Vincent de Paul Bailly : l’homme des pèlerinages

L’héritage familial

Vincent de Paul Bailly est né le 2 décembre 1832 à Bertaucourt-les-Thennes (Somme). Il est le fils d’Emmanuel Bailly, professeur de philosophie et catholique zélé, qu’Edmond Biré présente ainsi : « Il fut un des hommes de notre siècle qui ont fait le moins de bruit et le plus de bien, dont l’action se retrouve à l’origine des principales œuvres de catholiques de notre temps et dont le nom modeste ne périra pas » 512 .

Vincent de Paul Bailly doit à ce père d’avoir été, dès sa plus jeune enfance, éduqué dans un milieu catholique fervent avec une dévotion particulière pour Saint Vincent de Paul dont la famille a protégé les manuscrits pendant la Révolution. Emmanuel Bailly fait surtout preuve d’une activité intellectuelle intense avec la création de la « Société des Bonnes Etudes » qui rassemble de jeunes catholiques en quête de savoir comme Frédéric Ozanam, Charles de Montalembert ou Emmanuel d’Alzon. Il est à l’initiative de diverses revues comme le Correspondant en 1829, ou la Tribune catholique en 1831, qui devient par la suite l’Univers, dont Louis Veuillot sera rédacteur en chef. Il est également à l’origine des Conférences de St Vincent de Paul, dont le but est de mettre en acte les principes de la religion. Cette implication profonde dans les œuvres catholiques fait dire à E. Lacoste que « M. Bailly avait la main de toutes les œuvres de propagande et de défense religieuse. Sa maison était un véritable foyer d’idées neuves, hardies, catholiques, très ultramontaines » 513 .

Par cette éducation profondément catholique, Vincent de Paul ne peut que suivre cette voie même si la vie religieuse n’apparaît pas d’emblée comme une évidence. Il obtient son baccalauréat ès lettres en 1848 et entre dans l’administration des télégraphes, après avoir dû renoncer à l’Ecole polytechnique. Pendant de nombreuses années, en marge de son activité professionnelle, il se consacre à différentes œuvres catholiques, en particulier en tant que président du patronage Sainte-Mélanie, et membre du Conseil central des Conférences de Saint-Vincent de Paul.

En 1860, le temps des interrogations le conduit à entrer en religion. Suite à un pèlerinage à Notre-Dame de La Garde, puis une retraite chez les assomptionnistes à Nîmes en juin 1860, dont la famille a toujours été très proche, autant par la foi que par les opinions politiques, il décide de devenir religieux de l’Assomption.

Il reste quelques mois à Nîmes auprès du Père d’Alzon, ancien élève de son père, puis entame son noviciat à Auteuil avec le Père Picard, début d’une complicité de plus de quarante ans. En 1861, il est envoyé à Rome pour des études théologiques et reçoit la prêtrise le 1e janvier 1863. Il a l’occasion pendant son séjour romain, d’entrevoir ce qui sera l’une de ces grands œuvres, l’organisation d’un pèlerinage à Rome de 80 prêtres nîmois conduits par le Père d’Alzon.

En 1863, il devient directeur du collège de Nîmes, berceau de la congrégation. Il sera attaché à cette responsabilité pendant quatre ans.

Deux événements font de ce religieux un défenseur catholique acharné : son engagement dans un premier temps auprès du pape face à Garibaldi, puis sa participation comme aumônier militaire pendant la guerre de 1870.

En novembre 1867, il accompagne en Italie 167 volontaires nîmois qui partent défendre la papauté dont l’indépendance territoriale s’amoindrit à chaque attaque des armées de Garibaldi, tout à son œuvre d’unification italienne, à laquelle il ne manque que Rome.

Il reste à Rome pendant près d’un an et demi comme aumônier du 3e bataillon ce qui fait dire à son biographe E. Lacoste que « ce séjour au milieu des défenseurs du Saint-Siège mit au cœur du Père Vincent de Paul Bailly encore plus de zèle et d’intrépidité, s’il est possible, pour la cause du Vicaire du Christ. Il se conduira en vrai zouave toute sa vie » 514 .

Son retour à Paris et la reprise de ses activités, principalement en direction du patronage des jeunes, ne sont que de courtes durées car lorsque la guerre éclate, il part pour Metz avec le R.P. Pernet, fondateur des petites sœurs de l’Assomption, en tant qu’aumônier militaire. Il rentre à Paris le 18 mars 1871 en pleine terreur communarde.

Son retour à Paris et la fin des hostilités extérieures et intérieures sont pour Vincent de Paul Bailly un nouveau départ vers des activités qui sont les grandes œuvres de sa vie : les pèlerinages et la presse.

En 1872, il préside à Auteuil la première réunion de l’Association de Notre Dame de Salut et conduit à Lourdes l’année suivante le premier Pèlerinage National français. Pendant ces années pèlerines, en particulier au cours de « l’année divine », en 1873, son rôle reste, secondaire, dans l’ombre du Père Picard. Mais il assure à sa manière, par le biais d’articles ou de conférences, le succès de des pérégrinations assomptionnistes à La Salette, Lourdes, et Rome.

La grande œuvre du Père Bailly est d’être à l’origine de La Bonne Presse que les assomptionnistes développent au fil des ans et dont le fleuron est La Croix. Il prend en 1877 la direction d’une modeste revue, le Pèlerin, qui existe depuis 1873 et la transforme en un formidable outil de propagande pèlerine. Son succès dépasse alors toutes ses espérances et est pendant longtemps la revue qui soutient les autres publications de La Bonne Presse grâce à ses nombreux lecteurs. De ce premier titre, des dizaines d’autres vont suivre dont le plus célèbre reste La Croix, créée en 1880 et quotidienne en 1883. Il fait de ce journal à un sou, l’outil le plus efficace pour la défense des intérêts catholiques, surtout en cette période de troubles religieux et est avec Le Pèlerin, une formidable promotion pour les Pèlerinages de Pénitence.

Jusqu’à son décès en 1912, il va consacrer toute son énergie à La Bonne Presse et les seuls moments de répit qu’il s’accorde sont pour accompagner les pèlerins en Terre Sainte ce qu’il fait à 28 reprises jusqu’à l’âge de 78 ans.

Vincent de Paul Bailly fait partie de cette « élite assomptionniste », fière de défendre haut et fort les intérêts du Christ sur cette terre de France, que cela soit par l’écrit, les processions, ou les expéditions à l’autre bout de la Méditerranée !

Notes
512.

Lacoste E., Le Père Vincent de Paul Bailly, Paris, la Bonne Presse, 1913, p. 9. Le nom de Lacoste cache en fait un assomptionniste, le Père Ernest Baudouy, qui fut le secrétaire du Père Bailly lors de son premier pèlerinage en Terre Sainte, en 1883.

513.

Ibid.

514.

Ibid, p.39.