La France et la Palestine entre religion et politique : le rêve d’un protectorat

Les capitulations de 1535 confirmées en 1604, 1673, 1740, puis au traité de Berlin en 1878 sont les repères chronologiques revendiqués par tous les régimes français successifs pour assurer la protection des catholiques en Orient, et de manière plus particulière en Palestine et à Jérusalem, « terre des origines » du christianisme. De cette détermination à protéger les latins découlent la volonté d’une domination française sur ces mêmes terres.

De la Monarchie à la République anti-cléricale, tous les gouvernements ont la volonté de défendre les intérêts de la France, religieux en priorité, avec la multitude d’établissements catholiques disséminés sur l’ensemble de l’Empire ottoman, mais également économiques dans une région qui s’ouvre au monde, et enfin coloniaux dans la grande rivalité qui oppose les puissances européennes, en priorité la France et l’Angleterre.

« La France catholique ne se résoudra jamais à perdre ce glorieux privilège que tant de sang versé et tant de services rendus ont si pleinement justifié dans les siècles passés » 376 .

Telle est l’opinion de tous les acteurs français présents de près ou de loin dans les affaires d’Orient, soutenus en cela par l’ensemble des institutions religieuses françaises qui se sont fortement développées dans cette région, mais également des anticléricaux à l’image de Gambetta dont l’anticléricalisme s’arrête là où les intérêts de la France sont en jeu. La France reçoit également le soutien de Rome, en particulier durant le pontificat de Léon XIII qui estime que « la France a en Orient, une mission à part que la Providence lui a confiée : noble mission qui a été consacrée non seulement par une pratique séculaire, mais aussi par des traités internationaux (…). Le Saint-Siège, en effet, ne veut en rien toucher au glorieux patrimoine que la France a reçu de ses ancêtres et qu’elle entend, sans nul doute, mériter de conserver, en se montrant toujours à la hauteur de sa tâche» 377 .

Les consuls présents en Palestine ont la tâche de représenter au mieux les intérêts de la France et de fortifier l’importance de cette dernière. La prise de fonction d’un nouveau consul à Jérusalem démontre en particulier la place prédominante qu’occupe la France. La revue des Missions Catholiques décrit l’entrée dans la Ville Sainte, en 1881, du consul Langlais : 

« Les drogmans et les janissaires de tous les consulats, du patriarcat et du couvent des Franciscains allèrent à sa rencontre à une lieue de la ville. Le jour de la fête de Saint Jean in Montana, M. Langlais assista à la messe solennelle célébrée par le Rme P. Guide de Cortone, custode de Terre Sainte. Le soir, il se rendit à Bethléem, où il fut reçu officiellement en sa qualité de protecteur des Saints-Lieux. » 378 .

Nous avons évoqué dans la première partie la figure emblématique de Paul-Emile Botta qui eut la farouche volonté de défendre les intérêts français à Jérusalem. Cet homme, loué pour sa dévotion à la cause des catholiques et des Français en Terre Sainte, rejoint en cela la liste des autres consuls français, tous très dévoués à leur poste à l’image du consul Ledoulx, présents de 1885 à 1898, incarnation parfaite du consul catholique, fervent défenseur des congrégations françaises et des intérêts capitulaires de son pays.

Notes
376.

Mgr Langénieux, in Echos d’Orient, AAV, tome II, octobre 1898-octobre 1899, p.19.

377.

Ibid, p.21.

378.

Les Missions Catholiques, OPM, tome 13, p.365.