Quelques jours avant la prise de Jérusalem par Allenby, la Grande-Bretagne proclame la déclaration Balfour qui promet l’établissement d’un foyer national juif en Palestine.
Cette déclaration intervient à un moment où les Alliés ont besoin de tous les soutiens, et en particulier des populations juives, en Europe et surtout aux Etats-Unis pour combattre les forces de la Triple Alliance. La victoire de novembre 1918 redéfinit les territoires de l’Orient méditerranéen, la Grande-Bretagne obtenant en particulier la Palestine. Le Mandat britannique entre en vigueur en septembre 1923 mais est auparavant dirigé par une administration civile dirigée par sir Herbert Samuel, homme d’Etat britannique de confession juive et favorable au sionisme. La population palestinienne est à cette date de 757 182 habitants, dont 598 339 musulmans, 73 024 chrétiens, 83 957 juifs 758 .
La déclaration Balfour et l’instauration du Mandat britannique, perçus par les populations arabes comme favorable aux positions juives, provoquent des oppositions de plus en plus violentes à l’issue dramatique.
Dès 1920, un assomptionniste de retour à Jérusalem montre les tensions qui apparaissent entre les communautés :
« La fin de la Messe pontificale du dimanche de Pâques a coïncidé avec le commencement de troubles qui ont duré trois jours. Surexcités par la politique pro sioniste, les musulmans sont passé des simples manifestations aux voies de fait. (…) Il y a eu une trentaine de victimes juives et une dizaine de victimes musulmanes. La Ville Sainte a connu l’état de siège pendant une semaine. Puis la tranquillité est revenue, mais des ferments de haine subsistent dans les cœurs » 759 .
Cette période du mandat britannique apparaît politiquement des plus troubles, entre les ambitions sionistes de plus en plus extrêmes, avec en particulier les actions de Jabotinsky, et les populations arabes palestiniennes qui se sentent de plus en plus marginalisées sur leur terre et entreprennent des actions violentes désespérées. Le gouvernement colonial anglais, n’arrivant pas à maintenir une ligne politique claire et impartiale, favorise un camp ou l’autre camp au gré des événements.
La France a de son côté perdu l’essentiel de son prestige avec la fin des capitulations. Elle a renoncé à toute ambition coloniale sur cette terre de Palestine même si elle reste une nation de premier plan avec son réseau prospère d’écoles religieuses. L’influence culturelle est sa seule consolation.
Qu’en est-il des pèlerinages dans cette Palestine britannique et protestante ?
Le 48e pèlerinage assomptionniste de l’été 1914 est annulé suite à la déclaration de guerre et ce n’est qu’en 1922 qu’il est mis en place.
Pendant toute la durée des combats, aucune organisation pèlerine ne se présente à Jérusalem et ce n’est qu’en 1920 que l’on voit réapparaître les premières caravanes. Le premier pèlerinage arrive des Etats-Unis :
« Aux Américains des Etats-Unis, moins éprouvés que les Français par la guerre au point de vue financier comme aux autres, revient l’honneur du premier pèlerinage catholique d’après-guerre. Ces pèlerins au nombre de 26, étaient conduits par Mgr Joseph Schrembs, évêque de Toledo. Arrivés dans la Ville Sainte le 20 décembre 1920, ils se rendirent le jour même en cortège au Saint-Sépulcre, où les PP. Franciscains les reçurent selon le cérémonial d’usage. (…) Ils quittèrent définitivement la Ville Sainte le 28 » 760 .
Après cette première caravane d’après-guerre, l’année 1921 et surtout 1922 voient réapparaître de nombreuses caravanes, en particulier des deux organisations françaises rivales, les pèlerinages Saint-Louis et les pèlerinages assomptionnistes qui ne sont plus ni populaires, ni pénitents mais nationaux.
Le 48e Pèlerinage National français en Terre Sainte se déroule du 22 mars au 6 mai 1922 et la revue Jérusalem en fait la description suivante :
« Il fallait alors avoir quelque courage pour se rendre en Palestine, où tout était encore bouleversé. Le pape envoya sa bénédiction aux audacieux pèlerins qui renouaient la tradition des pèlerinages (…). Ils s’embarquèrent à Marseille à bord du Pierre-Loti, des Messageries maritimes. Après avoir visité successivement Naples et Pompéi, Athènes, Smyrne, Constantinople, Beyrouth, Baalbeck, Damas et la Galilée, les pèlerins, au nombre de 40 environ, arrivèrent à Jérusalem.
Ils ont fait ensemble leur entrée solennelle au Saint-Sépulcre, le Mercredi-Saint, drapeau français, croix et bannières en tête. Leur tenue édifiante pendant tout leur séjour à Jérusalem a été remarquée. (…) les pèlerins ont quitté Jérusalem le 28 avril et sont rentrés en passant par l’Egypte » 761 .
Tout en voulant se situer dans la lignée des Pèlerinages de Pénitence, par leur ferveur, leur patriotisme, la comparaison est bien pâle, du fait principalement du faible nombre (une quarantaine de participants), un effectif bien mince en regard des caravanes d’avant-guerre. D’autre part, les conditions ont changé avec l’obligation d’emprunter les bateaux des Messageries Maritimes, puis l’apparition de la voiture comme moyen de déplacement sur les routes de Palestine. Les excursions restent toujours aussi nombreuses et la Terre Sainte n’est plus qu’une composante du voyage. C’est également une rivalité de plus en plus dure avec les pèlerinages Saint-Louis qui sont de retour à Jérusalem pour la Semaine sainte de 1922. Les effectifs sont sensiblement les mêmes durant les années 20 et 30 et les prix pratiqués par Mgr Potard s’avèrent moins onéreux que ceux des assomptionnistes. Une note assomptionniste de mai 1926 révèle que les prix en 1e classe pour les pèlerinages Saint-Louis sont de 7 100 frs et 8 200 frs pour les pèlerinages nationaux, 5 200 frs contre 6 500 frs en 2e classe, et 3 600 frs contre 5 300 frs en 3e classe 763 . Ces différences importantes, surtout en 3e classe, s’expliquent d’après les assomptionnistes par un pèlerinage qui dure deux jours de moins chez les concurrents et une volonté d’établir des prix serrés pour la 3e classe.
Les Missions Catholiques, OPM, 1924.
Echos de Notre-Dame de France, n°79, juillet-septembre 1920.
Jérusalem, AAV, n°122, septembre-octobre 1924.
Ibid. Il est à noter que les pèlerins de cette première caravane d’après-guerre auront à cœur de prier pour les victimes de la Grande Guerre. Une messe au calvaire est célébrée pour eux et la principale intention leur est également réservée au chemin de croix du Vendredi Saint.
Le 48e Pèlerinage National français en Terre Sainte, Jérusalem, n°122, 1924.
Pèlerinages de Terre Sainte, mai 1926, AAR, UF 90.