Le Père Vincent de Paul Bailly a ses propos sur la composition de la XXVIIe caravane de pénitence en mai 1904 : « Nous avons un exceptionnel pèlerinage, d’une docilité et distinction parfaites ; il n’y a point les ardents à la façon de Benoît Labre ; c’est un peu encombré par la richesse » 645 . Cette vision résume à quelques exceptions près la composition des caravanes de la « Belle époque », présentant davantage le visage de l’élite du catholicisme que le reflet de la population française de la fin du XIXe siècle.
Concernant l’origine des pèlerins sur la période 1882-1908, on retrouve en tête les diocèses de Paris, Cambrai et Lyon, ce que nous avions déjà noté sur la période 1882-1892. Si l’on affine la recherche sur les années 1894-1900, on retrouve le même ordre avec Paris avec 211 personnes, Cambrai avec 107 personnes et Lyon avec 57 personnes. Pour les pèlerins étrangers, sur la période 1882-1908, on recense 1154 personnes (pour cette même période les pèlerins français sont 8455). La Belgique est toujours largement en tête avec 459 personnes suivie de l’Angleterre avec 87 personnes et de l’Italie avec 85 personnes.
Les données sur l’origine géographique varient peu du début à la fin des Pèlerinages de Pénitence (en tout cas jusqu’en 1914).
Ne disposant pas des archives recensant nominativement tous les pèlerins sur la période 1892-1914, nous nous bornerons à l’analyse de deux caravanes, celle de janvier 1898, la XVIIe, et celle de mai 1899, la XIXe. On peut en tirer les conclusions suivantes : sur 212 participants pour la première et 288 pour la deuxième, on a un nombre de religieux en diminution par rapport à la période des années 1880 avec 54 pour la première et 99 pour la deuxième. D’autre part, le nombre de femmes présentes dans les caravanes ne diminue pas, au contraire, puisque pour le premier pèlerinage, on en dénombre 72, soit le tiers et pour le deuxième 100, soit sensiblement le tiers.
Des données qui restent partielles mais qui montrent que le nombre de religieux a tendance à diminuer, ce qui se confirme jusqu’en 1914, ne serait-ce que parce que le nombre de pèlerins en général est en baisse. Il est vrai que les souscriptions pour les pèlerins pauvres n’ont plus la même importance que lors des premières caravanes. La part des femmes, des demoiselles en particulier, ne cesse de croître, montrant par là qu’il n’y a plus d’a priori sur leur présence au sein des caravanes, bien au contraire, l’importance de l’effectif dépendant en partie d’elles.
Il y a cependant un cas particulier parmi toutes ces caravanes de l’après Congrès Eucharistique, c’est celle réservé aux hommes.
L’idée a germé, suite aux pèlerinages d’hommes à Lourdes et à Rome, d’envoyer une caravane exclusivement composée d’hommes. Les organisateurs espèrent avec cette proposition attirer un demi millier d’hommes, réitérant les glorieux débuts des Pèlerinages de Pénitence. Les organisateurs ont, de ce fait, élaboré un programme particulier avec une durée du voyage de 22 jours entre le 28 août et le 20 septembre, concentré uniquement sur les Lieux Saints de Palestine. Le programme insiste sur la faible durée du pèlerinage permettant à tous ceux qui sont retenus par leurs obligations professionnelles de se joindre à ce nouveau type de caravane. Dans la présentation du pèlerinage, les Echos de Notre Dame de France s’enthousiasment sur les répercussions d’une telle proposition et incitent les catholiques à s’inscrire au plus vite car « nous estimons que l’appel adressé aux hommes de France trouvera un tel écho, que, vu les facilités accordées, la nef sera promptement remplie » 646 .
L’effectif est au final moins élevé que prévu mais supérieur aux caravanes précédentes avec 300 hommes, religieux et laïcs, qui s’embarquent pour un pèlerinage express.
Le pèlerinage est d’après le compte rendu des Echos de Notre Dame de France des plus pénitents : « Tous sont animés de sentiments de foi et de piété. Rien n’est édifiant comme de voir tous ces hommes, prêtres et laïques, suivre les saints exercices qui se font à la chapelle » 647 .
Il semble que la politique s’est introduite dans le pèlerinage (mais en serait-il autrement pour un groupe exclusivement composé d’hommes ?) d’après les propos tenus dans le compte-rendu : « Ah ! si la France en comptait quelques milliers seulement de pareils, elle aurait bientôt des sauveurs pour l’arracher aux mains des juifs et des francs-maçons qui la ruinent et la déshonorent ! » 648 .
Ce succès, signe d’une vigueur encore bien réelle de l’entreprise assomptionniste, laisse espérer l’instauration périodique d’une caravane des hommes mais il n’en est rien et ce pèlerinage des hommes reste une exception sur l’ensemble des caravanes de la pénitence.
Pages d’archives, troisième série, n°2, juin 1963.
Echos de Notre Dame de France, n°94, 15 juin 1901.
Ibid.
Ibid.