De quel poids jouit la France en Palestine ?

D’un point de vue économique, les rivalités avec les autres puissances européennes sont fortes et les résultats assez minces même si certains zélateurs de la domination française sont fiers de mentionner la construction du chemin de fer Jaffa-Jérusalem avec des capitaux français, tout comme la présence du Crédit Lyonnais, la plus importante banque du pays…

D’un point de vue religieux, la présence et la prédominance française sont indéniables. Nombreux sont les « grands esprits » à s’enflammer sur la grandeur de la France en Orient : 

« Les œuvres françaises en Orient, religieuses et laïques, sont assez nombreuses pour occuper notre diplomatie, elles sont assez fortes pour soutenir notre influence et depuis qu’elles sont franchement éducatrices ou hospitalières, elles ont acquis une vitalité que nulle autre jusqu’ici n’égale» 379 .

Ces propos sont le reflet de la pensée de l’époque, qui voit dans la présence française en Orient ou ailleurs de par le monde cette mission civilisatrice qui était si chère à Napoléon Bonaparte comme elle le sera à tous les hommes au pouvoir durant ce siècle colonialiste. On utilise pour cela les exemples classiques de cette action civilisatrice de l’Europe et l’inévitable référence aux croisades : 

« Comme au temps des croisades, l’Europe secourait l’Asie ; elle en avait reçu les principes de vie, elle les avait cultivés précieusement par l’effort et la discipline, et en avait tiré son bien-être moral et matériel tandis que là-bas l’anarchie éteignait toute civilisation. Le moment venu, elle acquittait sa dette et dans un mouvement de refus la civilisation retournait à son berceau. Et toujours, comme à l’époque de Pierre l’Ermite, de Godefroy de Bouillon, de saint Louis, la France était en tête (…). Fidèle à ses traditions, elle apportait à ces populations malheureuses, sans distinction de religion, l’espérance d’un peu plus de justice, les bienfaits de la science et les aidait à sortir de l’abjection où elles croupissaient. Elle préparait la rénovation du pays» 380 .

Cette opinion, exaltée, patriotique, civilisatrice, ne représente pas complètement la réalité mais son fondement n’est pas inexact. La Palestine est une région qui vit à partir des années 1850, et pendant près de deux générations à l’heure française. C’est l’âge d’or de la présence française, particulièrement visible à Jérusalem, siège des Lieux Saints chrétiens les plus vénérés.

Les différents symboles visibles de cette prédominance française sont la langue, utilisée chez tous les lettrés et dans les actes de commerce et souvent comme première langue d’enseignement, et la multitude d’instituts religieux où depuis le toit de leur bâtiment flotte le drapeau français.

Notes
379.

A d’Anthouard, La France en Palestine in La Revue hebdomadaire, janvier 1914, p.38.

380.

Ibid, p.38-39.