Les formes institutionnelles du mode de régulation

Chaque régime d’accumulation s’accompagne d’un mode de régulation spécifique, qui correspond à la nature des formes institutionnelles pilotant la croissance. La notion de mode de régulation ouvre l’analyse à la prise en compte du jeu des institutions régulatrices dans la canalisation du comportement des acteurs économiques (Boyer, 1986). Elle correspond à un état institutionnalisé des rapports sociaux au sein d’une formation sociale, le plus souvent un Etat, mais également, potentiellement, toute autre forme d’organisation territoriale, même partielle (Union Européenne, région, agglomération urbaine).

Si le régime d’accumulation extensif est marqué par une régulation largement concurrentielle des relations interindustrielles et la quasi absence des institutions étatiques dans les processus d’ajustement entre rapports sociaux et fonctionnement de l’économie, la période fordiste est marquée au contraire par le rôle central de l’Etat, essentiellement à travers la politique économique keynésienne qu’il développe. Il concourt en effet, directement et par de multiples canaux indirects, à l’internalisation et à la reproduction, par l’ensemble des acteurs économiques du pays (firmes, groupes sociaux, administrations), des principes et des contraintes de l’accumulation intensive.

Le mode de régulation de l’économie présente une configuration d’ensemble composée de cinq formes institutionnelles conjuguées entre elles, que sont le régime monétaire, le rapport salarial, l’organisation des formes de la concurrence entre firmes, les modalités d’insertion de l’économie nationale dans le régime international et la configuration spécifique des relations entre l’Etat et l’économie. C’est précisément cette dernière forme institutionnelle, qui tend à intégrer les quatre autres, qui nous intéresse particulièrement dans l’analyse de la recomposition des formes de régulation de l’économie par le territoire. La manière dont la puissance publique organise le rapport entre la régulation institutionnelle et le fonctionnement de l’économie est notamment visible à travers les choix politiques, organisationnels et opérationnels opérés pour assurer l’intervention économique. Elle s’illustre concrètement à travers l’organisation et l’évolution des modalités de l’aménagement économique de l’agglomération lyonnaise depuis les cinquante dernières années.

En effet, la planification, l’aménagement du territoire et les politiques urbaines qui l’accompagnent, constituent des leviers très importants qui structurent de manière fondamentale les relations entre la puissance publique, qui édicte et met en œuvre ses dispositifs d’intervention, et les agents économiques (firmes, groupes sociaux…). La régulation opérée par le gouvernement français après la seconde guerre mondiale s’appuie en grande partie sur ces outils, selon un mode d’organisation et de mise en œuvre de l’action fortement centralisé. La prise en main des affaires économiques du pays repose essentiellement sur le recours à une planification dirigiste et à une organisation globale des relations entre monde économique et sphère politique publique, qui constituent les fondements du modèle français de régulation de l’économie, communément appelé « économie dirigée ».

Cette politique économique et d’aménagement du territoire est notamment déclinée dans l’agglomération lyonnaise à travers les politiques des métropoles d’équilibre lancée en 1965 et de décentralisation tertiaire lancée en 1971 (voir supra, 2ème partie).