La question de l’internationalité des villes, notamment européennes, est largement traitée depuis la fin des années 1980, en liaison avec la construction de l’Europe économiquement intégrée scellée par le Traité de Maastricht (1992). Les recherches conduites dans ce contexte sont essentiellement orientées vers l’appréhension du degré d’internationalisation des villes, de la nature des processus d’internationalisation et de la capacité des villes à rayonner au delà des frontières régionales et nationales. Une ville internationale n’est ainsi pas forcément (ou seulement) une ville où siège des institutions internationales, à l’image de Genève, Paris ou Bruxelles, mais c’est d’abord une ville d’hommes d’affaires accessible, ayant une base économique diversifiée ainsi que toutes les structures et équipements (hôtels de luxe, lycée international, centres de congrès, entreprises d’interprétariat), et l’environnement (espaces publics de qualité, monuments symboliques et patrimoine urbain, programmes artistiques, culturels et de loisirs « haut de gamme », cadre de vie et offre de logements de standing) nécessaires, voire indispensables pour accueillir les hommes d’affaires (Buisson, 1993).
Face à ces critères, la métropole lyonnaise semble tout à fait disposée à participer à la course à l’internationalité qui occupe la majeure partie des grandes villes européennes depuis les années 1980, notamment grâce à sa position de carrefour sur un nœud majeur des réseaux de communication et de transport régionaux, nationaux et internationaux. Elle est en effet classée parmi les villes en cours d’internationalisation, c’est-à-dire comme une ville internationale non complètement aboutie, mais qui remplit environ 80 % des critères d’internationalité identifiés par les experts pour qualifier les villes. Les potentialités de Lyon comme ville internationale, ou du moins comme métropole européenne, sont donc assez fortes, lui permettant de s’inscrire dans la catégorie des métropoles européennes de troisième rang, à l’image de Turin, Zurich ou Liverpool (RUL, 1999) 7 . Cette position est en partie liée à l’implantation dans l’agglomération de sièges d’institutions internationales à fort rayonnement comme Interpol, Euronews et le Centre international de recherche sur le cancer.
Lyon appartient plus précisément au groupe des villes internationales ayant un rôle d’interface entre l’économie mondiale et leur région (Bonneville, Buisson, Rousier, 1993). Elle se distingue ainsi des villes internationales spécialisées dont l’ouverture au monde est dépendante de l’internationalisation de leur base productive, mais aussi des villes internationales tirant leur statut des fonctions de régulation des relations internationales qu’elles abritent. La métropole lyonnaise constitue la « porte d’entrée » de l’économie globale dans un espace régional qui couvre l’ensemble de la région Rhône-Alpes mais également la majeure partie du quart Sud-est de la France, grâce à l’importance et à la diversité de sa base économique d’une part, et à la puissance démographique et économique de la région qu’elle dessert d’autre part. Toutefois, l’activité des sociétés de commerce extérieur implantées à Lyon ne permet pas de mettre en évidence le rôle de centre de redistribution régionale de la métropole, ces entreprises œuvrant essentiellement à la satisfaction des besoins de la base économique locale (Bonneville et alii, 1993).
Les secteurs d’activités industriels lyonnais qui regroupent le plus grand nombre d’entreprises sont également ceux qui ont la plus grande proportion de firmes exportatrices, comme le textile et la chimie. Dans le secteur tertiaire, 68 % des sociétés exportatrices appartiennent à la branche du commerce de gros, confirmant le rôle d’interface joué par Lyon vis-à-vis de la région. L’internationalité issue de son rôle d’interface rend la métropole lyonnaise particulièrement sensible aux enjeux liés à l’ouverture sur l’Europe, dans le contexte de consolidation et de parachèvement de l’intégration des économies nationales au sein de l’Union Européenne. C’est en effet un moyen pour la ville de s’affranchir enfin du joug parisien et de développer un système productif local plus indépendant vis-à-vis de la centralité économique de la capitale, capable de nouer des liens économiques directs avec d’autres territoires en Europe ou dans le monde, sans passer nécessairement par Paris.
La base économique locale constitue ainsi, sur certains segments spécifiques, un facteur d’internationalisation non négligeable pour la métropole lyonnaise, renforcé également par la présence de capitaux étrangers dans certaines entreprises appartenant à ces mêmes filières industrielles : 23 % des firmes de la para-chimie, de la pharmacie, de la construction électrique et mécanique sont concernées, mais seulement 6.5 % dans le secteur tertiaire (Bonneville et alii, 1993). Ces indicateurs s’expliquent en partie par la « renommée internationale » des productions et savoir-faire lyonnais et révèlent une intégration de la base économique locale dans l’économie mondiale, au moins sur certains pôles de compétences particuliers.
Par contre, la métropole lyonnaise présente encore quelques lacunes en matière de rayonnement international, notamment dans les domaines considérés comme déterminants que sont l’organisation de salons professionnels, de congrès et de foires ou l’animation culturelle et artistique. Si Lyon est la première place régionale en proposant un nombre important de salons spécialisés (34 en 1997, ayant drainé plus de1.1 million de visiteurs) grâce à des structures d’accueil adaptées (Palais des Congrès de la Cité Internationale, qui remplace le Palais de la Foire déménagé dans la périphérie Est de Lyon sur le site Eurexpo, complété en 2005 par la nouvelle Salle 3000, Halle Tony Garnier à Gerland, Espaces Double-Mixte et Tête d’Or à Villeurbanne), le rayonnement international des événements organisés à Lyon reste très faible. Ils s’avèrent être en outre plus fréquemment le vecteur de pénétration des produits étrangers dans la région que de l’exportation des produits régionaux et lyonnais vers le reste du monde (Bonneville et alii, 1993). La faiblesse des activités d’interprétariat dans l’agglomération traduit de plus la vocation plus nationale qu’internationale de la plupart de ces événements économiques ponctuels (Beckouche, Davezies, 1999).
Le manque de grands hôtels de luxe de classe internationale renforce également le caractère limité du rayonnement de Lyon comme place de grandes manifestations économiques ou scientifiques internationales. Le nombre de congrès internationaux tenus dans l’agglomération lyonnaise, après avoir augmenté entre 1992 et 1995, est en effet redescendu au niveau du début des années 1990 pour l’année 1998. En 1997, Lyon apparaît certes dans le classement des 25 premières villes européennes de congrès, mais seulement à la 23ème place. Les critères décisifs quant au choix d’une ville d’accueil pour localiser une telle manifestation sont l’accessibilité, l’attractivité, la notoriété et la capacité d’hébergement (RUL, 1999) 8 . La métropole lyonnaise répond assez bien aux trois premiers, notamment du fait de sa position géographique, de la puissance et de la diversité de sa base économique et de l’inscription de son centre sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, mais pèche sur le dernier en raison de la faiblesse de ses équipements hôteliers.
Le tourisme d’affaires et la fréquentation touristique en général à Lyon souffrent de la domination économique parisienne et de l’extrême centralisation culturelle qui caractérise la France. Les professions intellectuelles supérieures et artistiques lyonnaises ne représentent ainsi qu’à peine plus de 5 % du potentiel des 100 premières unités urbaines du pays. A l’échelle européenne, l’existence de Lyon est quasiment nulle dans les secteurs de l’édition (livres, musiques et techniques), de la production cinématographique et de la production télévisuelle.
Pourtant, Lyon possède un passé très riche dans l’édition (la ville est un grand centre d’imprimerie durant la Renaissance), dans le cinéma (les Frères Lumière l’ont inventé à Lyon à la fin du 19ème siècle). Quelques chaînes de télévision sont aussi implantées dans l’agglomération (France 3 Régions, Euronews, Télé Lyon Métropole), et de nombreux petits labels de musique indépendants tentent de se développer entre Saône et Rhône depuis 10 ans. La défaillance de Lyon en matière d’audiovisuel ne se retrouve pas dans toutes les autres grandes villes d’Europe non capitales, ce handicap pour le rayonnement international étant typiquement français (on le retrouve d’ailleurs à Marseille dans une moindre mesure, et à Lille).
Cependant, Lyon occupe une position un peu plus avantageuse dans le secteur de la presse écrite et de la radio, grâce à la survivance de véritables institutions locales comme le journal Le Progrès ou la présence d’un important terreau de radios associatives dont certaines ont fini par acquérir une renommée et une audience nationale (Nostalgie). Elles ne permettent toutefois pas de renforcer directement le rayonnement international de la ville, mais confortent a minima sa place dans le paysage français.
Les activités culturelles, plus emblématiques que directement productives et économiques, constituent un enjeu stratégique de premier ordre pour les métropoles désireuses de construire une image attractive et rayonnant de leur territoire. Malgré des faiblesses en termes d’emplois culturels, l’agglomération lyonnaise possède néanmoins un potentiel en matière d’équipements culturels et de grands événements collectifs relativement riche. Plusieurs théâtres jouissent en effet d’une grande renommée (Célestins, Croix-Rousse, Ateliers), comme l’Opéra, l’Auditorium M. Ravel et l’Orchestre National de Lyon dans le domaine musical. La Maison de la Danse et la Biennale de la Danse sont également des vecteurs de rayonnement international importants pour la ville, dont l’esprit tente d’être dupliqué à travers l’organisation de la Biennale d’Art Contemporain en appui avec le Musée d’Art Contemporain et de la Biennale Jeunes Publics en collaboration avec le Théâtre des Jeunes Années. Enfin, le riche patrimoine historique de la ville est mis en valeur grâce aux nombreux musées lyonnais (Beaux-Arts, Tissus, Hôtel de Gadagne, Automobile, Maison des Frères Lumières), ainsi qu’à travers la Fête des Illuminations du 8 décembre.
Si l’agglomération lyonnaise est assez bien dotée sur le plan international grâce à l’importance de quelques pôles de compétences, elle n’est guère avantagée dans le domaine de l’événementiel du rayonnement culturel et de la fréquentation touristique. Le statut métropolitain de la ville s’explique d’abord par ses capacités de structuration d’un ensemble régional, grâce au développement de nouvelles proximités fonctionnelles et économiques en réseau, mais le statut de ville internationale demeure encore précaire et soumis à quelques conditions, comme le développement des équipements hôteliers, l’internationalisation plus poussée de sa base économique et le renforcement de l’offre culturelle afin d’améliorer l’attractivité touristique.
Voir en particulier la carte établie selon 16 critères économiques, démographiques et culturels d’après les travaux du GIP Reclus pour la DATAR.
D’après une étude la CCIL sur le tourisme urbain en région lyonnaise.