Conclusion de chapitre

L’approche du territoire développée dans la continuité des travaux de l’Ecole de la régulation permet ainsi de prendre en compte la façon dont les structures administratives participent, sous leur forme territoriale, de la régulation d’ensemble du système économique et de la profonde réorganisation en cours au niveau des territoires locaux, parallèlement à l’évènement d’une nouvelle forme ultra flexible et hyperconcurrentielle du régime d’accumulation capitaliste.

Elle privilégie notamment la mise en avant du rôle fondamental de l’Etat et des institutions administratives, dont font partie les collectivités locales, dans le processus historique de structuration des formations sociales homogènes au niveau national, notamment grâce à la mise en place de découpages territoriaux nationaux et locaux. Elle s’avère en outre très pertinente pour saisir les dynamiques actuelles de territorialisation de l’intervention économique, telles que nous les étudions au travers du cas de l’agglomération lyonnaise, car celles-ci sont présentées comme une forme d’adaptation des institutions publiques participant à la régulation de l’économie face à la crise structurelle du système fordiste.

Sur la base de cette approche, il est possible de dégager l’hypothèse principale de notre thèse : La politique de développement économique pilotée par la Communauté urbaine de Lyon constitue une réponse concrète et localisée à la nécessaire recomposition territoriale du mode de régulation de l’économie capitaliste.

L’intérêt de la théorie de la régulation pour notre analyse réside précisément dans la prise en compte du territoire de l’agglomération lyonnaise, donc du niveau local, non seulement comme un niveau privilégié d’innovation et d’émergence des transformations du régime d’accumulation, ce que bon nombre de travaux de géographie économique tendent à démontrer depuis une quinzaine d’années à partir de terrains d’études très divers (Pecqueur, 2000 ; Pecqueur, 1986 ; Benko, Lipietz, 1992), mais surtout comme un niveau de plus en plus pertinent – bien que partiel – de la régulation d’ensemble du système économique, par le biais notamment des initiatives d’intervention économique développées par les élites politiques et économiques en charge de son administration.

Notre propos, centré sur cette nouvelle forme institutionnelle territorialisée de la régulation, laisse de côté les analyses en termes de régime d’accumulation et d’organisation entre firmes. En revanche, il s’appuie sur les approches et recherches récentes en économie et en géographie économique (Benko, Lipietz, 1992 ; Benko, Lipietz, 2000), prenant en considération les autres formes de coordination entre les entreprises (i.e. non marchandes), le type de relations capital-travail sur le territoire, ainsi que les politiques de développement local menées par les élites (Benko, Lipietz, 2002).

C’est précisément sur ce dernier aspect directement lié à la problématique du développement local qu’est centré notre analyse du processus de territorialisation de la régulation économique à travers le cas lyonnais. Pour autant, il est nécessaire de prendre également la mesure des évolutions du modèle de développement économique capitaliste depuis la survenue de la crise économique, qui passent notamment par une redécouverte du rôle moteur du territoire, comme construit sociopolitique et socio-économique, dans les dynamiques de croissance et de développement. C’est en effet l’une des principales avancées réalisées par les Sciences économiques, que de reconnaître le statut de facteur de développement économique aux territoires, notamment locaux.