La difficulté d’établir le budget d’un pèlerinage populaire

Des budgets soumis aux aléas du nombre de pèlerins

Dès la IIe caravane, et après l’énorme succès de la « IXe croisade », se pose la question qui devient vite lancinante : combien de pèlerins pour le prochain pèlerinage ?

L’importance des sommes en jeu, avec en particulier l’affrètement d’un bateau, le logement sur place ou le début de la construction de Notre Dame de France oblige les organisateurs à faire preuve d’ingéniosité pour attirer un maximum de pèlerins.

Le prix du pèlerinage, où l’on ne veut pas rebuter les moins argentés pour cause de pèlerinage populaire, est modulable, avec des frais incompressibles et d’autres à la charge du pèlerin, comme la nourriture ou le logement une fois en Terre Sainte. D’autre part, de nombreuses visites restent facultatives, moyennant supplément. Enfin, les souscriptions mises en place en 1882 continuent pour chaque caravane et les donateurs peuvent souscrire soit pour des pèlerins pauvres, soit pour l’organisation du pèlerinage.

L’étude du budget des onze premières caravanes permet de voir que dans la majorité des cas le pèlerinage est excédentaire mais l’équilibre est fragile.

Les trois premières années sont excédentaires ; à hauteur de 31 863, 95 francs pour l’année 1882, 13 978, 25 francs pour l’année 1883 et 11 080 francs pour l’année 1884. Pour la quatrième caravane de 1885, le pèlerinage connaît son premier déficit de 3605, 26 francs. Il y a deux autres caravanes déficitaires, celle de 1889, année de l’exposition universelle et celle de 1892, soit respectivement 1001, 03 francs et 26 876, 14 francs 563 .

Pour la XIe caravane de 1892, le déficit est vertigineux au regard des pèlerinages précédents, la cause en étant la faible mobilisation pèlerine, plus petite caravane depuis 1882 avec environ 280 membres. A cette date, il faut encore affréter un bateau de la Compagnie Transatlantique soit 100 000 francs, et la faiblesse numérique du pèlerinage entraîne des recettes plus faibles, mais ne remet pas en cause le prix de la location du bateau.

Sur les 11 premières caravanes, le budget est largement excédentaire, avec 80 006 63 francs, cela étant à mettre sur le compte principalement des trois premières années qui enregistre les plus gros excédents. Il faut attendre 1894 pour retrouver, avec un surplus de 12 908 francs, un chiffre à peu près équivalent aux premières caravanes, à la différence qu’à cette date, le bateau appartient aux assomptionnistes.

Par contre, si l’on prend les caravanes de 1885 à 1892, on compte pour ces 8 caravanes un déficit de 8398 francs. La baisse des effectifs pèlerins, qui sont autour de 300-350 par caravane explique en partie ce chiffre, puisque les dépenses de transport restent fixes tout au long de cette période.

Hormis pour les trois premières caravanes, la situation financière du comité de pèlerinage de Jérusalem reste chaotique, toujours à la merci du faible nombre d’inscrits, de désistements et de tout événement extérieur susceptible de compromettre le départ de la caravane.

Les assomptionnistes sont ainsi obligés de développer une forte propagande, via la Bonne Presse, mais aussi les réseaux catholiques de chaque diocèse, les souscriptions, et l’ouverture de plus en plus forte aux pèlerins étrangers.

Notes
563.

Tableau des recettes pour le pèlerinage de Jérusalem, 1882-1896, AAR, UG 12.