2- La base productive lyonnaise

La base économique actuelle de la métropole lyonnaise repose sur un système productif local marqué par l’importance du tissu des PME-PMI, malgré le fort développement depuis cinquante ans des grandes groupes industriels dans l’agglomération (Rhône-Poulenc, RVI, Elf…). En 1994, 76 % des établissements industriels emploient moins de dix salariés, tandis qu’une dizaine d’établissements seulement dépassent le millier d’employés. Le constat est encore plus évident pour le secteur tertiaire : 6 % des entreprises comptent plus de 10 salariés, plus de la moitié ne sont composées que d’une seule personne (RUL, 1994).

Cette structuration particulière du SPL tend à renforcer et à poursuivre la tradition d’indépendance des entreprises lyonnaises, malgré l’augmentation des relations de dépendance et de sous-traitance entre les petites structures et les plus grandes unités. L’internationalisation du système économique contribue par ailleurs à faire pénétrer les capitaux étrangers dans les entreprises lyonnaises. Ils émanent majoritairement d’autre pays de l’Union Européenne, comme la Grande-Bretagne ou Allemagne, et induisent une certaine dépendance vis-à-vis de stratégies extérieures au SPL (25 %des capitaux étrangers sont originaires des Etats-Unis en 1992). Toutefois, cette infiltration des capitaux étrangers dans l’économie locale n’est pas seulement un facteur négatif : la position stratégique de Lyon, comme porte d’entrée d’une vaste zone Sud-est de la France, tend à réaffirmer son statut de métropole régionale rayonnante, assurant l’interface entre le territoire local et le reste du monde (Bonneville, 1997).

En 1990, Le Grand Lyon compte près de 600 000 emplois, dont la moitié est localisé dans la ville centre. Il constitue ainsi le second pôle d’emploi français après Paris. Lyon apparaît comme une ville encore assez fortement marquée par son profil industriel et généraliste, malgré l’important développement du secteur tertiaire, y compris des services aux entreprises, notamment au regard des autres villes de province du pays (Bonneville, 1997). La part de l’emploi industriel (BTP compris) représente un peu moins du quart de l’emploi total, alors que les services en couvrent près de 70 %, dont 34 % dépendent du secteur public (administrations déconcentrées et locales, offices HLM, hôpitaux, éducation nationale, Sécurité Sociale) (INSEE, 1998). En 1997, les mêmes proportions s’observent encore entre secteurs secondaire et tertiaire. Le nombre total d’emplois atteint 750 000 en 2005, répartis dans 117 500 établissements 3 .

Entre 1989 et 1997, le Grand Lyon a perdu 12 600 salariés dans le secteur privé. La seule ville de Lyon a perdu 18 300 salariés tous secteurs confondus (INSEE, 1998), révélant l’important processus de « périphisation » de l’emploi autour de la ville centre (Boino, 1999). Cette perte d’emploi s’accompagne d’une forte désindustrialisation, le Grand Lyon enregistrant une perte de 22 % des effectifs de l’industrie en 8 ans (-26 854 emplois). Ce sont essentiellement les communes de l’Est et du Sud-est, traditionnellement tournées vers les activités industrielles, qui enregistrent les plus grosses pertes après la ville de Lyon (Vénissieux, Saint-Fons, Villeurbanne, Décines-Charpieu, Saint-Priest).

Le secteur tertiaire constitue en revanche la locomotive du maintien de l’emploi dans l’agglomération, bien qu’il ne compense pas en totalité les pertes liées à l’industrie. L’emploi salarié tertiaire privé augmente en effet de 9 % entre 1989 et 1997, la moitié de cet accroissement étant assurée par les services aux entreprises (+11 961 emplois). L’économie lyonnaise affiche donc une très nette tertiarisation, dynamique qui s’inscrit en cohérence avec les tendances générales de l’économie (voir supra), mais qui puise aussi ses origines dans la politique étatique de décentralisation tertiaire des années 1960-70 (voir 2ème partie).

Malgré les pertes sévères enregistrées par le secteur industriel lyonnais, sa grande diversité continue donc de caractériser le « modèle lyonnais », qui diffère notamment du « modèle parisien » reposant sur les activités élitistes ou des villes plus spécialisées comme Toulouse, Montpellier et Grenoble (Damette, 1994). Le maintien d’un large panel de spécialités productives locales contribue ainsi à asseoir la position de la métropole lyonnaise dans l’ensemble économique national (Bonneville, 1997), comme la seule grande ville française véritablement industrielle, avec un indice de spécificité en matière de production matérielle supérieur à 170 par rapport à la moyenne des autres villes (Damette, 1994).

Toutefois, l’indice élevé dans le domaine des activités d’intermédiation montre qu’il existe un lien étroit entre l’industrie et le tertiaire dit « stratégique » 4 à Lyon. L’agglomération représente même le premier pôle provincial de services stratégiques en 1990 avec 61 000 emplois, spécialisé dans les activités commerciales industrielles, la gestion des établissements industriels, le commerce de gros, la recherche appliquée et les services aux entreprises industrielles locales et régionales (Bonneville, 1997). Les services marchands aux particuliers et le commerce de détail, plus banaux et induits par le poids démographique de l’agglomération, renforcent encore l’armature tertiaire locale.

La grille d’analyse des structures urbaines d’activité proposée par P. Beckouche et F. Damette (1993) permet de préciser le profil fonctionnel de l’économie de l’agglomération lyonnaise, à partir de l’identification des fonctions de reproduction sociale, de production abstraite (recherche, gestion, commerce, marketing) et concrète (industrie et services pratiques), ainsi que des fonctions d’autorité ou avales, toutes envisagées selon leur caractère individuel ou collectif. Lyon se positionne ainsi comme une métropole plutôt spécialisée dans les fonctions individuelles productives essentiellement industrielles (abstraites et concrètes), mais faiblement dotée en fonctions d’autorité comparativement à d’autres villes françaises, avec une place très importante également pour les fonctions collectives de circulation et d’intermédiation au sens large (logistique, services spécialisés aux entreprises) (Larceneux, Boucon, Caro, 1998). Hormis ses faiblesses en matière de commandement économique, Lyon apparaît donc comme une métropole bien armée dans le jeu de concurrence exacerbée qui sévit entre les territoires.

L. Davezies (1998) pointe en outre le profil très particulier de l’agglomération lyonnaise en France, qui détermine de manière assez positive ses possibilités de développement économique autonome vis-à-vis de l’Etat et de la capitale : grâce au fort maintien de l’industrie dans le système productif local et au développement d’un important secteur tertiaire marchand et industriel pour les entreprises, Lyon se positionne comme une ville globalement peu dépendante des fonds publics pour son développement économique, donc relativement bien disposée pour asseoir sa prospérité sur l’économie de marché. Le dynamisme propre du SPL lyonnais et de ses secteurs d’activités moteurs confère en effet à la métropole une capacité de développement endogène importante, notamment par rapport à Marseille ou Lille : la présence d’un tertiaire industriel important et de services aux entreprises spécialisés facilite notamment le prolongement des mouvements technologiques dans les entreprises sur le territoire lyonnais, susceptible d’entraîner croissance et progrès économique.

Notes
3.

Source : www.entreprendre.grandlyon.com.

4.

Les 11 fonctions stratégiques identifiées par P. Beckouche et F. Damette (1993) sont : la gestion, la recherche industrielle, le commerce industriel, l’informatique, la recherche, l’information, les services aux entreprises, la banque et l’assurance, le commerce de gros, les télécommunications et les transports.