Dure rivalité

Le retour des pèlerins catholiques français en Palestine au XIXe siècle porte indubitablement la marque assomptionniste, même s’il s’est effectué à la fin du siècle. L’importance de certains de leurs pèlerinages, la continuité de leur entreprise, la construction de Notre-Dame de France sont autant d’aspects attestant de cette prépondérance.

Cependant, pour de nombreux catholiques français ou d’autres nations, ce monopole pèlerin indispose, surtout pour ceux qui ne voient dans la congrégation des Augustins de l’Assomption qu’une entreprise élitiste, trop fière de son pouvoir pour le partager. C’est particulièrement vrai pour différents acteurs de la Palestine catholique, comme la Custodie de Terre Sainte, soutenue en cette fin de siècle par Mgr Piavi, patriarche, mais surtout franciscain.

Ainsi, la mise en place d’un pèlerinage de catholiques français sous la protection du roi croisé Saint-Louis est due plus à une sollicitation des franciscains de Terre Sainte qu’à l’enthousiasme oriental de l’abbé Potard.

Les trames de la création d’un pèlerinage rival nous sont inconnues mais, comme la Custodie de Terre Sainte est présente dans de nombreux pays via les commissariats de Terre Sainte, dont la France, il se peut que des intentions convergentes se soient réunies pour mettre en place une telle entreprise.

Pour les assomptionnistes, l’origine des pèlerinages Saint-Louis est claire, ce sont la Custodie et le Patriarcat qui se sont ligués contre la trop grande influence de leur entreprise :

« L’an dernier, en septembre, un abbé d’Angers, M. Potard, organisa avec M. Poupin, marchand de souvenirs pieux de Jérusalem à Paris, et avec les Franciscains de la Custodie ou de Terre Sainte, un pèlerinage particulier de 30 personnes environ.

Ils s’appliquèrent à faire cause à part en toutes choses avec la Custodie ; ils déclarèrent se distinguer, en les dépréciant, des Pèlerinages nationaux français recommandés et consacrés par sa Sainteté Léon XIII (…). Les Franciscains de la Custodie et le Patriarche latin, contraires aux directions du Souverain Pontife pour l’Orient, en profitèrent avec empressement pour en faire un instrument d’opposition aux Pèlerinages et aux œuvres de France » 681 .

Le consul de France à Jérusalem semble avoir le même point de vue que les assomptionnistes sur la protection custodiale faite aux pèlerinages Saint-Louis : « [ A propos du pèlerinage de septembre 1903] A Jérusalem, ils ont été comme leurs devanciers l’objet d’attentions particulières de la part de la Custodie qui continue à prêter son concours officiel à l’Abbé Potard non sans l’arrière pensée de chercher à accroître l’importance de ses pèlerinages au détriment de ceux organisés par les Assomptionnistes » 682 .

Notes
681.

Affaire pèlerinage Potard, note remise au Cardinal Jacobini, à Mgr Guthlin et Mgr Volpini, fait à Rome le 4 juin 1899, AAR.

682.

MAE, Nantes, Jérusalem, A, 125/127, Lettre du consul de France à Jérusalem au ministère des Affaires étrangères, le 17 septembre 1903.