Le pape Léon XIII : l’intérêt de soutenir les oeuvres assomptionnistes

La congrégation des Augustins de l’Assomption est dès son origine vouée au pape. Nous l’avons constaté dans l’historique des premières années, en particulier en ce qui concerne le Père d’Alzon, farouche ultramontain. Il en est de même après le décès du fondateur, le Père Picard faisant preuve d’une obéissance exemplaire devant les décisions papales. La congrégation s’illustre particulièrement lors de la défense des intérêts territoriaux du pape en bute aux troupes de Garibaldi. Le Père Vincent de Paul Bailly part en 1867, en compagnie d’une quarantaine de jeunes, protéger le pape Pie IX face aux nationalistes italiens et il est par la suite un défenseur acharné du « pape prisonnier ».

Pour les assomptionnistes, le souverain pontife s’avère être un soutien privilégié au développement de leur entreprise pèlerine, que cela soit en France ou en Palestine. Le pape qui incarne ce lien privilégié avec la congrégation est Léon XIII, élu en 1878, et qui reste sur le trône de Saint-Pierre pendant 25 ans. Il reçoit, à la suite de Pie IX, les pèlerins français conduits par les assomptionnistes.

La mise en place d’un pèlerinage aux Lieux Saints a d’emblée les faveurs de Léon XIII, qui a toujours regretté de n’avoir pu se rendre à Jérusalem. Un Bref du 6 mars 1882 adressé au supérieur assomptionniste, donne son accord pour ce premier Pèlerinage de Pénitence en Terre Sainte :

« C’est pour nous une grande joie d’apprendre qu’on prépare ce pèlerinage de pénitence aux Lieux Saints de la Palestine (…) qui doit reproduire le caractère et la piété des anciens pèlerinages » 455 .

Le pape concrétise son soutien à cette initiative en accordant de nombreuses faveurs aux pèlerins et à ceux qui ont encouragé cette pérégrination pénitente : 

« Nous accordons aux pèlerins l’Indulgence Plénière pour le jour du départ, celui du retour ou le lendemain, et pour un jour quelconque, au choix de chacun, pendant le pèlerinage ; pourvu que, dûment confessés et ayant reçu la sainte communion, ils prient à Notre intention pour la destruction des hérésies et pour les besoins de l’exaltation de la Sainte Eglise Romaine » 456 . Le Saint-Père ajoute : « A ceux qui, retenus chez eux, auront favorisé le pieux pèlerinage par l’envoi d’autres pèlerins, en leur nom, par des aumônes, ou autrement, (…) Nous accordons l’Indulgence Plénière à gagner le premier jour du mois de mai » 457 .

Au moment du départ de la caravane des mille, en 1882, Mgr Robert, évêque de Marseille, remet, au nom du pape, une croix rouge à chaque pèlerin, signe supplémentaire de ce lien entre Léon XIII et ces nouveaux croisés.

Léon XIII est très attentif à cette entreprise promise à un bel avenir, et reçoit dès 1883 la deuxième caravane des Pèlerins de Pénitence en partance pour Jérusalem. La Croix évoque cette audience des plus solennelle :

« Léon XIII accueillit les pèlerins en vrai père. Assis sur son trône, il les vit défiler devant lui, causant à chacun, avec une bonté inaltérable, s’enquérant des moindres détails du voyage, et bénissant avec effusion chacun des heureux voyageurs » 458 .

Les Pèlerins ne font pas d’escales romaines à chaque pèlerinage, mais le lien créé dès son élection entre les assomptionnistes et lui ne s’estompent plus, et même si les prises de position du Pape en faveur du ralliement des catholiques à la République perturbent profondément les fils du Père d’Alzon, l’obéissance reste de mise.

Dans un Bref du 18 avril 1896, Léon XIII renouvelle son soutien aux Pèlerinages Populaires de Pénitence comme il le fait depuis 1882 :

« Nous avons déjà encouragé et préconisé par des éloges mérités les Pèlerinages de Pénitence que se chargeaient d’entreprendre les Pères Augustins de l’Assomption (…) le succès a pleinement répondu à Notre attente » 459 .

Figure 17
Figure 17 P. Germer-Durand, La première croisade de pénitence, récit illustré du pèlerinage populaire à Jérusalem, AAR, B 62.

Pour le XXe pèlerinage de pénitence de 1900, année jubilaire, les pèlerins font escale à Rome, et peuvent de nouveau mesurer tout l’attachement du Saint Père pour Jérusalem. Le Pèlerin retranscrit cette entrevue romaine par ces mots : 

« Le pieux pontife se retrouvait au milieu des pèlerins qui l’acclamèrent comme un ami et un bienfaiteur des pèlerinages, parlant avec cœur de la Jérusalem ancienne, de la Jérusalem nouvelle qui est Rome et de la Jérusalem du ciel (…) en recevant au baisement des pieds le P. Bailly et l’élite du Pèlerinage, eut pour tous une parole empreinte de la plus paternelle bienveillance : « dites bien que je bénis tous les pèlerins de Jérusalem » 461 .

Léon XIII, qui s’éteint le 20 juillet 1903, accorde l’une de ces dernières audiences à la XXVe caravane des Pèlerinages de Pénitence, et a ces paroles : 

« Nous nous réjouissons de vous voir en si grand nombre revenir des Lieux Saints. Ce pèlerinage vous aura causé la plus douce satisfaction, aura raffermi votre piété et votre foi ; le bonheur d’avoir visité les Lieux sanctifiés par Notre-Seigneur Jésus-Christ sera le plus doux souvenir de votre vie » 462 .

Les rapports entre les assomptionnistes et Léon XIII au cours des vingt-cinq ans de pontificat sont empreints d’une grande complicité et le succès des Pèlerinages de Pénitence repose en partie sur ce pape des plus attentifs à la réussite d’une telle entreprise. La mise en avant par les organisateurs des pèlerinages du soutien du pape, des Indulgences papales sont autant d’aspects qui eurent parfois raison des pèlerins rétifs à entreprendre un voyage en Palestine.

Léon XIII, hormis l’attachement qu’il affiche pour les Pèlerinages de Pénitence, reçoit à chaque fois que cela est possible les pèlerins, s’approprie cette initiative, l’encourage, comprenant tout l’intérêt de son succès dans une région du monde où l’Eglise de Rome est particulièrement absente.

Le Congrès Eucharistique de Jérusalem, en 1893, qui est mis en place suite aux succès des Pèlerinages de Pénitence, conjointement à la XIIe caravane, est ainsi l’occasion pour le pape d’affirmer un peu plus l’intérêt qu’il porte à la Palestine et aux Eglises d’Orient

Notes
455.

Le Pape et Jérusalem, la Croix, AAR, tome II, p.803.

456.

Ibid.

457.

Ibid.

458.

Léon XIII et les Pèlerinages de Pénitence, Echos de Notre-Dame de France, n°118, juillet 1903.

459.

Bref adressé par S. S. Léon XIII au T. R. P. Picard, AAR, UF 125.

460.

P. Germer-Durand, La première croisade de pénitence, récit illustré du pèlerinage populaire à Jérusalem, AAR, B 62.

461.

Le Pèlerin, n°1224, 1900.

462.

Léon XIII et les Pèlerinages de Pénitence, Echos de Notre-Dame de France, n°118, juillet 1903.