Le retour du dialogue entre les communautés chrétiennes

Le Congrès tient ses séances à Notre-Dame de France et au Patriarcat. La langue française est la seule employée. Mgr Langénieux dans son discours d’ouverture (malgré des crises de gouttes atroces) se fait un devoir de rendre hommage, au nom du pape aux Eglises d’Orient : 

« Si Léon XIII ne l’avait point fait pour d’autres, a réservé de pareils honneurs aux solennités eucharistiques de Jérusalem, s’il a voulu y prendre une part active, s’il les a rattachées aussi étroitement à sa propre personne, en en confiant la présidence à un légat qui tiendrait sa place et agirait en son nom, c’est qu’elles empruntent aux circonstances particulières du lieu où elles se tiennent et de la présence de ces illustres Prélats de l’Orient que je salue avec vénération, un caractère de grandeur exceptionnel qui les distingue parmi tous les autres (…) C’est enfin, et j’insiste sur cette considération parce qu’elle n’est pas la moindre, qu’elles offraient au Souverain Pontife l’occasion de donner solennellement un gage nouveau de son admiration et de sa sympathie aux chrétientés orientales, ces filles premières-nées de l’Eglise de Dieu. » 595 .

La plupart des représentants des Eglises d’Orient sont présents pendant de longues journées d’exposés et de débats, signe positif que ce congrès a pu rassembler les différents patriarches unis ou non à Rome.

Le cardinal Langénieux qui, de l’avis de tous, a parfaitement tenu son rôle, assistant à l’ensemble des débats, recevant chacun dans une atmosphère pacifique et chaleureuse, a rendu ses conclusions dans un rapport au pape lui indiquant les points de tensions entre les Eglises et les perspectives à avoir dans l’hypothèse d’un rapprochement.

Le légat commence son rapport en estimant que « les orientaux ont à priori la défiance des latins. Les luttes passées ne sont point oubliées, les Croisades qui ont abouti à la création d’un royaume latin et d’une église latine à Jérusalem ont laissé de pénibles souvenirs » 596 .

Il apparaît que le premier motif de l’incompréhension entre les Eglises est la question de rites : « Ce qui fait écarter la question de l’union, c’est la crainte de voir les églises orientales, avec leurs rites et tous leurs privilèges, absorbés par l’Eglise romaine (…) Donc le jour où les Orientaux seront convaincus par l’attitude et les actes de l’Eglise latine en Orient, que le retour à l’unité ne compromettra en rien les rites, un grand pas sera fait vers l’union» 597 . La Palestine, devenue à la fin du XIXe siècle une terre de missions très florissante, se couvre d’établissements latins, développant des rites, décorant leurs églises d’images, de saints inconnus en Orient. Le cardinal Langenieux donne l’exemple d’une statue de Saint Antoine, qui n’est point le grand anachorète de la Thébaïde mais saint Antoine de Padoue.

L’autre origine de fortes protestations des orientaux contre les latins est le discrédit du clergé oriental : « Ils nous amoindrissent en nous traitant de paresseux, d’incapables et d’ignorants, ils tournent en dérision nos antiques cérémonies et nous n’en finirions pas si nous voulions rapporter les moqueries dont nous sommes l’objet de la part des professeurs et des missionnaires, tant devant leurs élèves qu’auprès de nos fidèles» 598 .

Concernant strictement les latins, ils se considèrent comme des catholiques de deuxième zone, peu reconnus à Rome, toujours suspects de mal agir, et n’ayant que peu d’aide pour former leur clergé et développer leur mission. Le seul élément positif fut la création, par les pères blancs, d’un séminaire pour les grecs catholiques à Sainte Anne de Jérusalem.

Notes
595.

Les Congrès Eucharistiques internationaux, op. cit., p.90.

596.

Mémoire confidentiel sur la situation actuelle de l’Eglise d’Orient présenté à Sa Sainteté par S. Em. Le Cardinal Langénieux, Archevêque de Reims, Légat du Saint Siège, Archives des Pères Blancs, fonds Livinhac.

597.

Ibid.

598.

Ibid.