Les souscriptions ou la caution populaire

Depuis 1882, les souscriptions revêtent une importance primordiale dans l’organisation des Pèlerinages de Pénitence et l’envoi des pèlerins en Terre Sainte. Pour chaque pèlerinage, et cela est valable pour toutes les caravanes sans exception, une souscription est mise en place pour l’envoi de pèlerins et puis au fil du temps pour d’autres aspects liés aux Pèlerinages de Pénitence comme l’organisation ou la construction de Notre-Dame de France.

En 1904, le Pèlerin réaffirme cette vocation d’envoyer des pauvres aux Lieux Saints : 

« Le Pèlerinage de Pénitence a renouvelé depuis plus de vingt ans le prodige des temps de foi, lorsque les pauvres, en mendiant sur le chemin, pouvaient, eux aussi, aller à Jérusalem.

Chaque année en suscitant une souscription, il procure à plusieurs pauvres cette immense consolation d’aller une fois en leur vie aux Saints Lieux. Les chrétiens fortunés qui veulent se faire représenter au Pèlerinage par un de ces amis pauvres de Notre Seigneur offrent 315 francs à cette souscription » 651 .

Pour chaque programme, alors même que les termes de populaire et de pénitence ont disparu de la présentation, il est fait mention de ce soutien que doivent apporter les catholiques aux pauvres qui désirent se rendre en Terre Sainte. La représentation des chrétiens fortunés par des pauvres, comme le propose le Pèlerin, laisse tout de même percevoir la possibilité pour certains d’effectuer une bonne action à moindre frais, évitant un pèlerinage de plusieurs semaines. Elle n’est pas sans rappeler l’ancienne pratique de la conscription.

Ces souscriptions ont tendance à perdre de leur importance pour couvrir d’éventuels déficits devant, entre autres, la dispersion de leurs différentes destinations et la bi-annualisation des caravanes. Les Echos de Notre-Dame de France citent le témoignage d’un souscripteur exemplaire mais qui débourse pour de multiples œuvres : « Je vous envoie 5 francs, dont 2 francs pour les pèlerins pauvres, 2 francs pour les frais d’organisation, 1 franc pour les malades de Lourdes » 652 .

Sur l’étude de 15 caravanes, de la XVIIIe, au printemps 1899 à la XXXIIe, à l’été 1906, les souscriptions atteignent la somme de 141.070.92 francs avec de grandes disparités suivant les caravanes puisque la XVIIIe récolte 46.929.78 francs et la XXXe 620.55 francs.

Le résultat des souscriptions reste aléatoire en fonction des événements nationaux, religieux, comme par exemple la séparation de l’Eglise et de l’Etat à la fin de l’année 1905 et le drame des inventaires des biens religieux, qui explique peut-être que les souscriptions pour le pèlerinage de l’été 1905 soient de 620.55 francs alors que celles du printemps 1906 sont de 11.458.60.

La revue Jérusalem évoque à propos de cette dernière caravane les « heureux catholiques qui vont jouir de 30 jours de liberté chez les Turcs ! » 653 .

Tout au long des caravanes de la « Belle époque », les assomptionnistes essayent tant bien que mal d’œuvrer pour que l’entreprise qu’ils ont créée avec succès au début des années 1870 reste cette force chrétienne, populaire, qui a fait se déplacer des milliers de catholiques français et étrangers. Cependant les Pèlerinages de Pénitence connaissent un lent dérapage vers le tourisme religieux, privilégiant les souhaits de l’individu au détriment de la croisade collective. Le retrait progressif de Vincent de Paul Bailly, puis son décès en 1912, les menaces qui pèsent en France sur la congrégation assomptionniste, la fin des fougueux combats religieux des années 1880 malgré la séparation de l’Eglise et de l’Etat mettent quelque peu en retrait les Pèlerinages de Pénitence. Désormais d’autres combats s’avèrent plus importants.

C’est également à cette époque que les assomptionnistes perdent leur monopole dans l’envoi des caravanes de pèlerins catholiques. Les concurrents sont au tournant du siècle de plus en plus nombreux : de France ou d’Europe, la chasse aux pèlerins est ouverte.

Notes
651.

Le Pèlerin, n°1415, 1904.

652.

Echos de Notre-Dame de France, n°84, juillet 1900.

653.

Jérusalem, AAV, tome II, 1906-1907.