Le Congrès Eucharistique de Jérusalem : coup d’éclat catholique

« L’œuvre des Congrès eucharistiques a pour but de faire de plus en plus connaître, aimer et servir Notre-Seigneur Jésus-Christ » 587

L’initiatrice de cette dévotion à l’eucharistie est Melle Tamissier qui tout au long de sa vie développe une grande ferveur pour ce divin sacrement. Le Père Chevrier, ému par la dévotion de certains parlementaires français, à Paray le Monial, en 1873, qui se consacrent et consacrent le Parlement et la France au Sacré Cœur de Jésus, incite à la création de pèlerinages eucharistiques, dont le premier a lieu à Avignon en 1874. Soutenue par différents prélats, l’idée de congrès eucharistique apparaît très vite, et le premier, à l’échelle nationale, a lieu en même temps qu’un pèlerinage à Faverney en 1878 dont les assomptionnistes, via le Conseil Général des Pèlerinages, sont partie prenante.

La mise en place d’un congrès eucharistique a ainsi pour but de « se voir, se rencontrer, se concerter, se dire ses craintes et ses espérances, proposer à l’expérience de confrères tout dévoués les nouvelles idées qui naissent pour la gloire du Sacrement adorable » 588 .

Lors de ce premier congrès de 1878, un bureau est mis en place où l’on retrouve parmi les membres éminents le vicomte de Damas, président du Conseil général des Pèlerinages, ce qui atteste de la proximité de vue entre les initiateurs des pèlerinages nationaux et ceux qui ont plus particulièrement œuvré pour la défense et la promotion du Saint Sacrement. Trois ans plus tard, le premier congrès eucharistique international a lieu à Lille, avec la bénédiction papale que Philibert Vrau est allé chercher à Rome accompagné du vicomte de Damas et du Père Picard.

Dans un bref du 16 mai 1881, Léon XIII loue cette heureuse initiative : 

« Il convient à la dévotion des fidèles de célébrer solennellement le souvenir de l’institution d’un si salutaire et si admirable Sacrement. Ainsi Nous vénérons le mode ineffable dont Dieu est présent dans ce Sacrement visible. Ainsi Nous louerons la puissance divine qui opère tant de merveilles dans ce même Sacrement » 589 . Le pape accordera par la suite sa bienveillance à tous les congrès ayant dit « Pour les œuvres eucharistiques, j’accorderai tout » 590 .

Ainsi, de manière régulière, des congrès eucharistiques se tiennent à travers le monde, dans le but de ranimer la foi et la piété eucharistique. Du premier congrès international de Lille en 1881 suivent les années suivantes : Avignon, Liège, Fribourg, Toulouse, Paris, Anvers et en 1893, Jérusalem. Par la suite, le congrès eucharistique se déroule à Rome, Londres ou Montréal, et est à la veille de la guerre à Lourdes.

En 1893, Jérusalem est choisie pour être le lieu d’un nouveau congrès, le huitième, en marge du Pèlerinage populaire de Pénitence. Le choix de la Ville Sainte est bien sûr symbolique, pour un congrès eucharistique dont l’origine même de la dévotion est à trouver en cette ville. D’autre part, la venue des Pèlerinages de Pénitence depuis 11 ans facilite l’organisation d’un tel rassemblement. Tout comme le Père Picard, les assomptionnistes sont très proches des organisateurs de ces congrès et sont pour la plupart membres du comité d’organisation. On peut citer le Père Vincent de Paul Bailly, son frère Emmanuel Bailly (futur supérieur de la Congrégation), et le vicomte de Damas, président du Conseil général des Pèlerinages.

Les deux organisations, qui pourraient être rivales, puisque toutes deux organisatrices de pèlerinages, sont au contraire très proches, car désireuses d’installer toutes les deux Jésus-Christ au cœur de la société. Il convient d’ajouter que l’univers catholique parisien demeure restreint et les bonnes volontés sont presque toujours les mêmes, évoluant d’une association à une autre.

Ce congrès eucharistique, qui attire de 600 à 700 personnes, toutes membres du XIIe pèlerinage de pénitence, est pour les assomptionnistes le point culminant de leur œuvre pèlerine. Ayant commencé en 1882 avec le formidable succès de la caravane des mille, les années qui suivent voient la mise en place de caravanes annuelles qui, bon gré mal gré, réussissent à s’imposer dans le paysage oriental chrétien. Le fait d’être capable de faire venir, même si ce n’est pas de leur propre initiative, des centaines de pèlerins, un légat du pape et de réunir pour de multiples conférences, des représentants de toutes les branches de la chrétienté, et tout cela en partie à Notre Dame de France, montre l’importance qu’ils ont acquis au fil des ans.

Le Congrès Eucharistique de Jérusalem est cependant différent des précédents par la volonté du pape de profiter du lieu pour organiser un rapprochement avec les églises orientales unies à Rome et à plus longue échéance le retour dans le giron romain de l’ensemble des Eglises d’Orient. Léon XIII souhaite également que les relations difficiles voire exécrables qui se sont développées au cours du temps entre les différentes communautés chrétiennes de Terre Sainte s’atténuent et que de nouvelles perspectives s’ouvrent, tout en voulant renforcer la présence latine en Palestine, trop faiblement représentée aux yeux du patriarche et des religieux présents sur cette terre. Les premiers Pèlerinages de Pénitence ont clairement marqué, aux yeux du pontife, le fossé entre les chrétiens de Terre Sainte.

Dans son audience précédant le départ des pèlerins pour Rome, le souverain pontife espère que « Ce Congrès Eucharistique de Jérusalem, en même temps qu’il augmentera chez les catholiques l’amour de Dieu de nos autels, sera pour les chrétiens séparés une muette mais éloquente invitation à venir se fusionner avec vous, dans un seul et même sentiment de foi, d’espérance et de charité » 591 .

Dans son adresse au pape, le Père Picard qui dirige ce pèlerinage se veut également un fervent défenseur de cette unité : 

« La pensée de Votre Sainteté a été comprise et, de toutes parts, accourent les pèlerins, heureux de manifester sur la terre du Christ leur amour pour la divine Eucharistie et leur ardent désir d’unité. L’Orient s’unit à L’Occident (…)

Puissent les événements répondre aux sollicitudes de Votre Sainteté pour l’Orient !

Puissent le Sacrement de l’unité accomplir et consommer l’unité, afin qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et qu’un seul Pasteur !

Puisse l’Orient reconnaître en nos solennités eucharistiques, en cette incomparable procession qui ira de Rome à Jérusalem, du tombeau des Apôtres au tombeau du Christ, un témoignage et comme une note visible des saintes expansions et de la vitalité puissante et véritablement divine de notre Sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine ! » 592 .

L’envoi par le pape d’un légat pour présider les réunions atteste de l’attachement du souverain pontife pour ce congrès eucharistique. Il s’agit du cardinal de Reims, Mgr Langénieux 593 , à qui est confié cette haute mission, à une époque où les moyens modernes ne permettaient pas au pape, qui se dit par ailleurs prisonnier à l’intérieur du Vatican, d’être présent dans les différents points du globe, et envoyait des légats pour le représenter. Dans un bref du 18 novembre 1892, nommant l’Archevêque de Reims Légat aux assemblées du Congrès Eucharistique à Jérusalem, il précise l’importance qu’il accorde à cet envoyé : 

« Dans la conviction où Nous sommes que votre présence, en cette qualité, rehaussera la solennité et l’importance de ce futur Congrès, et que les résultats que Nous en attendons seront d’autant plus féconds, c’est de tout cœur que Nous confions à Votre Sagesse la charge d’y tenir Notre place, en Notre absence, et d’y assister en Notre nom » 594 .

Notes
587.

Le VIIIe Congrès Eucharistique à Jérusalem, Echos de Notre Dame de France, septembre 1893, n°6, 2e série.

588.

Les Congrès Eucharistiques internationaux, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1914, p.12.

589.

Ibid, p.17.

590.

Ibid, p.17.

591.

Audience du pèlerinage international de Terre Sainte, 15 avril 1893, AAR, UH 165.

592.

Ibid.

593.

Mgr Langénieux, originaire du Beaujolais, oeuvre en premier à Paris comme vicaire à Saint Roch, puis à Saint Ambroise et Saint Augustin. En 1853, il fait partie de la première caravane de l’Oeuvre des pèlerinages en Terre Sainte. Nommé évêque de Tarbes en 1873, il en profite pour aménager le site marial de Lourdes mais sa grande œuvre reste pour le diocèse de Reims où il multiplie les manifestations religieuses dont la célébration du 14e centenaire du baptême de Clovis ou le Congrès Eucharistique de 1894. Il fut élevé aux honneurs de la pourpre le 7 juin 1886. Il décède en 1905.

594.

Abbé Conil, Jérusalem moderne, histoire du mouvement catholique actuel dans la Ville Sainte, Paris, Maison de la Bonne Presse, 1894, p.500.