée, jusqu’au fort Qala’at èl-Akaba, situé au fond du golfe d’Akaba ; et à l’ouest enfin par la mer Méditerranée » 329 . La superficie totale du sançak est de 22 000 km² divisé en quatre kaza : Jérusalem (2200 km²), Jaffa (1600 km²), Gaza (12 400 km²) et Hébron (5800 km²). On compte en totalité 328 villes, bourgs, villages et hameaux. L’autorité est exercée en matière civile par un mutassarik, gouverneur du sançak, qui relève directement du ministère de l’intérieur. Ce privilège accordé à la Palestine est à rechercher dans l’importance prise par Jérusalem, la ville trois fois sainte ; le gouvernement de la Porte ne pouvant se permettre que cette région acquiert trop d’indépendance, à l’image de l’Egypte, et ne soit plus pour le gouvernement un moyen d’influence auprès des puissances européennes. L’occupation de cette terre par Ibrahim Pacha et la guerre de Crimée ont prouvé l’importance de cette région au sein de l’Empire et la nécessité d’une administration directe de la capitale ottomane. Y. Ben Arieh confirme que « The nine years of centralized Egyptian rule, which had weakened the power of feudal governors, so that the government could enforce its authority more easily than in the past » 330 .
André Berthelot (sous la direction de), La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, Paris, 1885, tome 25.
René Pérennés, La Palestine et la décadence de l’Empire ottoman 1820-1920, Versailles, Ouest Editions, 1999, p.29.
Ibid, p.43.
Vital Guinet, Syrie, Liban, Palestine : géographie administrative et raisonnée, Paris, Ernest Leroux, 1896.
Annexe, Carte sur le découpage de la Palestine entre 1856 et 1882.
Vital Guinet, op. cit.
Y. Ben Arieh, Jérusalem in the 19th century, Jérusalem, 1984, p.111.