Fiche d’identité pèlerine

Sur les 11 premiers pèlerinages, soit de 1882 à 1892, on dénombre 3896 pèlerins 580 , ce qui fait que si l’on enlève les 1013 de la première caravane, on dénombre pour les dix suivantes 2883 pèlerins, soit une moyenne d’environ 300 pèlerins par caravane. Il reste cependant très difficile de s’appuyer sur des chiffres précis car les différents comptes-rendus d’un pèlerinage ne donnent pas forcément les mêmes chiffres, souhaitant souvent les gonfler pour montrer l’importance des caravanes et que les effectifs ne faiblissent pas. Lors du pèlerinage de 1889, le Père Vincent de Paul Bailly se désespère quelques jours avant le départ du faible nombre d’inscrits : « Voici le chiffre exact des pèlerins dix jours avant l’embarquement ; c'est-à-dire le chiffre à peu près définitif : 195 » 581 . Mais dans le compte-rendu du pèlerinage, il est fait mention d’un nombre bien plus important : « Les pèlerins arrivent de tous les points de la France. Nous sommes 300, dont 155 prêtres » 582 .

Il semble qu’un engouement de dernière minute ait lieu !

Parmi ces milliers de pèlerins, sur les 3896 personnes recensées, on dénombre près de la moitié de religieux, 1717, soit 44%. Concernant les laïcs, les femmes représentent 26,5%, soit 1034 personnes.

Les assomptionnistes réussissent à maintenir au cours de ces caravanes, un équilibre entre les religieux qui sont pour eux gage de ferveur et les laïcs qui restent majoritairement d’un milieu aisé, les tarifs nous ayant montré que le pèlerinage, tout en étant populaire, n’en reste pas moins onéreux pour la plupart. Les souscriptions permirent ainsi de faire venir des prêtres de paroisse désargenté et des laïcs qui vont pleinement symboliser cette volonté d’organiser des pèlerinages Populaires de Pénitence.

Concernant l’origine des pèlerins, sur les 3896 recensés, 3679 sont originaires des différents diocèses de France et 217 de différents pays du monde, mais en majorité des Européens.

Le diocèse de Paris est bien évidemment le plus représenté avec 300 pèlerins, suivi par celui de Cambrai avec moitié moins de représentants, puis de Lyon avec 121 personnes.

Ces chiffres correspondent, comme en 1882, à la fois à des régions traditionnellement pratiquantes et à une forte implantation de la congrégation des Augustins de l’Assomption, (ceci est particulièrement vrai pour Paris et le nord) qui, via ses organes de presse, dispose de formidables relais. La Croix connaît sa meilleure diffusion, hors Paris, dans le nord de la France où les patrons catholiques sont des soutiens précieux, à l’image de la famille Féron-Vrau.

En ce qui concerne la présence étrangère, le plus fort contingent provient de Belgique (67 pèlerins), puis de Suisse (47 pèlerins), de Syrie (27 pèlerins), d’Espagne (17 pèlerins) et d’Angleterre (16 pèlerins). Le reste des participants étrangers proviennent d’autres pays d’Europe comme l’Italie, l’Allemagne, le Luxembourg, le Portugal, la Norvège, la Russie, la Hollande. Ces pays ne sont représentés la plupart du temps que par une ou deux personnes. Concernant la Syrie, il s’agit globalement de Français, le plus souvent religieux, en mission dans la région.

Le Père Vincent de Paul Bailly dans une correspondance au Père Picard en 1893, n’approuve pas la présence d’étrangers, leur reprochant de peu s’intégrer : « Je crois que le pèlerinage sera bon, très bon, mais moins enthousiaste à cause des étrangers, on ne peut rien en faire, car on choque facilement même les évêques qui sont très bons, très simples, mais internationaux » 583 . Il n’en reste pas moins que la présence de pèlerins étrangers permet certaines années de compenser le déficit des nationaux. Même si l’aspect patriotique est parfois mis à rude épreuve, la religion n’en est que favorisée puisque sur l’ensemble de la période, les pèlerins étrangers sont pour presque moitié des religieux, 104 sur 217.

Comme pour la caravane de 1882, il est intéressant d’analyser de plus près le cas d’un diocèse, celui de Lyon, l’un des plus importants en effectif.

On recense sur les 11 premières caravanes, 121 personnes, dont 45 religieux. Sur ce chiffre, 23 participèrent au pèlerinage de 1882, et donc, 98 pour les 10 caravanes suivantes.

Qu’en est-il de ces 121 pèlerins lyonnais ?

Tout d’abord, les prêtres, pour qui le pèlerinage est vraiment pénitent, souvent bénéficiaires des souscriptions. Ils suivent les illustres pionniers que sont Mgr Poyet, chartreux du diocèse de Lyon, parti en Terre Sainte en 1852 accompagné de l’abbé Moretain. Tous deux ont été parmi les premiers prêtres à rejoindre le patriarcat latin de Jérusalem renaissant.

Les 41 religieux, dont on a pu avoir des renseignements auprès des archives diocésaines, sont pour la plupart des vicaires ou des prêtres de paroisse, ce qui peut s’expliquer par la moyenne d’âge qui est aux alentours de 40 ans, le plus jeune étant l’abbé Janot, 29 ans, vicaire de la paroisse de Rigny, et le plus âgé l’abbé Silvent, curé de Brignais, 67 ans lors de son premier pèlerinage en 1882 et 75 ans lors de son second en 1890.

Le plus célèbre de ces pèlerins reste l’abbé Comboroure, vicaire de la paroisse de Saint Denis de la Croix Rousse, décédé en 1892, en voulant se baigner dans les eaux du Jourdain. Il est ainsi le premier enterré dans le caveau des pèlerins à Saint Pierre en Galicante.

Concernant les laïcs, il est difficile de définir leurs profils par manque d’informations. On peut simplement mettre en évidence ceux qui participent à plusieurs pèlerinages. Ils sont au nombre de 15, même s’il faut relativiser ce chiffre par le fait que certains s’associèrent peut-être à d’autres pèlerinages après 1892. Parmi ces 15 personnes, hormis un religieux, le doyen des pèlerins lyonnais, cité précédemment, on compte 9 hommes et 5 demoiselles. Leurs origines géographiques sont diverses puisque seulement trois résidents à Lyon, les autres étant dispersés dans le diocèse entre Rhône et Loire.

Parmi les membres de ce diocèse, on peut tout de même citer la personne de Victor Berne, pèlerin en 1884, et surtout l’un des fondateurs en 1891 de la Croix de Lyon, dont il est le rédacteur en chef. Cette Croix régionale se veut être comme son aînée un journal bon marché, catholique et populaire. Elle est hebdomadaire et même pendant une très courte période, en 1892, quotidienne. Son tirage atteint 14 000 exemplaires en 1895 584 .

Les pèlerins du diocèse de Lyon correspondent globalement dans leur composition aux autres diocèses, où les religieux représentent approximativement la moitié des pèlerins. Pour les laïcs, les femmes représentent environ le quart des effectifs, ce qui confirme la place prise par ces dernières depuis le début des pèlerinages collectifs 585 .

Notes
580.

Liste générale des pèlerins de Jérusalem, Paris, secrétariat de l’Oeuvre des pèlerinages, 1893, AAV.

581.

Vincent de Paul Bailly, Lettres, au Père Germer-Durand, le 7 avril 1889, AAV, tome X, n°2479.

582.

Echos de Notre Dame de France, n°6, août 1890.

583.

Vincent de Paul Bailly, Lettres, au Père Picard, le 23 avril 1893, AAV, tome X, n°2640.

584.

Christian Ponson, Les catholiques lyonnais et la chronique sociale, Lyon, PUL, 1979, p.58-61.

585.

Certains diocèses sont pour près de la moitié, composés de femmes comme celui de Tarbes avec 18 dames pour 36 participants ou celui de Paris avec 145 dames pour 300 participants. A l’inverse, un diocèse comme celui d’Angoulême ne dénombre aucune participation féminine tout comme celui de Gap.